vendredi 29 juillet 2011

Les Confréries de Pénitents au Regard du Droit Canonique

« Vous êtes le sel de la terre … vous êtes la lumière du monde » (Mt. 5, 13-14). Cette invitation du Christ à propager son enseignement et à donner l’exemple ne s’adresse pas seulement au clergé mais à l’ensemble du peuple de Dieu. Les laïcs sont donc, également, appelés à porter témoignage.
Certes, ils peuvent le faire à titre individuel, mais il est plus efficace de le faire en groupe. C’est pour cette raison que le droit de l’Eglise prend en compte et organise ces groupes.
L’actuel code de droit canonique est entré en vigueur en 1983, remplaçant, simplifiant et modernisant le code de 1917 (à ce sujet, et pour cette époque, le lecteur pourra se reporter à la très intéressante étude publiée par F. ROQUES sous le titre « Aspects du statut canonique des Confréries de Pénitents » parue dans l’ouvrage intitulé « Pénitents des Alpes-Maritimes » éd. SERRE, 1981, pp 37 et s.).
Le code de 1983 met moins l'accent sur le caractère hiérarchique et ordonné de l'Église. Il veut au contraire promouvoir l'image d'une Église-peuple de Dieu (référence explicite à la constitution de 1964 Lumen Gentium) et d'une hiérarchie au service des autres. En effet, selon le canon 204 : «  Les fidèles du Christ sont ceux qui, en tant qu'incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui, pour cette raison, participants à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ,  sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l'Église pour qu'elle l'accomplisse dans le monde  ».
Le premier article, du code de droit canonique, qui aborde concrètement le sujet est le canon 215 qui dispose que : « Les fidèles ont la liberté de fonder et de diriger librement des associations ayant pour but la charité ou la piété, ou encore destinées à promouvoir la vocation chrétienne dans le monde, ainsi que de se réunir afin de poursuivre ensemble ces mêmes fins ». Il s’agit là d’une autorisation très générale qui s’applique à tous types d’association, en ce compris les Confréries de Pénitents.
Le canon 223 précise que les fidèles qui s’associent doivent : « tenir compte du bien ainsi que des droits des autres et des devoirs qu'ils ont envers eux » (car le bien individuel ne peut pas être séparé du bien commun) et désigne l'autorité ecclésiastique afin de régler l'exercice de leurs droits, afin d’éviter les abus.
Le canon 225 § 1 donne la raison de cette autorisation ; c’est : « Parce que comme tous les fidèles ils sont chargés par Dieu de l'apostolat en vertu du baptême et de la confirmation, les laïcs sont tenus par l'obligation générale et jouissent du droit, individuellement ou groupés en associations, de travailler à ce que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes et par toute la terre… ».
 Passé ces considérations générales, le code de droit canonique aborde le fond du sujet dans un Livre II traitant du « Peuple de Dieu » dans lequel s’emplace un Titre V intitulé « Les Associations de Fidèles », qui regroupe les canons 298 à 329. Ce Titre V est lui-même articulé en quatre chapitres :

1 – Les normes communes (canons 298 à 311)
2 – Les associations publiques de fidèles (canons 312 à 320)

3 – Les associations privées de fidèles (canons 321 à 326)

4 – Les normes spéciales pour les associations de laïcs (canons 327 à 329).

Les Confréries de Pénitents appartiennent, pour le plus grand nombre, à la catégorie des « associations privées de fidèles » ; il existe cependant des confréries qui relèvent de l’appellation « association publique de fidèles » (comme les tiers-ordres qui, eux, sont nommément visés au canon 303 alors que le terme « Pénitent » n’apparaît pas dans le code actuel, contrairement au code de 1917 qui consacrait aux Confréries et Archiconfréries les canons 707 à 725).
Le qualificatif de « privé » doit, bien évidemment, se comprendre par opposition à celui de « public » et non pas dans le sens de « manque » ou « d’absence » de fidèle.
Dans le cadre de cette étude il ne sera donc traité que des chapitres 1, 2 et 3 du Titre V du Livre II du code de droit canonique. De même il ne sera pas abordé les lois canoniques qui règlent les cérémonies, c’est-à-dire la liturgie.
I : Les normes communes (canons 298 à 311) :
Le code fait la distinction entre les associations, les instituts de vie consacrée, les sociétés de vie apostolique et les associations cléricales. Le mot « association », retenu pour sa modernité et sa compréhension, a remplacé l’ancien terme de « sodalité » (du latin sodalis  = compagnon) qui se traduit par les idées de confrérie, fraternité, société, association, corporation, ou compagnonnage.
Dans ce Chapitre I du Titre V du Livre II il est réaffirmé la liberté qu’ont les fidèles de constituer des associations par convention privée conclue entre eux, pour favoriser une vie plus parfaite, promouvoir le culte public ou la doctrine chrétienne, ou encore exercer d’autres activités d’apostolat.
Le canon 301 prévoit même que, sans attendre que des fidèles se regroupent spontanément dans un cadre privé, les autorités ecclésiastiques puissent créer elles-mêmes, en tant que de besoin, des « associations de fidèles qui se proposent d’enseigner la doctrine chrétienne au nom de l’Église ou de promouvoir le culte public, ou encore qui tendent à d’autres fins dont la poursuite est réservée de soi à l’autorité ecclésiastique ».
Dans ce cas de telles associations entrent dans la catégorie des « associations publiques de fidèles ».
Les statuts desdites associations devant, cela va sans dire, être approuvés si elles sont publiques, ou reconnus si elles sont privées, par l’autorité ecclésiastique compétente c'est-à-dire l’Evêque du diocèse, également appelé l’Ordinaire.
Le canon 304 dispose en effet :
« 1. Toutes les associations publiques ou privées, quels que soient leurs titres ou leurs noms, auront leurs statuts, par lesquels sont définis le but ou l’objet social de l’association, le siège, le gouvernement et les conditions requises pour en faire partie, et sont déterminés les modes d’action, compte tenu des besoins ou de l’utilité de temps et de lieux.
2. Elles se donneront un titre ou un nom approprié aux usages de temps et de lieux, choisi surtout en fonction de la fin qu’elles poursuivent ».
Quant au canon 305 il précise :
« 1. Toutes les associations de fidèles sont soumises à la vigilance de l’autorité ecclésiastique compétente, à laquelle il appartient d’avoir soin que l’intégrité de la foi et des moeurs y soit préservée, et de veiller à ce que des abus ne se glissent pas dans la discipline ecclésiastique; c’est donc le devoir et le droit de l’autorité compétente d’exercer la vigilance selon le droit et les statuts ; les associations sont encore soumises au gouvernement de cette même autorité selon les dispositions des canons suivants.
2. Les associations de tout genre sont soumises à la vigilance du Saint-Siège; sont seulement soumises à celle de l’Ordinaire du lieu les associations diocésaines, ainsi que les autres associations dans la mesure où elles exercent leur activité dans le diocèse ».
L’élaboration d’un règlement intérieur est également prévue puisque les associations ont le droit d’édicter des règles particulières concernant l’association elle-même, et de tenir des assemblées, de désigner des modérateurs, des officiers, des ministres et des administrateurs de biens, selon le droit et les statuts (canon 309).
Il est à noter que le canon 307 § 2 autorise une même personne à s’inscrire à plusieurs associations (ce qui n’était pas autorisé par l’ancien code de 1917). Est-ce à dire qu’une personne peut être Pénitent de plusieurs confréries ?  La réponse est sans aucun doute affirmative, sous réserve que cela ne soit pas interdit par le règlement intérieur ou par la tradition des Confréries concernées.
Il va de soi, tout au moins en France, que les Confréries de Pénitents doivent également respecter et appliquer les textes régissant le statut des associations, c’est-à-dire la loi du 1er juillet 1901 et son décret d’application du 16 août de la même année, outre la loi française dans sa globalité.
Après les normes communes visant toutes les catégories d’association religieuse il nous faut aborder la règle spécifiquement applicable aux associations de fidèles dont les Confréries de Pénitents sont une des composantes, quelles soient publiques ou privées.
 II : Les associations publiques de fidèles (canons 312 à 320) :
S’agissant des confréries de pénitents dont l’activité ne dépasse jamais le cercle du village ou de la cité, l’autorité compétente pour les ériger est l’Evêque diocésain du lieu.
Dès leur création elles sont constituées en personne juridique et la constitution puis l’éventuelle révision de leurs statuts doivent être approuvées par l’Evêque qui les a érigées (canon 314).
Lesdites associations ne sont pourtant pas dépourvue d’autonomie puisque le canon 315 précise que : « Les associations publiques peuvent entreprendre de leur propre initiative les projets conformes à leur caractère propre » … sous la haute direction de l’autorité ecclésiastique dont elles sont issues.
Il existe cependant des restrictions (que ne connaissent pas les « associations privées de fidèles ») car selon le canon 316 :
« 1 Quiconque a publiquement rejeté la foi catholique ou s’est séparé de la communion de l’Église, ou est sous le coup d’une excommunication infligée ou déclarée, ne peut validement être admis dans les associations publiques.
2 Les personnes qui légitimement inscrites tomberaient dans un cas du § 1, seront, après monition, renvoyées de l’association, en respectant les statuts et restant sauf le droit de recours à l’autorité ecclésiastique… ».
L’autorité ecclésiastique détient un droit de regard sur la nomination des dirigeants et si l’association peut librement gérer ses biens  elle doit rendre compte annuellement de son administration, ainsi que de l’emploi des offrandes et aumônes reçues (canon 319). Cela s’explique par le fait que lesdits biens de l’association ont un statut de biens ecclésiastiques selon la définition qu’en donne le canon 1257 § 1.
Enfin, l’autorité ecclésiastique ayant instituée l’association – soit l’Evêque diocésain pour les Pénitents –  peut, pour causes graves, la supprimer.
Les contraintes sont moins importantes dans les « associations privées de fidèles », catégorie dont relève la plupart des Confréries de Pénitents.
III : Les associations privées de fidèles (canons 321 à 326) :
« Les fidèles dirigent et gouvernent leurs associations privées selon les dispositions des statuts » (canon 321). Cela laisse une assez grande liberté d’action et de gestion, dans le respect des lois de l’Eglise.
Cette liberté est réaffirmée par le canon 323 qui organise cependant la surveillance et même l’intervention de l’Ordinaire, ou de son délégué (application pratique du canon 305), dans les termes suivants :
« 1. Bien que les associations privées de fidèles jouissent de l’autonomie selon le can. 321, elles sont soumises à la vigilance de l’autorité ecclésiastique selon le can. 305, et aussi à son gouvernement.
2. Il appartient encore à l’autorité ecclésiastique compétente, restant sauve l’autonomie propre aux associations privées, de veiller avec soin que soit évitée la dispersion des forces et que l’exercice de leur apostolat soit ordonné au bien commun ».
Le § 2 du canon 323 montre que l’Eglise ne se soucie pas seulement du respect des bonnes mœurs ou de l’intégrité de la foi, mais également de la capacité pratique des membres de l’association à s’organiser et à agir. L’Eglise veille « avec soin [pour] que soit évitée la dispersion des forces », c'est-à-dire le désordre et la pagaille, qui entraînent épuisement et découragement des membres. Elle vérifie aussi que les associations ne se trompent pas de but et « que l’exercice de leur apostolat soit ordonné au bien commun ».
Passé cette prudente réserve les deux canons suivants laissent une certaine liberté d’organisation.
A cet effet le canon 324 dispose :
« 1. L’association privée de fidèles désigne librement son modérateur et ses officiers selon les statuts.
2. L’association privée de fidèles peut librement se choisir un conseiller spirituel, si elle le désire, parmi les prêtres exerçant légitimement le ministère dans le diocèse ; celui-ci a cependant besoin d’être confirmé par l’Ordinaire du lieu ».

Et le canon 325 rajoute :
« 1. L’association privée de fidèles administre librement les biens qu’elle possède selon les dispositions des statuts, restant sauf le droit qu’a l’autorité ecclésiastique compétente de veiller à ce que les biens soient employés aux buts de l’association.
2. Elle est soumise à l’autorité de l’Ordinaire du lieu selon le can. 301 en ce qui concerne l’administration et la distribution des biens qui lui sont donnés ou confiés pour des causes pies ».
Les limites de cette liberté sont les prescriptions des statuts et les règles que l’Ordinaire a pu imposer en vertu de son pouvoir de gouvernement et son droit de vigilance. Dans ce second cas il s’agit le plus souvent d’une simple obligation annuelle de reddition des comptes.
Le code de droit canonique organise, sans trop de contrainte, la vie des associations privées de fidèles et donc des Confréries de Pénitents, mais sachant que l’éternité n’est pas de ce monde il envisage, également, leur fin.
En effet, le canon 326, seul et unique article à traiter de cette question, prévoit la disparition des associations, dans les termes suivants :
« 1. L’association privée de fidèles s’éteint selon ses statuts ; elle peut être aussi supprimée par l’autorité compétente si son activité cause un grave dommage à la doctrine ou à la discipline ecclésiastique, ou provoque du scandale chez les fidèles.
2. La destination des biens d’une association éteinte doit être déterminée selon les statuts, restant saufs les droits acquis et la volonté des donateurs ».
Elles peuvent, également, s’éteindre en suite de la disparition du dernier Pénitent.
Il arrive cependant que, tel le Phénix, elles renaissent de leurs cendres.

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