samedi 20 juillet 2013

Le secret de la confession devait-on le violer dans le cas de lèse-majesté ?



Il y a peu de jours, un éminent professeur de la Faculté de droit de Paris, en se livrant, sur un point spécial, à une com­paraison du droit ancien avec la législation moderne, faisait une excursion sur le terrain de l'histoire. Il s'agissait du crime de lèse-majesté au premier chef. « Jadis, disait-il, la seule pensée en était punie de mort. Quiconque avait connaissance d'un complot, devait dénoncer celui qui le tramait, sous peine d'être traité de la même façon. Et les prêtres se trouvaient dans l'obligation, ou de trahir les secrets de la confession, ou de subir la peine capitale. On le voit par l'exemple de ce gen­tilhomme qui, malade à l'extrémité, s'étant confessé d'avoir eu la pensée de tuer le roi Henri II, et le confesseur ayant donné avis au procureur général, fut condamné à avoir la tête tranchée aux halles, ce qui fut exécuté *. »
Je n'ai pas le dessein de contester la première partie de cette assertion que la seule pensée du crime ccétaitpunie de mort, » et je n'aurais rien à dire, si l'honorable professeur n'avait cité que des exemples tel que ceux-ci ;<c 1° Un novice carme, à peine
1 M. Ortolan à son cours du 16 janvier 1868. C'est ainsi que peuvent se résumer les notes que plusieurs de ses auditeurs ont bien voulu nous com­muniquer. Il faut dire tout de suite que l'esprit de haute impartialité de M. Ortolan lui faisait ajouter : « Du reste on a vu des prêtres courageux préférer mourir, plutôt que de manquer à leur devoir. » Cf. Eléments de droit pénal, 2e édit., p. 245, en note, 3e édition, l. I, p. 434, note 1.


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à Tâge de douze ans, fut pendu à Chartres, en exécution d'un arrêt de novembre 1591, pour avoir dit, tenant un couteau, et jouant parmi des enfants de son âge, qu'il pourrait bien renouveler le coup de Jacques Clément; 2° Un vicaire de Saint-Nicolas-cles-Champs, condamné, par arrêt du 11 janvier 1595, à être pendu pour avoir dit qu'il se trouverait quelqu'un de bien, comme frère Jacques Clément, pour tuer Henri IV, ne fût-ce que lui4. » On pourrait même ajouter quelques autres faits rapportés par certains auteurs. Mais il n'entre pas dans mon sujet d'en examiner la valeur et l'authenticité; je les admets provisoirement, et les tiens pour exacts.
C'est la seconde des assertions de M. Ortolan : ce Les prêtres se trouvaient dans l'obligation ou de trahir les secrets de la confession ou de subir la peine capitale, » que je demande la la permission d'examiner ici. Dans une étude rapide, je mon­trerai que l'Église, qui a établi la confession, a exigé de celui qui la reçoit un secret absolu ; que depuis la fondation du christianisme, il en a été ainsi; puis, passant de la loi générale de l'Église aux lois spéciales de l'État, j'établirai leur accord complet, et j'examinerai avec soin chacun des faits allégués et sur lesquels s'est appuyé l'éminent professeur.
Trente années d'enseignement, un caractère élevé, des tra­vaux pleins d'érudition et partout estimés, ont donné à M. Orto­lan une notoriété que nul ne conteste. Cette haute position ajoute aux assertions qui ont été produites une autorité de plus. Je me plais à espérer que ces assertions ne seraient pas maintenues, s'il était démontré que la religion de M. Ortolan a été surprise par des allégations contraires aux faits et à la vérité historique.
L
L'Église a toujours environné la confession des plus grandes garanties, et imposé à ses ministres l'obligation de garder un secret rigoureux sur les aveux qu'ils reçoivent. Dès les pre-
1 lbid+} loc cit. — Au cours suivant, M. Ortolan sur la demande de quelques étudiants, répéta les mêmes choses, et renvoya au Traité de justice crim. de Jousse, t. IH, p. -697.


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miers siècles de l'Église, c'était une doctrine incontestée : pour rappeler la parole de saint Augustin, le prêtre « doit savoir moins ce qu'on lui a avoué que ce qu'il ignore *. »
A diverses reprises, les conciles s'occupèrent de cette ques­tion. Les canons qu'ils promulguèrent, et qu'il importe de rapporter, ne laissent planer aucun doute, aucune incertitude sur ce point. Le quatrième concile de Latran, tenu sous le pontificat d'Innocent III, s'exprime en ces termes : Caveat omnino sacerdos ne verbo, vel signo, vel aliquovis modo, prodat aliquatenus peccatorem... quoniam qui peccatum inpœnitentiall judicio sibi detectum prsesmnpserlt revelare, non solum a sacer-dotali officio deponendwn decemimus, verum etiam ad agen-dam perpetuam pœnitenUam in arctum monasterium detru-dendum2. Cette prescription du droit ecclésiastique a été depuis rappelée en toutes occasions; elle figure dans les recueils des lois canoniques 5. Partout comme en France, elle fut reçue sans aucune contestation, et toujours, les théologiens y ont; vu un motif de plus pour engager les hommes à se con­fesser avec une plus entière sincérité4.
A côté du concile œcuménique qui vient d'être rapporté, et qui prononçait des peines sévères contre les prêtres prévari­cateurs, se placent naturellement les conciles particuliers et les synodes provinciaux. Les uns insistent sur la règle, pour que jamais, en aucun lieu, elle ne soit mise en doute; les autres appuient sur la peine à infliger aux coupables. Ainsi le quatrième canon du concile de Dalmatie prive de leurs béné­fices les prêtres qui révèlent quoi que ce soit de la confession5 ; celui de Pennafielles condamne à la prison perpétuelle ainsi qu'au pain et à l'eau6. En Angleterre, le prêtre devait être
1 « Illud quod per confessionem scio, minus scio, quam illud quod nescio. » S. Aug. sup. Psalm. s A. 1215. Cap. iv. Can. 21. Labbe, t. XI, col. 173.
3 Corpus Jur. Can. de Pœn. Distinct VI, can. 1 et 2. Ce dernier canon est
attribué au Pape Grégoire vers l'an 600.
4 Odo Parisiensis, constit, xne s. in fine, cité par les Conférences d'Angers,
t. XIIIj p. 435. —S. Thom. Summ. add. qu. xr, art. I et ss. — Sentent. IV, etc.
5 A. 1199, sous Innocent III. Concil. Dalmat., IVe can. Labbe, t. XI, col. 9.
6 A, 1302. « Ne excessus tanti criminis transeat impunitus, statuimus et
mandamus, quod sî qui tam nefandi criminis rei inventi fuerint, tanquam
déportât! et in metallum damnatï perpetuo carceri mancipentur, pane et aqua
pro Vitaa sustentatione solummodo reservatis. » Concil, Pennaf*, can. V.
Raynaldi, t. TV. A. 1302, xxxi.


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REVUE DES  QUESTIONS  HISTORIQUES.


dégradé sans rémission1, et à Mayence, la prison était édictée de nouveau2. Pour parler plus spécialement de la France, le concile de Reims, en 1338, prescrivait également la prison per­pétuelle3. Le synode de Langres, en 1404, reproduisait pres-qu'intégralement le canon du concile de Latran4, et également celui de Troyes 5. En 1524, le Synode de Sens croit utile de rappeler de nouveau le principe en des termes cpiine peuvent laisser aucun doute6. Quatre ans après, le concile provincial de Bourges insiste également sur ce point7. Enfin, le Synode de Paris, en 1557, rappelle, à son tour, les peines qui doivent frapper le délinquant8. Cette insistance des évoques de France arrive merveilleusement à son heure, comme pour protester, un demi-siècle par avance, contre l'interprétation erronée qu'on devait plus tard donner à la loi, dans le cas de lèse-majesté, à l'occasion d'un attentat qui venait de se commettre. Je veux parler du cas spécial mis au jour par le procès de Jean de Poitiers. Plus loin, il y aura lieu d'y revenir en examinant le fait lui-même.
Ce qu'il importait dès maintenant d'établir, c'est le soin que l'Église a pris, par la voix de ses conciles, de ses Pères, de ses Docteurs, d'entourer le secret de la confession de toutes les garanties en son pouvoir. Jamais, en aucun cas, ni un mot ni un signe ne doit donner à entendre quoique ce soit de la con-
1  A. 1330, a Sine spe reconciliationis non immerîto débet degradari. »
Dan, III, Goncil. Lamheth. Labbe, XI, col. 1786.
2  A. 1549. « Sigillum frangens ad perpetuam carcerem in monasterïo dam-
natur. » Gan. XXIX3 Mogunt., Labbe, t. XTV, col. 678.
3  « Sine misericordia in carcere ad agendam pœnitentiam perpetuo manci-
petur. »
Goncil. Remense. Boucliel, Décret. eccL Gallic, 1. II, c. 158., Paris,
1621. — Gonfér.de Luçon. Paris, 1699, t. VI, p. 337.
* V. Bouchel, c. 165.— Gonf. de Luçon. p. 337.
5  « Ab omni officio sacerdotali deponatur et sine misericordia in carcere ad
agendam pœnitentiam perpetuo mancipetur. » Bouchel, 1. II, c. 174.
6  A. 1524. « Obligantur sacerdotes omnes et singuli triplice jure videlicet
naturali, divino et humano, celare peceata quœcumque revelata et dicta in
confessione sacramentaïï, quœ tanto et tali débet claudi sigillo, ut nullo casu
nec verbo, nec sîgno aliqualiter reveletur aut revelari existimetur. » Synod.
Senon. Bouchel, Décret. eccL Gallic, 1. -Il^ch. clxxi. Gonfér.
eccl.de Luçon,
t. VI, p. 324. — Gonfèr. d'Angers, Paris, 1830, t. XIII, p. 435.
7  A. 1528. « Ne confessores révèlent... aliquid in confessione detectum. »
Gan. XII, Gonc. prov. de Bourges. Labbe, t. XIII, col. 427.
8  « Gaveat sacerdos ne quavis occasione peccatum divulget : quod si faceret
praeter disjectionem à suo munere perpetuo carcere mancipabitur. » Bouchel,
1. II, c. 172.


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fession sacramentelle1. L'Église s'est [ici [montrée rigide et scrupuleuse à ce point que, non-seulement [le prêtre est tenu au secret de la confession sacramentelle, mais que quiconque aurait, fût-ce par hasard, entendu ou surpris quelques mots des aveux du pénitent, se trouve dans l'obligation formelle de les taire 2. Le secret de la confession lui est également imposé, et en cas de révélation son sacrilège n'est pas moins coupable.
Toutefois cette confession sacramentelle, consistant dans l'aveu de ses fautes et de leurs circonstances, et ayant pour but d'en obtenir le pardon de Dieu, les conciles, comme les théologiens, ont pris grand soin de la distinguer des aveux d'une autre nature. Il en est ainsi de la communication faite, même sous le sceau du secret, en dehors de la confession, à un prêtre que Ton estime de bon conseil et capable de'garder3 le secret. Le prêtre n'est plus ici à la place de Dieu; c'est comme homme qu'il a connaissance du fait4. Il en est de même encore, et ceci est évident, du cas où. le pénitent lui-même, bien qu'en confession, prie le prêtre de révéler tel ou tel fait dont il s'accuse5.
Il ne faudrait pas penser que les peines édictées par les conciles n'aient jamais été appliquées. Presqu'aucune violation du secret de la confession ne s'est produite; pourtant un exemple s'en trouve rapporté dans la vie de saint Thomas de Villeneuve. Et si jamais il pouvait, à ce crime « si atroce, » se trouver une excuse ou des circonstances atténuantes, elles auraient dû être admises dans cette occasion.
Un assassin vint confesser son crime au frère même de sa victime. Le confesseur, connaissant ainsi le meurtrier, ne sut pas étouffer le cri du sang, et, sur sa dénonciation, la justice s'em­para du coupable. Condamné par le juge, il allait être exécuté, lorsque le saint archevêque, instruit du fait, s'émeut. Il accourt, soutient que. la seule preuve qui existe, provenant de la viola-
i Cf. Décret de Clément XIII du 16 mai 1594, et decr, S. Gong, inquisit, en 1682, publié par ordre d'Innocent XI.
2  « Huic assertioni unanimi calculo suscribunt Theologi. » S. Charles Bor-
romée, De pceniteniiâ, éd.
Migne, col. 1257.
3 Summ. S. Thom. add. q. xi, art. 2. — Voy. Conférences de Luçon, loc. cit.
* Mais il en résultera un secret plus grand que jamais. « Sacerdos tenetur ex
promissione hoc modo cœlare ac si in confessione haberet, quamvis sub sigillo confessionis non habeat. » S. Thomas, ibid., in fine. 8 S. Thom. Summa, add. q. xi, art. rv.


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REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.


tion du secret de la confession, n'est point reeevable, qu'elle est nulle de plein droit. Il expose les lois formelles de l'Eglise, l'accord unanime des canonistes, et parvient par son insistance à faire relâcher le prisonnier, comme ayant été condamné sans preuves. Quant au prêtre prévaricateur, il fait prononcer contre lui les peines canoniques, l'interdit, le condamne à la prison perpétuelle, lui faisant même observer qu'il avait mérité ce les galères perpétuelles. »Àu bout de trois années seulement, ces rigueurs s'adoucirent. Touché de la piété, de la soumission et du repentir du pénitent, le saint lui permit peu à peu de fré­quenter l'église du lieu de sa détention, d'assister aux offices; mais il maintint en même temps contre lui l'interdiction de dire la messe et d'entendre des confessions *.
Si l'Église veillait à la stricte exécution de ses règles sur le secret de la confession et les insérait dans le code ecclésias­tique, elle était loin de méconnaître la gravité de certains crimes spéciaux. Tout en recherchant la réconciliation des coupables avec Dieu, elle ne voulait pas les innocenter quand même aux yeux des hommes, et leur assurer toute impunité; mais les preuves de leurs crimes devaient se rechercher et se rencontrer en dehors de la confession sacramentelle.
Le droit romain contenait des règles précises et sévères 2, et Ton ne pensait pas que la majesté de Dieu et des rois fût moins digne et moins sacrée que celle des empereurs. Les lois ecclésiastiques, en reproduisant la plupart de ces règles, pré­voyaient et punissaient les crimes de lèse-majesté. Elles y avaient promptement assimilé l'hérésie et la simonie, comme crimes de lèse-majesté divine. Il ne paraîtra pas sans doute téméraire d'affirmer que la législation civile s'est, par la suite, fort bien accommodée des lois ainsi transmises. Surbeaucoup de points, il ne faut jamais l'oublier, <c le droit canonique et les institutions de l'Eglise figurent comme éléments de l'ancien
* Bolland, Acta Sanct. Vita S. Thom. à VilL, 18 sept., t. V, sept. p. 894 à 896, surtout le n°300. — Le fait est également consigné dans Roderigue Acugna, de Gonfess. q. 33, n° 38. — Schoonaerts, Examen confessarior,, Douai, 1762, p. 264-265. — Après le récit de la peine infligée au prêtre coupable, on peut être surpris de lire dans Brillon, Met. des Arrêts, V° confession, que S. Thomas « fit punir le confesseur légèrement, en considération de ce qu'il avait d'abord avoué son crime, et de l'occasion qu'il avait donnée de faire voir un exemple de la vénération que les juges mêmes doivent avoir pour les con­fesseurs. »
2 G* ad Legem Juliam Majestatis, 1. IX, t. Vin.


LE SECRET DE LA CONFESSION.                      527
droit pénal, en ce qui touche soit la pénalité, soit les juridic­tions pénales, soit la procédure pénale '. » En ce qui touche le crime de lèse-majesté, on peut constater l'identité parfaite entre les règles canoniques et celles des juristes civils, dont, tout à l'heure, j'aurai à indiquer les décisions. C'est d'ailleurs la pente naturelle des choses que d'accepter des législations antérieures les règles qui sont conformes à l'esprit public, et qui répondent aux besoins généraux.
Je ne saurais trop insister sur ce point. Dans le Corpus juris canonial les règles coexistent dans leur intégrité. D'un côté l'obligation du complet et entier secret de la confession sacra­mentelle, de l'autre les règles relatives aux crimes de lèse-majesté : nulle part on n'y rencontre, à l'occasion de celles-ci, une exception aux premières, quelque minime et restreinte qu'elle puisse être. Jamais dans aucun traité les caiïonistes et les théologiens n'ont eu la pensée d'en imaginer une seule.
Je ne saurais donc mieux résumer la doctrine ecclésiastique qu'en citant ces lignes : « Le secret de la confession n'est pas comme le secret ordinaire, qu'on peut quelquefois se dispenser de garder, en matières civile ou criminelle ; celui de la con­fession ne souffre aucune exception. S'il y en avait quelqu'une qu'on pût y apporter, il faudrait qu'elle eût été reconnue par l'Eglise. Bien loin que l'Eglise croie qu'il y ait lieu à faire quelque exception ou limitation, elle juge qu'iln'y a aucun cas où le confesseur ne soit obligé de garder ce secret,^et qu'il n'en peut être dispensé sous quelque prétexte ou par quelque puissance que ce soit dans le monde2. »
IL
L'accord, sur ce point, des lois criminelles de l'Etat avec celles de l'Eglise ne semble pas avoir été rompu un seul instant avant la fin du xvie siècle. Je ne sais si, jusque-là, on pourrait citer quelques exemples du contraire.
Mais, pendant le cours du xvie siècle et dans les premières années duxvne, quelques discussions furent entamées sur ce
1 M. Ortolan, Eléments de droit pénal, Ie édit., p. 28. s Conférences d'Angers, t. XIII, p. 437-438.—Cf. Conférences de Luçon,t. VI, passim.


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point. Les esprits étaient généralement préoccupés de la ques­tion du tyrannicide, et peu de moralistes ont manqué d'en parler. Mais leurs dissertations ont été faites généralement dans un but théorique, à l'appui duquel viennent se grouper cer­tains faits. Ces allégations se présentent, en réalité, dans leurs ouvrages, comme des exemples de la possibilité ou de la noir­ceur de ce crime, bien plutôt que pour témoigner des détails de la procédure existante. On verra plus loin, d'ailleurs, ce qu'il importe de penser de ces faits, au point de vue de la vérité historique.
On Ta dit récemment : « Chose curieuse et triste, parmi les publicistes de cette époque, il n'y en a pas, même celui qui mérite le nom de moraliste autant que de politique, qui ne prêche et n'approuve le tyrannicide! Bodin exprime, dans le même chapitre, l'apologie du tyrannicide et l'horreur la mieux sentie du régicide, qu'il en distingue soigneusement. Distinction nulle en morale. Il faut que la règle domine ici jusqu'à rendre impossible la libre interprétation. Pour l'as­sassin, le prince est toujours un tyran1. »
Entraînés par le sentiment du danger de semblables doc­trines, les juristes et les hommes du roi réagirent. D'ailleurs, une série de complots avait forcé les rois à rappeler les disposi­tions pénales, à en ajouter quelques nouvelles, à faire entrer formellement dans le droit criminel de l'État les prescriptions ecclésiastiques des époques antérieures.
Ainsi, lorsqu'à la suite des « conspirations damnables et pernicieuses entreprises » qui signalèrent son règne, Louis XI rendit l'ordonnance de 1477 2 contre « les crimineux de lèze-majesté, » il rappela nettement les anciens principes sur cette matière. Nos conseils, dit-il, « nous ont remontré que, jaçoit ce que, selon les droits de toute raison, la seule science en crime de lèze-majesté, quand elle n'est révélée, soit dign.e de pareille punition que l'effet et exécution du crime, toutefois, pour le bien de justice et seureté de toute la chose publique, il est besoin que, en esclaircissant les anciennes lois et ordonnances, et en y ajoutant par tout que mestier seroit, nous facions
1 H. Baudrïllart, Bodin et son temps. Paris, 1853, p. 294. — Cf. Bodin, Répu­blique, 1. II, ch. v.
3 Ordonnance du 22 décembre 1477, rendue au Plessis-du-Parc-lez-Tours. Qrcl, des rois de France, t. XVIII, p. 316.
*


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encore loy et constitution nouvelle pour oster l'espérance de ceux qui, par de frauduleuses excusations, penseroient eux sauver, et afin que de là où. par la loyauté qu'ils doivent à leur souverain seigneur, ils ne se voudroient garder de mal faire, au moins ils en soient restreints et empeschéspar crainte de punition *. »
Avant de passer aux ordonnances des successeurs de Louis XI, qu'il me soit permis d'insister sur une réserve expresse insérée à la fin de l'ordonnance de 1477. Dans l'intérêt de cette discussion, il importe de la rappeler tout spéciale­ment. « Toutefois, entre autres choses, nous voulons et enten­dons les anciennes lois, constitutions et ordonnances qui, par nos prédécesseurs ou de droict, sont introduites, et les usages qui d'ancienneté ont été gardés et observés en nostre royaume, demeurer en leur force et vertu sans aucunement y déroger par ces présentes2. »
Or, n'était-il pas « d'ancienne loi..., » « de droit..., » et « d'usage d'ancienneté, gardé et observé, » que le secret de la confession était absolument inviolable ?
1  II y est dit plus loin : « Par l'advis et déclaration desdits seigneurs de
nostre sang- et plusieurs notables gens, tant de notre conseil que autres, et
alin que ce soit perpétuelle mémoire, de notre pleine puissance et auctorité sou­
veraine, autre et avec les autres loix, constitutions et observations qui sur ce
ont par cy devant esté gardées et observées en nostre dit royaume,, et en
icelles éclaircissant et partout que mestier seroit y adjoustant, avons dit,
déclaré, constitué et ordonné, disons, déclarons, constituons et ordonnons, par
lettre, edict, ordonnance et constitution perpétuelle, irrévocable et durable à
toujours : que toutes personnes quelsconques qui d'ores en avant sauront ou
auront connoissance de quelques traictés, machinations, conspirations et entre­
prises
qui se fairont à rencontre de notre personne, de notre 1res chère et
et amée compagne la' Royne, de notre très cher et amé fils le dauphin de
Viennois, et de nos successeurs Roys et Roynes de France et de leurs enfants,
aussy à rencontre de l'État, seureté de nous ou d'eux et de la chose publique
de notre royaume, soient tenus et réputés crimineux de lè-ze Majesté, et punis
de semblable peine et pareille punit-ion que doivent être les principaux aucteurs,
conspirateurs et fauteurs et conducteurs desdits crimes,
sans exception ni
réservation de personne quelconque, de quelque état, condition, qualité,
dignité, noblesse, seigneurie, prééminence ou prérogative que ce soit ou puisse
être, à cause de notre sang ou autrement, en quelque manière que ce soit, s'ils
ne révèlent ou envoyent révéler à nous et à nos principaux juges et officiers
des pays où il seront, le plustot que possible leur sera après qu'ils en auront
eu connoissance, auquel cas, et quand ainsy le révelleront ou enverront reveller,
ils ne seront en aucun danger des punitions desdits crimes, mais seront dignes
de rémunération envers nous. et la chose publique. » Ordonnance de 1477,
t. XVIII, p. 316-317.
2  Ordonnance de 1477, ibicL


T. iv. 4868.


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530                     REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.
GJ était si bien une loi généralement admise et partout incon­testée que Gerson, dont chacun connaît la sagesse et l'autorité, avait écrit à ce sujet: « Le juge qui veut forcer un prêtre à révéler une confession, commet une faute, » et ce témoignage n'a aucune valeur 4.
Sous le règne des successeurs de Louis XI, furent rendues quelques ordonnances relatives au crime de lèse-majesté. Elles spécifient certains cas où ce crime existe, édictent la con­fiscation ou d'autres peines2. L'ordonnance de Louis XII, rendue en 1512, retire aux criminels de lèse-majes'té le béné­fice de délivrance dont jouissaient certaines églises5; mais aucune n'étend les principes posés par Louis XII. Nulle part il n'y est fait la moindre allusion au cas qui nous occupe 4.
Le crime de lèse-majesté au premier chef ne se commettait pas seulement contre le roi, mais encore contre la reine 5, les princes du sang 6, les conseillers royaux 7, et; même les gardes du roi8. Attenter au repos de l'Etat, et conspirer contre la sécurité publique a, fomenter des séditions et entretenir des intelligences avec les ennemis de l'Etat *°, c'était également commettre des crimes de lèse-majesté et de même nature.
1 « Judex cogère volens ad revelationem confessionis peccat, et tenetur près-
byter ei non respondere aut dicere hoc non esse ïnforosuo.wCité parBouchel,
Décret, eccl. Gallic, LII, c. clxxiii.
2 Du reste ces peines existaient déjà; la confiscation avait été appliquée
en 1314. Y. Olim, t. II, p. 616.
3 Ordonnances des vois de France, t. XXI, p. 505.
* Je dois faire remarquer que l'édition du Gode Henry, Paris, 1605, in-F, ne contient aucune mention de l'exception qui serait admise en France, bien qu'augmentée des notes de Garondas, un des auteurs sur lesquels Jousse s'ap­puie. N'y aurait-il pas là une preuve que cette exception était loin d'être légalement admise même à cette époque?
5 Ordonnance de 1477. — Gonf. ordonn. citées.— Gode Henry» LVE, t. V, f* 191 v°, note 2.
s Ordonnance de 1477. — Gode Henry, 1. YIÏI, t. Y, f> 198 v°.
7 Farin., q. 112, insp.I, n°64.—Y. également Gibert, Droit can., t. m, p. 277. R. 7. — Gf. Gode Henry, loc. cit.
s Gibert, ïbid.
9 Farin., q. 112, insp. YI, in ext. et passim., q. 113. — Dans le courant de cette dissertation juridique, si je m'appuie sur Farinacci, c'est que, dans tout le cours de son ouvrage, Jousse le cite à chaque instant comme ayant une très-^grande autorité. U n'en est donc point de meilleure pour ma cause, puis­que ce sont principalement des allégations de Jousse que je combats. D'ail­leurs, bien qu'Italien, son autorité resta incontestée en France jusqu'à la fin dû xvme siècle. Gf. Bibliographie générale du docteur Hoefer.
i0 Farin., q. 113, insp.YL—« Il consiste à adhérer, secourir et favoriser les ennemis et avoir avec eux intelligence, esmouvoir le peuple à sédition, et


LE SECRET DE LA  CONFESSION.                         531
Dans ces cas, — et dans quelques autres qu'Userait trop long d'énumérer,— les jurisconsultes laïques appliquaient les lois anciennes et les ordonnances royales plus récemment pro­mulguées. Qu'il eût été accompli ou qu'il fût resté à l'état de simple projet, le crime n'en était pas moins horrible : la seule pensée en était au même degré punissable '.
Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit ordinaire, c'est aux magistrats à poursuivre dans l'intérêt public. Et si l'on peut avertir la justice, nul n'est positivement tenu de le faire2. Mais il importe tellement au salut public que le prince soit à l'abri de tout danger, que ne pas faire connaître un cri­minel de lèse-majesté, c'est se rendre coupable du même crime 3, passible des mêmes peines *, ou tout au moins d'une peine extraordinaire 3. « Ceux qui ne révèlent pas les conspi­rations, traitez et entreprises qui se font contre le roy, la royne, ses enfants, et contre son cognoissance, sont réputés en être participans, adhérans et coulpables, et partants crimi­nels de lèze-majesté 6. »
Certes, jen'aipas amoindrila rigueur de l'anciennelégislation; mais je demande à mon tour qu'on n'en réduise pas non plus les tempéraments. Souvent excessive, j'en conviens, si l'on rai­sonne d'après nos idées actuelles, elle avait néanmoins ce grand fond d'honnêteté et même d'humanité que le Christianisme lui avait communiqué. Il faut ici rappeler la parole de Montes­quieu : « Le Christianisme donna son caractère à la jurispru­dence 7. » Il a adouci l'idée primitive et barbare de vengeance comme base du droit pénal, pour y substituer l'idée plus
faire ligue dedans ou dehors le royaume, contre l'auctorité du roy et pour entreprendre sur icelle*» Code Henri/, 1. VIII, t. V, f° 191 v°, note L
1  «Inhïs voluntas manifestata pro scelererepulatur, et eadem severitatepu-
nitur.» — Cf. Ordonnance de 1477, et alias... — « Ce crime s'étend très-ample­
ment, à scavoir à la pensée, volonté, dessein, entreprise, effort, conseil, scavoir,
approbation, silence, adhérence et autres semblables. » Code Henry, 1. VIII,
t. Y, 192 r°, note.
2  Farin., q. 51, 8.
3  Id., q. 51, n° 69. — « Proposita régula sine dubio magïs communiter a
doctoribus recepta est. » Ibid., n° 71.
* Id. n° 72, 74.
B Ici., n° 90. « Pœna extra ordinem puniendus est arbitrio ipsius princi-pis. »
6  Gode Henry, 1. VIII, tit. V, fd 191 v°, note 2.
7  Esprit des lois, 1. XXIII, ch. xxi.


532                 HEVtîE DES QUESTIONS HISTORIQUES.
morale, plus vraie, plus civilisatrice, de justice et d'intérêt de conservation publique *.
Il pouvait donc se présenter des cas où les sentiments les plus nobles et les plus légitimement enracinés au fond du cœur humain devaient imposer silence au dénonciateur. La loi sut les respecter même dans le crime atroce de lèse-majesté. En dépit de la règle qui vient d'être rappelée, la femme n'était nullement tenue de dénoncer le crime de lèse-majesté commis par son mari2; le père se trouvait dispensé également de dé­noncer ses enfants, si, malgré ses représentations et ses efforts, il les voyait persévérer dans leurs abominables desseins5. Les rigueurs de la législation poursuivaient les coupables et les complices4. On les punissait de mort5. Chacun devait leur refuser asile et nourriture 6. Mais, ici encore, ces dispositions ne s'appliquaient ni à la femme 7, ni au père des coupables8; en divers cas, des peines plus douces étaient prononcées. Enfin, bien quJon écoutât en ce crime « les témoins infâmes et vils ; cependant on n'admettait point les ennemis de l'accusé 9. »
Sont-ce là toutes les exceptions à l'obligation de révéler un crime de lèse-majesté? Nullement, et nous arrivons à l'exception qui importe le plus à notre thèse : « Le prêtre ne peut révéler les crimes commis par son pénitent, même le's plus atroces, et même ceux qui sont compris dans le crime de lèse-majesté *°. » Jousse lui-même constate cette décision H.
1 Cf. M. Ortolan, Éléments de droit pénal, Fondement légitime du droit de
punir, 1. I, ch. h,
2 Farin., q. 51, n" 81.
3 Farin., q. 51, n° 84.— Même dans l'opinion la plus répandue ce communi-
ter recepta, » par cela seul qu'il est père, « propter amorem paternum, » il se
trouvait dans un cas légitime d'excuse.
Ibid.} na 82.
* Farin., q. 113, insp. IX.
5 Farm., q. 113, insp. IX, n° 258.
6 Farin., ibid.t n° 264.
' Farin., ibid., n° 280-282-283.
8 Farin., q. 113, insp. IX, n° 264.
9 Bouchel, Dict. ean., reproches, cité par Brillon, Bict. des arrêts v°.
Lèse-majesté, —Cf. Farinac, q. 112, insp. I, n° 74, q. 117, n° 37.
10  « Ut sacerdos non possit delicta commissa per confltentem revelare, etiam
quod sint atrocissima, ac etiam quod contineantur sub crimine l%s% majes-
tatis. » Farin., q. 51, n° 99.
11    Traité de justice criminelle. Paris, 1771, t. II, p. 98.— Jousse fait quelques
lignes plus loin, pour la France, « l'exception » reproduite par M. Ortolan, et qui
a donné lieu à cette étude; il ne l'appuie que des faits que nous discuterons
tout à l'heure.


LE  SECRET  DE  LA  CONFESSION.                      533
III.
Avant la fin du xvne siècle, aucune difficulté ne s'éleva sur ce point, quels qu'aient été les cas qui se soient présentés, ten­tative d'incendie *, d'assassinat2, ou autres. Les complices d'un coupable, par lui indiqués en confession, étaient protégés par ce secret, et ne pouvaient être poursuivis sans autres preuves, car « la confession contient le péché et les cir­constances 3. » On remarquera d'ailleurs la sévérité des peines que les Parlements infligeaient aux sacrilèges profa­nateurs du secret de la confession 4. Vainement cherche­rait-on l'exception pour le cas spécial de lèse-majesté : la règle que je viens de rappeler plus haut était unanimement admise.
Ce ne fut que dans les dernières années du xvie siècle, ou vers les premières du siècle suivant, qu'on vit se manifester la prétention d'excepter le crime de lèse-majesté au premier chef. Les juristes citèrent quelques faits, qu'ils estimaient sans réplique. A leur sens, le secret de la confession s'y était trouvé violé ; ils y virent la preuve de ce qu'ils prétendaient, et il n'en fallut pas davantage pour dire alors « qu'en l'Église gal-
* Arrêt cité par Jousse, t. II, p. 105.
2  Arrêt du Parlement de Toulouse de 1579, rappelé par Lenglet-Dufresnoy,
Traité historique... du secret de la confession. Paris, 1715, p. 124. Il s'agis­
sait d'un assassinat dont on ne pouvait découvrir l'auteur. Son confesseur le
dénonça. Th. Raynaud rapporte ce fait et dit: « Senatus apprime catholicus.
conspecto eo corrupto fonte notitiee qua caupo gravabatur, habuit eum pro
innoxio, nec passus est perfîdi et omni nota ac muleta digni confessarii dela-
tionem, nocere reo, sed donec is aliunde patrata? caedis insimularetur, pronon-
ciavit insontem... »
Th. Ravnaudi, in Centurie? Hîstoriamm. Lvon, 1665,
t.
XVII, p. 604, n° 13.
3 Garondas, iiv. VII, rep. 178. — Cf. Arrêt du Parlement de Paris du
23 octobre 1580. — Papon date cet arrêt de la surveille de Noël 1580, Recueil
d'arrêts notables.
Paris, 1621, t. II, p. 1321. — V. Brilion, Met. des Arrêts,
confession.
* « Gonfessarius eidem, senatu judicante, actus est in furcam et cadaver cre-
matum. » Arrêt du P. de Toulouse qui vient d'être cité. — Un arrêt du « Par­
lement de Paris du 22 juin 1673 déclare le sieur Bouchot, confesseur des
religieuses de l'abbaye de Saussaye, atteint et convaincu de sacrilège, abus
et profanation du sacrement de pénitence ; pour réparation de quoi il est con­
damné à être pendu, et brûlé, et ses cendres jettées au vent. » Durand de
Maillane, Met. de droit canonique, confesseur. Lyon, 1770.


534                 REVUE  DES  QUESTIONS HISTORIQUES.
licane *...,» « qu'en France on exceptait le crime de lèse-majesté 2. »
Nulle autre preuve que ces allégations3. Maintenant qu'on a vu quel était le droit incontesté jusqu'au moment où elles se produisirent, examinons ce que valent, ce que prouvent les faite sur lesquels elles reposent, et si réellement ces faits ont la portée qu'on leur a donnée.
Je ne saurais mieux faire que de prendre l'exposé des exem­ples allégués par Jousse dans l'ouvrage qui a servi de base à Terreur que je combats. Cet auteur les a tous rapportés, mais toujours il l'a fait de seconde main, sans remonter aux sour­ces, ce qui, en des cas aussi graves, eût été pourtant néces­saire.
Jousse cite sept exemples4, que je dois examiner successi­vement.
Qu'on me permette d'en rejeter un immédiatement, celui du « P. Garnet, religieux qui fut mis à mort pour avoir refusé de révéler la conjuration faite contre Jacques Iep, roi d'Angle­terre, qui lui avait été confiée à la confession. Sur quoi, ajoute Jousse lui-même, il faut cependant observer que la plupart des juges qui le condamnèrent étaient hérétiques 5. » Il aurait fallu encore observer que ce fut en Angleterre qu'eurent lieu le procès, la condamnation et l'exécution du P. Garnet.
Or que prouverait en faveur d'une doctrine ce de l'Eglise gallicane, » que prouverait en faveur d'une « exception reçue en France » un fait arrivé ainsi à l'étranger, à Londres 6 ? absolument rien. Ou plutôt il prouverait deux choses, contre l'opinion de Jousse : 1° qu'il y a eu parfois des violences, des excès, des tortures infligées à ceux qu'on croyait devenus par la confession dépositaires de secrets importants ; 2° que partout les prêtres ont préféré la mort, le martyre, plutôt
1 Brillon, Dict. des Arrêts, v° confession,   .
2 Jousse, t. II, p. 99.
3 Cf. Carondas, loc. cit. — La RocheJlavin, Treze livres des Parlemens,
1. XIII, ch. xix, n° 25. Bordeaus, 1617. — Bodîn, de la République, 1. II,
ch. v, p. 222, Paris, 1577.— Despeisse, t. II, p. 555, n° 33. Paris, 1750.
* Y. Jousse, t. II, p. 99,100 et 105. Y joindre le fait allégué dans son t. III, p, 697. Pour le moment, je n'ai pas à faire la remarque qu'il est identique aux faits rappelés au vol. précédent.
K Jousse, loc. cit. p. 100.
6 Yoy. Lingard, Hist. d'Angleterre. — Destombes, la persécution relig. en Angleterre, t. II, p. 97 et s. .


LE SECBET DE LA CONFESSION.                      535
que de révéler quoi que ce soit de ce qu'ils avaient appris dé la sorte, et juré de garder inviolablement le secret.
Je ne pense pas qu'il faille davantage insister sur ce point; il serait aisé d'invoquer d'autres exemples, tels que ceux de saint Jean Népomucène A et de Jean Sarcander 2; mais c'est là un point qui, je l'espère, est hors du débat5.
Le second exemple, raconté par notre auteur 4, d'après Mezeray, ne prouve rien autre chose, sinon que le secret fut inviolablement gardé par le prêtre malgré la prison et la tor­ture.
Que dit Mezeray, en effet :
« Il advint en ce mesme temps que Robert de Cassel, second fils du comte de Flandre, accusa Louys son frère aîsné d'avoir voulu empoisonner son père; sur cela Louys fut arresté, et ses gens et son confesseur mis à la torture. Gomme on ne put trouver aucune preuve du crime, on le mit en liberté5. » Ceci veut-il dire qu'on avait le droit de le mettre à la torture? Ceci
* BolL Àcia Sanci. \rita S. Joann. Nepom., 16 mai, t. III, p. 670, 671.
2 « Wenn mir auch Iemand irgend etwas in der Beicht anvertraut haben
wûrde, so behalte ich dièses nicht in meinem Gedâchtnisse, und will es auch
nicht behalten, sondern habe es in "Vergessenheit begraben aus Ehrfurcht vor
dem unverletzlichen Beichtsigill, und ich liesse mich lieber in Stûcke zerreis-
sen... als nur einen Augenblick das Beichtsigill sacrilegisch verletzen. »
Dr Stadler, Vollstândiges Heilîgen Lexihon., t. m, p. 297, col. 2; Augs-
burg, 1863.—On remarquera que je ne cite ici que des prêtres dont l'Eglise a
loué spécialement le zèle et les vertus, en permettant de les vénérer par un
cul Le public. II en est mille autres qui ont été victimes de leur devoir.
3 U ne faudrait pas appliquer au catholicisme les règles qu'on rencontre
dans l'Église russe. Si l'Eglise romaine a entouré de respects et de garanties
le secret du Sacrement, si elle a toujours repoussé les moindres atteintes que
l'ambition ou la violence voulaient lui faire subir, il n'en a pas été de même
dans l'Eglise russe. La réunion entre les mains du czar des deux au­
torités devait amener cette conséquence de détruire l'indépendance spirituelle
du clergé et des iidèles, et de soumettre la foi à la puissance temporelle. Sur
le point même de cette étude, l'Eglise orthodoxe admit un règlement de
Pierre Ier, dont les 11e et 12° règles prescrivaient au confesseur de révéler le
secret de la confession, dans le cas de complot contre l'empereur ou contre
l'empire, etc.. -et dans le cas de faux miracles, lorsque le pénitent ne vou­
lait pas renoncer à son imposture. V* P. Gagarin, La Réforme du. clergé
russe. Etudes religieuses, historiques et littéraires,
mai 1867, p. 701. — L'au­
teur ajoute, en citant, d'après des écrits russes3 plusieurs exemples de sem­
blables violations : « L'histoire nous apprend que le clergé russe ne s'est pas
fuit faute de mettre en pratique les prescriptions du règlement ecclésiastique. »
Les popes Ignatief, Basile Sergueef, Gerbonovski, en donnent la preuve. —
Ibid.> p. 702, note.
* Jousse, loc. cit. p. 99.
3 Mezeray, Abrégé de l'Histoire de France, A. 1320, t. II, p. 71. Paris, 1690.


536                   REVUE  DES  QUESTIONS  HISTORIQUES,
veut-il dire tpi'il ait parlé ? Donc ce second exemple prouve encore moins que le premier.
Le continuateur deNangisa servi d'autorité pour le troisième exemple que Jousse a cru devoir invoquer. Il s'agissait des prétendus droits qu'à l'aide de faux titres, fabriqués pour la circonstance, Robert d'Artois faisait valoir auprès de Philippe VI et du Parlement pour la revendication du comté d'Artois. Mézeray, auquel notre criminaliste renvoie *, raconte qu'on « se saisit de son confesseur, et qu'on l'obligea à porter témoignage contre luy, moitié par forces, moitié par promesses; et aussi par la consultation de quelques docteurs, faux casuistes, qui l'assurèrent qu'il pouvait révéler ce qu'il avait appris en confession 2. »
Mais, pour que le récit soit au moins complet, il importe d'ajouter que ces faux docteurs, «plus soucieux de plaire aux hommes que jaloux de rendre, comme ils le devaient, témoi­gnage à la vérité, » émettaient ainsi une opinion opposée tant « à la doctrine commune des frères prêcheurs 5 » auxquels appartenait Jean Aubery, le confesseur arrêté, qu'à l'enseigne­ment unanime de l'Eglise.
Mais enfin, que prouverait ce fait? Qu'il y a eu violence, qu'il y a eu fraude, qu'il y a eu dol; et ce fait servirait de base et de fondement à un droit ! Il prouverait une te exception» établie en France ! Il suffit d'exposer les faits, et toutes les consé­quences qu'on voudrait en tirer s'écroulent d'elles-mêmes. Jousse a accepté à la légère toutes ces allégations.
Les autres faits cités dans le Traité de la justice criminelle
1  Cf. Jousse, t. II, p. 99.
2  Mezeray, A. 1331, t. II, p. 90.
3  « Magïs ut plurïmi credant volentes homînibus placera, quam secundum
nominis sui professionem perhibere testimonium veritati, cum istud si contra
communem doctrinam quam Preedicatores reputant verissimam et quam ipsi
quotidie defendere nituntur, quee dicit, quod ea quse sub eodem contextu cum
peccatis dicuntur, îicet peccata non sint, sub eodem sigillo confessionis cum
peccatis (habentur. »
Continuateur de Guillaume de Nangîs, A. ,1331. Édition
Géraud, '1843, t. II, p. 127.—Le P. Griffet donne ce fait avec quelques variantes ;
il s'agissait, d'après lui, d'actes de sorcellerie qu'on proposait, mais sous le
secret de la confession, et qui consistaient à « baptiser une de.ces images de
cire par lesquelles  on  croyait  pouvoir faire mourir les personnes qu'elles
représentaient.... L'évêque (de Paris), après avoir consulté les plus savants
docteurs,   déclara authentiquement que la proposition d'un crime est bien différente de l'aveu qu'en fait un pénitent dans une confession sacramentelle. ». Daniel, Hist. de France, t. V. — Cf. Leber, Collections des meilleures disser­tations sur Vflist. de France, t. XVII, p. 128-130.


LE  SECRET  DE  LA  CONFESSION.                      537
offriraient un caractère d'une gravité excessive, et semble­raient, au premier aspect, présenter les preuves les plus con­cluantes contre la thèse que je défends. Ils sont au nombre de quatre :
1° Un attentat contre François Ier, révélé par un confesseur, cité d'après l'autorité du président de Thou i ;
2e Un attentat contre François Ier, révélé par un « corde-
lier, » cité d'après La Roche-Flavin 2;
3° Un attentat contre le même François Ier, révélé par un « franciscain. » Jousse invoque ici le témoignage de La Pri-maudaie 3 ;
4° Enfin un attentat contre Henri II, révélé par un « cor-délier. » C'est Bodin qui aurait fourni ce dernier exemple 4.
Par malheur les trois derniers exemples sont la répétition du même fait ; à peine quelques détails varient-ils. Rien ne le prouvera mieux que de remonter aux sources, et de rechercher les divers auteurs qui les ont rapportés. Quant au premier, il se rattache également aux mêmes événements.
Et d'abord quel est le récit de Bodin? Yoici comment il s'exprime 3 : « Et combien que la mauvaise pensée d'attenter à la vie de son prince souverain, est jugé coulpable de mort, quelque repentance qu'il en ait eue, et de fait il se trouva un gentilhomme de Normandie, lequel se confessa à un cordelier qu'il aurait voulu tuer le roi François Ier; se repentant de ce mauvais vouloir, le cordelier luy donna absolution, et néant-moins depuis il en advertit le roy, qui renvoya le gentilhomme au Parlement de Paris pour lui faire son procès : où il fust condamné à mort par arrest et depuis exécuté6. »
Bodin, on le remarque, parle de François Ier; par conséquent
1 Jousse, op. cit., II, p. 99.
* Ibiâ.
s Ibid., t. II, p. 105.
4 Ibid., t. II, p. 99 et 100. — Cette même assertion se trouve reproduite, t. III, p. 697, mais sans preuve ni renvoi. C'est cette allégation que M. Ortolan a cru pouvoir citer dans son ouvrage.
3 De la République, 1. II, ch. v. Paris, 1577, p. 222 et 223.
6 II importe d'observer que Bodin ne transcrit nullement l'arrêt en question, bien que d'après la note de Jousse il semblerait n'avoir pas manqué de le
faire : «Bodin, dit-il (p. 99), enrapporte un autre exemple....... ainsi que l'arrêt
qui intervint à ce sujet, sur l'avis de plusieurs docteurs célèbres qui l'avaient ainsi décidé. » En principe, de semblables citations ne sont guère loyales. De la part de Jousse elles accusent en ces matières un peu trop de précipitation.


538                REVUE DES  QUESTIONS HISTORIQUES.
Jousse, en se basant sur Bodin, commet une erreur manifeste lorsqu'il nomme Henri II f.
De son côté LaPrimaudaie -reproduit le récit de Bodin, sans variantes, sans qu'un seul mot même soit changé ; il y a identité complète2. Enfin, d'après La Roche-Flavin, dans les quelques lignes qu'il consacre à ce fait3, c'est également un « gentilhomme de la Normandie ayant révélé en confession à un cordelier qu'il avait voulu tuer François Ier. »
Donc en tout ceci, il y a plus que des présomptions graves, précises et concordantes, comme on dirait à l'école ; il y a la certitude qu'il ne s'agit que d'un seul et même fait.
La démonstration que trois des exemples invoqués n'en constituent en réalité qu'un seul, n'est pas faite pour donner grand poids ni grand crédit à la critique historique du crimina-liste. De quelque excuse bienveillante qu'on pallie de sembla­bles erreurs, elles doivent ébranler la confiance que l'auteur semble d'ailleurs mériter. Mais rappelons les faits.
Un des événements les plus importants du règne de Fran­çois Ier a été la conspiration du connétable de Bourbon. Prince du sang, revêtu de la première dignité du royaume, il ne crai­gnit pas de conspirer avec l'empereur et le roi d'Angleterre contre son souverain.
Jean de Poitiers, sire de Saint-Vallier, était un des princi­paux conjurés, et parmi les partisans qu'ils réussirent à gagner, se trouvaient deux gentilshommes normands, Matignon et d'Àrgouges. Engagés sous serment, mais un peu par sur­prise, à ne pas dévoiler les desseins dont ils avaient eu connais­sance, ils furent bientôt saisis par le remords, et se virent « en leurs consciences réduits en deux extrémités contraires: ou de révéler 4, suivant l'obligation qu'ils avoient de droit divin et humain à leur prince, chose qui tant importait à son Estât, ou bien de la taire, suivant leur serment par eux fait sur les Evangiles. En cet estrif, ils estimèrent qu'ils se dévoient présenter à un homme d'église, comme ils firent, et par leur
1  Op. cit., t. II, p. 99, et t. IU, p. 697.
2  Académie française; journée 14, ch. 56. Paris 1577, p. 293.
3 Treze livres des Parlements, 1. XIII, ch. 19, g 25.
* Je cite in extenso le récit de Pasquier sur ce point. On se convaincra que l'obligation de révéler la conspiration incombait dans son esprit non au con­fesseur, puisqu'il ne connaissait rien encore, mais bien aux complices eux-mêmes.


LE SECRET DE IA CONFESSION.                     539
confession lui déclarèrent ce qui estoit du faict de ce prince, sans le nommer, ensemble des entreprises brassées avecques luy par l'empereur et le roi d'Angleterre ; le prians, pour le salut durovet de la France. d'en donner aclvisà messire Louys de Brézé, lieutenant-général du roy en Normandie sous le duc d'Àlençon, gouverneur. Ce qu'il fit, sans dire les noms des deux gentilshommes, ny pareillement du prince, mais les figurant avecques les remarques qu'on lui avoit touchées par les deux confessions K. »
En face d'un pareil récit, aussi circonstancié, peut-on pré­tendre qu'il y ait eu violation du secret de la confession ? Le prêtre est « prié » par le pénitent de « donner avis » de ce dont il s'accuse, et en le faisant, il viole le secret institué en faveur du pénitent2 ! Ce n'est pas sérieux.
«Non-seulement ils désapprouvèrent l'un et l'autre la conju­ration, dit M. Mignet, en parlant de Matignon et de d'Argouges, mais ils la dénoncèrent3. » D'après cet histoirien, ce futTévêque de Lisieux, à qui ils s'étaient confessés, qui informa Brézé. Grâce à cet avis la conjuration ne tarda pas à être réprimée ; le con­nétable quitta le sol natal, et vendit ouvertement ses services à l'étranger; Saint-Vallier fut arrêté et traduit en Parlement.
Ici se place naturellement l'exemple invoqué par Jousse4 d'après l'allégation du Président de Thou. «Jean de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, s'étant accusé en secret à un prêtre d'avoir eu part à la conjuration de Charles de Bourbon, fut dénoncé par son confesseur et condamné à mort 5. » Un récit plus circonstancié va faire également tomber l'odieux de ce fait. Il n'y a rien de tel pour la vérité que de la produire dans son intégrité.
1 OEuvres de Pasquier, 1.1, p. 563, Recherches, I.VX, ch. 12. édit. d'Amsterdam,
1723, Cet auteur ne saurait être suspect, vivant à une époque aussi rapprochée
des faits que les autres auteurs invoqués, et par sa position étant à même
d'être mieux renseigné. — Gf. Daniel, Ilist, de France, t. IX, p. 611.
2 Voy. plus haut. — Cf. S. Thomas, Summ,, add., qu. xi, art. 4.
3 Rivalité de François Iee et de Charles-Quint, le connétable de Bourbon.
Revue des Deux-Mondest 15 fév. 1860, p. 885.
4 Op. cit. p. 99.
5 Thuani historia, 1. III, Paris, 1609,1.1, p. 233. — V. Hist. de Thou, trad.du
Byer, Paris, 1659, 1.1, p. 155.— Saint-Vallïer ne fut pas exécuté, et vécut plu­
sieurs années encore. De Thou écrit les lignes ci-dessus à l'occasion de la
mort de Saint-Vallier, arrivée seulement sous le règne de Henri IL Plusieurs
ont naturellement pensé  qu'il s'agissait d'un attentat contre  ce  dernier


540                    REVUE  DES  QUESTIONS  HISTORIQUES.
Les membres du Parlement pensaient que le coupable taisait encore d'importants détails ; malgré la maladie qui le minait dans sa prison, ils le menacèrent de lui infliger la torture, sui­vant la jurisprudence du temps. Ils firent même apporter devant lui les chaussures de fer.
Alors Saint-Yallier — nous citons le P, Griffet— « dit seule­ment qu'il permettait à son confesseur * de révéler ce qu'il lui avait dit2. C'est peut-être ce quia donné occasion à M. deThou de dire que Saint-Vallier, ayant découvert en secret à son con­fesseur la conspiration du connétable, fut déféré par ce prêtre et ensuite condamné à mort. Mais on laisse à penser si la per­mission, accordée par Saint-Yallier à son confesseur, de révéler aux juges tout ce qu'il lui avait dit, permission dont il est fait mention dans les actes du procès et qui ne fut donnée qu'après le jugement, a pu autoriser M. de Thou à s'exprimer de la sorte. Les expressions de M. de Thou donnaient évidemment à enten­dre que Saint-Yallier fut dénoncé par son confesseur, qui ne crut pas devoir garder le secret. Mais on ne voit rien ni dans les actes du procès, ni dans les historiens contemporains qui donne lieu de penser que l'on apprit la conspiration du connétable par la déclaration du confesseur de Saint-Yallier. Il paraît au con­traire que les premières notions claires que Ton eut, furent données au sire de Brézé par le confesseur à qui Matignon et d'Àrgouges s'étaient adressés, et qu'ils avaient chargé expres­sément de révéler au sire de Brézé ce qu'ils avaient dit5. »
Il eût été difficile d'exposer plus clairement la part qui doit revenir aux deux confesseurs, àcelui de Matignon et d'Àrgouges, comme à celui de Saint-Yallier. Ils n'ont l'un et l'autre parié que sur la permission ou sur la prière de leur pénitent. Aussi les savants auteurs de l'Art de vérifier les dates ont-ils simplement écrit à cette occasion : « Dieu permit que deux gentishommes normands, qui étaient entrés dans la conspiration, révélassent
souverain. On peut voir par là combien certaines vérifications historiques sont parfois précipitées et peu approfondies.
1  « Derechef interrogé des complices, il ne dit rien de plus sinon qu'il don-
noit congé h son confesseur de dire et déclarer sa confession, » p. 240. Procès
de Jean de Poitiers Sgr de Saint-Vallier, dans les Archives curieuses deVhist. de
France,
par Cimber et Danjou, série I, t. II, p. 238 à 241. Paris, 1835.
2  Cf. Hist de François Iae, par Gaillard, t. III, p. 78. Paris, 1769.
s Daniel, HisL de France, notes du P. Griffent. IX, p.G16et617,Paris 1755. Voir les notes relatives à la conspiration du connétable, p. 609 à 621.


LE  SECRET  DE  LA  CONCESSION.                       541
au roi ce qu'ils en savaient *. » Et récemment encore M. Michèle t, qu'on n'accusera pas de partialité en notre faveur, écrivait : « Epouvantés des maux qui pouvaient frapper le royaume, ils s'en étaient confessés, en autorisant le prêtre à avertir Brézé2. »
Après ces témoignages catégoriques, il est étrange de trouver les lignes suivantes sous la plume d'un historien qui a des prétentions à l'érudition. M. Henri Martin est impardonnable, pour ne rien dire de plus, lorsque, racontant ces faits, il s'ex­prime ainsi : « François reçoit du grand sénéchal de Normandie l'avis que deux gentilshommes normands avaient confié à un _ prêtre, sous le sceau de la confession {sic), qu'un <c gros per­sonnage du sang royal » a voulu les engager à introduire les Anglais dans leur province 5. »
Jousse était plus excusable que M. Henri Martin : il ne faisait pas profession d'historien. Néanmoins, puisqu'il basait une exception admise en France sur les exemples qu'il rappelait, il aurait dû ne pas accepter aussi légèrement de pareilles allé­gations, et n'admettre que des faits prouvés et reçus sans contestation.
Que reste-t-il en effet des sept témoignages qu'il invoque ? Les deux premiers prouvent que le confesseur n'a rien dit ; le troisième, qu'il y a eu dol, fraude et surprise, ou qu'il ne s'agissait pas d'une chose dite en confession; les derniers enfin, que les confesseurs n'ont parlé que sur la permission ou les instances de leurs pénitents.
Or, une doctrine qui n'a d'autre base que quelques faits, s'écroule par cela seul que les faits invoqués se trouvent faux ou inexacts.
Je m'arrête. J'espère avoir prouvé que les prêtres, tenus par l'Église au secret le plus absolu de la confession, ont vu cette obligation de conscience reconnue et sanctionnée par l'État. Jamais, en effet, une exception n'a été formulée par une loi ; les faits sur lesquels certains juristes voulaient en fonder une, ou reposent sur une erreur, ou prouvent au contraire la cons­tance et la fermeté des prêtres à observer leur devoir.
G. de  Senneville.
1  Art de vérifier les dates, t. Il, p. 420, 2e col. Paris, 1783.
2  M. Michelet, Histoire de France au xvie siècle. Réforme, t. VIII, p. 282.
3 Hist. de France, t. VIII, p. 45.

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