lundi 21 mars 2011

EPIKIE ET DROIT CANONIQUE : VIOL ET EXCOMMUNICATION

La presse revient largement sur l'avortement de cette brésilienne de 9 ans,
enceinte de jumeaux après avoir été violée par son beau-père. Sa mère, qui a
pris la décision de la faire avorter, ainsi que les médecins qui ont pratiqué
l'avortement, ont été excommuniés par l'archevêque de Recife et Olinda, Dom José
Cardoso Sobrinho.
Président de la Commission pontificale pour l'Amérique latine, le cardinal
Giovanni Battista Re a déclaré qu'il s'agissait "d'un cas triste, mais le vrai
problème, c'est que les jumeaux conçus étaient des personnes innocentes qui ne
pouvaient être éliminés".
Le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la congrégation pour les évêques au
Vatican, a justifié l'excommunication de la mère d'une Brésilienne de 9 ans
ayant avorté après avoir été violée par son beau-père, car les jumeaux qu'elle
portait "avaient le droit de vivre", apprend-on ce lundi 9 mars.
L'archevêque de Recife dans le nord-est du Brésil a excommunié jeudi la mère de
l'enfant, qui a avorté de jumeaux alors qu'elle était enceinte de quinze
semaines.
L'excommunication a été étendue à toute l'équipe médicale qui a pratiqué
l'opération, mais pas au beau-père de l'enfant car "le viol est moins grave que
l'avortement" a expliqué Giovanni Battista Re.

En cette circonstance, l'Eglise de Rome déclare appliquer les dispositions du
Code de Droit canonique.

Or l'examen de cette affaire oblige à rappeler les faits :

-l'enfant violé a 9 ans
- la maman de l'enfant et l'équipe médicale sont excommuniés
- l'auteur du viol n'st soumis à aucune peine canonique.
1° - La peine au regard du Droit canonique

Ceci étant rappelé, le canon 1223 expose : « N'est punissable d'aucune peine la
personne qui, lorsqu'elle a violé une loi ou un précepte : 1 n'avait pas encore
seize ans accomplis ; 2 ignorait, sans faute de sa part, qu'elle violait une loi
ou un précepte ; quant à l'inadvertance et l'erreur, elles sont équiparées à
l'ignorance ; 3 a agi sous la contrainte d'une violence physique ou à la suite
d'une circonstance fortuite qu'elle n'a pas pu prévoir, ou bien, si elle l'a
prévue, à laquelle elle n'a pas pu s'opposer ; 4 a agi forcée par une crainte
grave, même si elle ne l'était que relativement, ou bien poussée par la
nécessité, ou pour éviter un grave inconvénient, à moins cependant que l'acte ne
soit intrinsèquement mauvais ou qu'il ne porte préjudice aux âmes ; 5 a agi en
état de légitime défense contre un agresseur qui l'attaquait injustement,
elle-même ou une autre personne, tout en gardant la modération requise ; 6 était
privée de l'usage de la raison, restant sauves les dispositions des can. 1324, §
1, n. 2, et 1325 ; 7 a cru que se présentait une des circonstances prévues aux
nn. 4 ou 5. »

Le N° 4 de cet article peut-il justifier (en ce qu'il y aurait préjudice aux
âmes) la non application de l'une au moins des exceptions permises par l'énoncé
du canon cité ?

Ce N° 4 permet-il à l'auteur de la sanction et à ses défenseurs dans la décision
de se donner bonne conscience ?

Ce point sera discuté plus loin.

Reprenant la lecture du Code au nom duquel l'excommunication fut prononcée,
l'article 1324 expose : « § 1. L'auteur d'une violation n'est pas exempt de
peine, mais la peine prévue par la loi ou le précepte doit être tempérée, ou
encore une pénitence doit lui être substituée, si le délit a été accompli : 1
par qui n'aurait qu'un usage imparfait de la raison ; 2 par qui était privé de
l'usage de la raison par ébriété ou tout autre trouble mental analogue qui
serait coupable ; 3 par qui a agi sous le feu d'une passion violente qui
n'aurait cependant pas devancé et empêché toute délibération de l'esprit et tout
consentement de la volonté, et à condition que cette passion n'ait pas été
excitée ou nourrie volontairement ; 4 par le mineur après seize ans accomplis ;
5 par qui a agi forcé par une crainte grave, même si elle ne l'est que
relativement, ou bien poussé par le besoin ou pour éviter un grave inconvénient,
si le délit est intrinsèquement mauvais ou s'il porte préjudice aux âmes ; 6 par
qui, agissant en état de légitime défense contre un agresseur qui attaquait
injustement lui-même ou un autre, n'a pas gardé la modération requise ; 7 contre
l'auteur d'une grave et injuste provocation ; 8 par qui, par une erreur dont il
est coupable, a cru que se présentait une des circonstances dont il s'agit au
can. 1323, nn. 4 et 5 ; 9 par qui, sans faute, ignorait qu'une peine était
attachée à la loi ou au précepte ; 10 par qui a agi sans pleine imputabilité,
pourvu que celle-ci demeure grave.
§ 2. Le juge peut faire de même s'il existe quelque autre circonstance atténuant
la gravité du délit.
§ 3. Dans les circonstances dont il s'agit au § 1, le coupable n'est pas frappé
par une peine latae sententiae. »
Vu les dispositions de l'article 1324 en son N° 8, renvoyant à l'article
précédent en son N° 4,
Vu les dispositions de l'article 1324 en son N° 5, renvoyant implicitement à
l'article précédent en son N° 4,

Il ne convenait pas de procéder à la peine la plus grave puisque la peine (à
supposer qu'elle soit admise) doit être modérée, selon les dispositions de
l'article 1324 § 1.

2° - La peine au regard du principe d'Epikie.

Je reprends la claire et simple définition donnée par K. RAHNER et H. VORGRIMLER
en leur « Petit dictionnaire de théologie catholique » : « On désigne ainsi un
principe de théologie morale dans l'interprétation et l'application des lois
humaines. D'après ce principe, une telle loi (fut-elle ecclésiastique) n'oblige
pas quand la saine raison fait supposer qu'ici, dans le cas concret, dans les
circonstances données, le législateur n'aurait pas voulu obliger, comme par
exemple dans le cas où l'observation de la loi donnerait lieu, dans telle
conjecture, à des difficultés disproportionnées par rapport au but de la loi. »

Dans la situation présente, les évêques qui prirent la décision critiquée ou s'y
associèrent, soumirent-ils leur réflexion au principe d'équité ou Epikie ?
Gardiens de la Foi et de la Liturgie, ils sont aussi les administrateurs des
lois internes de l'Eglise.

Jean-Pierre BONNEROT

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