lundi 8 août 2011

Le sang du corps du droit canon « Ecclesia abhorret a sanguine »


Le sang du corps du droit canon ou des acceptions de l’adage « Ecclesia abhorret a sanguine » *

Michèle Bordeaux **


Résumé

La doctrine canonique enseignée et transmise donne à l’adage « Ecclesia abhorret a sanguine » une signification restreinte. Elle valorise les vertus de paix et de douceur de l’Institution et la juste sanction dont elle frappe les actes personnels de violence homicide entre chrétiens. Or l’extension des exonérations accordées (légitime défense contre les hérétiques, office public des Princes libérateurs et de leurs soldats) montre les limites de l’habituelle traduction de l’adage latin : « L’Église déteste faire couler le sang. » Le statut du sang dans le corps du droit canon doit au contraire être restitué lato sensu : « L’Église hait le sang qui coule. » Le sang est un agent polluant et toujours contaminant (ainsi que le sperme, autre liquide vital). La « communion des sangs » lors d’une relation charnelle (dans ou hors mariage) communique une parenté consanguine d’affinité porteuse d’interdit incestueux. L’hérésie... et la foi catholique... se transmettent par le sang (statuts espagnols de pureté du sang). Le sang (comme le sperme) pollue les lieux saints où il serait émis (accouchement, menstrues) et contribue à exclure les femmes du Sacré.
Acte sexuel – Droit canonique – Femmes – Homicide – Parenté – Sang.

Summary

Canon Law's Blood : On some Meanings of the Adage « Ecclesia abhorret a sanguine »
Canonical legal scholars taught and passed on a strict sense for the adage « Ecclesia abhorret a sanguine ». It highlights the Church's virtues of peace and kindness and its fair punishment of personal acts of homicidal violence amongst Christians. However, the number of exonerations granted (self-defence against heretics, public office of Liberator Princes and their soldiers) points to the limits of the traditional translation of the adage : « The Church abhors shedding blood. » The status of blood in the Canon Law corpus must be understood, rather, in a broad Sense : « The Church abhors flowing blood. » Blood pollutes and always contaminates (as does sperm, another vital liquid). « Communion of blood » during the carnal act (between married or non-married people) creates a consanguine connection and consequently an incestuous interdict. Heresy as well as Catholic faith are transmitted through blood (Spanish statutes of « blood purity »). Blood (like sperm) would pollute holy places were it flow there (childbirth, menses) and thus contributes to the exclusion of women from the Sacred.
Blood – Canon Law – Carnal act – Consanguinity – Homicide – Women.

« Ecclesia abhorret a sanguine ». Cet adage du xvie siècle, dans sa traduction littérale [1] « l'Église hait le sang », est censé résumer la théologie morale de l'Église catholique en matière d’effusion de sang. Les commentaires qu’il a suscités de la part des décrétistes et décrétalistes, des auteurs de traités anciens ou modernes de droit canon convergent vers une interprétation préférentielle et restrictive où « l'Église déteste faire couler le sang », valorisant ainsi le pacifisme, la douceur, la lenitas, la vie en opposition à la guerre, la violence et la mort. Non seulement cette acception doit être questionnée, mais encore nos recherches en histoire de la famille et de la filiation nous ont amenés à tenter de démasquer une acception plus large de l’adage, porteuse de fantasmes discriminatoires mais permise par une traduction lato sensu : « l'Église hait le sang qui coule » [2] .
De quel sang s’agit-il ? de sang humain.
Le droit canonique conformément à la théologie dogmatique et morale n’aborde la question du sang du Christ qu’à propos de la pratique sacramentelle et des risques de violation du vin consacré, de pollution du vin consacré.
Le sang humain et le sang du Christ s’inscrivent tous les deux dans la dialectique plus ou moins métaphorique de la vie et de la mort, ils relèvent de la même acception de liquide vital, l’un entretenant la vie éternelle, l’autre la vie humaine, l’un la communauté mystique, l’autre la communauté terrestre. Mais il reste que le sang humain relève du don de Dieu créateur. Il s’agit de ne point répandre ce don, ni volontairement, ni involontairement. Volontaire, l’effusion entraîne sanction canonique et/ou laïque ; involontaire, elle charrie la pollution.
Le sang du Christ est pureté, purification, initiation de l’Homme nouveau. Le sang humain, lui, est chargé de mort potentielle, d’impureté manifeste dès qu’il s’échappe du corps, qu’il coule à l’extérieur du corps alors même qu’il accompagne la vie, comme lors des naissances et des accouchements.
L’écoulement du sang comme du sperme a statut d’effusion polluante. Les menstrues et autres hémorragies sont polluantes. Le statut des femmes dans l'Église en est totalement affecté ; leur impureté potentielle naturelle les éloigne du Sacré, du service du sang pur. L’écoulement de sperme hors du réceptacle féminin et d'une finalité reproductrice est pollution. Tout un vocabulaire de la contagion-pollution qualifie donc la vie sexuelle des catholiques alors que les traités de droit canonique réduisent soigneusement le domaine de l’adage « Ecclesia abhorret a sanguine » à l’effusion de sang homicide de son propre sang ou du sang d’autrui, sur acte individuel volontaire, en l’amnistiant s’il a lieu sur commandement (quod jussu) de la part du pouvoir politique  [3] .
Le constat précédent élargit donc le champ de l’adage au droit de la reproduction. On ne peut alors omettre l’analyse des effets excluants du « mélange des sangs » lorsque ces « sangs » ne sont pas chrétiens. L’adage dans sa conception restrictive ne réprouvait que l’effusion homicide entre chrétiens, faire couler le sang des infidèles relevait d’une obligation exonérante de responsabilité : « Il n’y a pas de péché pour cela » ; le sang d’infidèle ne doit pas, de plus, se mêler au sang chrétien, ne doit pas polluer le sang chrétien. Les systèmes de parentés consanguines, et les trouvailles doctrinales extensives qui les environnent, nous amènent à ajouter un deuxième adjectif au substantif sang : humain et chrétien.
Nous travaillerons donc tout d’abord l’adage lato sensu sur trois exemples mettant en évidence le lien sang-reproduction, sexe, sang et pollution, pour revenir ensuite à l’interprétation stricto sensu qui offre aussi ses subtilités. L’obéissance au Décalogue « tu ne tueras point » subit tant d’exceptions  [4] qu’elle permet aux chrétiens d’animer et de participer aux violences du monde. Arrivés au terme de ce passage sur violence et sang chrétien, on mesurera les limites de l’exposé qui ne fait qu’égratigner l’économie générale du sang dans l'Église, qu’ébaucher les prolégomènes à cette économie desquels nous avons volontairement exclu toute approche théologique sacrificielle du sang tout en ne nous privant pas de nous interroger au for interne sur la distinction qu’elle crée  [5] .

I. Sexe, sang et pollution : les acceptions masquées de l’adage

Sous l’appellation « communion des sangs », l'Église désigne un « mélange des sangs » qui serait réalisé lors de la consommation du mariage ou de tout « acte de chair » pouvant donner lieu à génération consanguine. Ce mélange des sangs (que l’on tente de cantonner dans le sacrement de mariage) doit être parfaitement exogame ; toute union entre parents consanguins et collatéraux éloignés jusqu’au 7e degré  [6] est interdite. Le droit canonique élargit au cours du Moyen Age le champ de l’interdit incestueux aux unions entre alliés en ligne directe et collatérale sous le vocable d’affinité (affinitas), élargissement obsessionnel du champ de l’inceste par contagion sexuelle.
Le sang chrétien peut aussi être pollué par des unions interdites qui véhiculeraient à l’infini des ferments d’hérésie, de race hérétique. Les sociétés chrétiennes (catholiques) doivent veiller à la pureté de leur sang donc de leur foi, et ébrancher systématiquement les rameaux infidèles.
Enfin, le sang comme le sperme (Héritier, 1985) doit être maintenu ou être déposé à l’intérieur des corps. Toute effusion de l’un comme de l’autre pollue le lieu où il s’épand et la personne qui le répand.

1. L’affinité, une parenté coïtale

Le droit romain classique faisait naître une parenté de proximité entre un conjoint et les parents de l’autre lorsqu’ils étaient mariés légitimement, en justes noces, noces selon le droit. Cette parenté de proximité, tout en créant des empêchements à mariage en ligne directe (comme entre belle-mère et gendre, beau-père et bru), n’atteignait pas les lignes collatérales.
Le Lévitique exposait des interdictions à mariage entre parents par alliance directe, tout en soutenant, par le lévirat, le bien-fondé d’un mariage entre une veuve sans enfant et le plus proche parent mâle de son mari défunt, quelque soit l’âge de ce parent. L’enfant (souhaité mâle) né de cette union était considéré comme le fils posthume du mari défunt.
Des conciles successifs sur près de dix siècles abondèrent, moins sur les interdictions vétéro-testamentaires que sur les textes du Nouveau Testament (Épîtres de Paul) et la doctrine augustinienne, affirmant que l’unitas carnis au sein du mariage consommé réalisait la confusion réelle des corps des deux époux en une seule chair dans un mariage alors « parfait ».
L’affinité, sur ce modèle, quittera l'alliance entre familles pour être assimilée, par analogie avec la consanguinité, à une communion des sangs entre deux familles née du fait de la copulation (matrimoniale) entre deux individus non-parents. « Une affinité (dite "consanguine") naît de la relation sexuelle ; du mariage non consommé ne naît aucune affinité. » En termes évidents, il s’agit d’une contagion de parenté diffusée par la consommation du mariage.
En effet, dès Gratien (Causa XXXV, Q.V), la notion d’affinité va s’élargir au delà de la consommation d’un mariage pour partie consensuel, pour devenir purement copulative, « l’affinité provient du coït ». Cette « parenté coïtale » est assimilée à la parenté consanguine et entraîne des empêchements à mariage, non seulement entre familles de personnes mariées ayant consommé leur mariage, mais encore entre familles de concubins ou de partenaires épisodiques ! Le droit distinguera bien, morale oblige, « l’affinité légitime » de « l’affinité illégitime » née d’une copula illicita, mais quoiqu’il en soit « elles doivent marcher du même pas » que la consanguinité, et connaître la même computation interdisant le mariage au 7e degré.
Il faut enfin préciser que l’affinité légitime ou illégitime naît du seul coït « ad generationem » [7] . Tout acte sexuel « déviant » qui n’aurait pu être procréateur ne crée pas l’affinité.
Le non-consentement de la femme à la pénétration génitale est sans effet ; l’affinité naît même d’un viol « génératif » en puissance  [8]  : car elle découle d’« une copulation normale sur la femme non consentante, endormie, folle ou ivre ».
L’interdiction à mariage pour affinité sera peu à peu réduite dans ses effets mais non dans son essence. Elle descendra au IVe degré en union légitime et au IIe degré lorsqu’elle est illégitime entre le xiie siècle et un Concile de Trente qui réaffirme néanmoins qu’elle naît du simple fait matériel du coït. Dans cet espace de temps, le Corpus canonique s’est enrichi d’une jurisprudence et d’hypothèses d’école telles que les juristes les affectionnent. On peut donc observer, et ce jusqu’au nouveau Codex de 1917, l’effet multiplicateur de l’affinité entre branches, l’enchevêtrement inextricable entre lointaines unions ou relations inconnues des futurs époux.
Des conjoints mariés peuvent se retrouver dans des situations « cornéliennes » mais sanctionnables en droit (Durand de Maillanes, 1746 ; Esmein, 1886), aboutissant par exemple à leur interdire tous rapports conjugaux et/ou à les séparer de corps suite à la découverte d’un adultère ancien entre des parents de l’un et de l’autre.
La notion romaine d’affinité liée au seul mariage consensuel ne réapparaît qu’en 1917-18 dans un Code qui conserve cependant quelques complications multiplicatrices de la double affinité en particulier lors de remariages  [9] tout en ne touchant pas à l’assertion de la « communion des sangs », de la contagion des sangs lors du mariage. Il faut attendre 1983 pour que les commentateurs autorisés admettent que l’affinité soit le fruit du mariage et non de sa consommation, affinité entraînant empêchements en ligne directe à deux degrés.
Il reste que depuis 1917 sous le joli nom « d’empêchement d’honnêteté publique » on conserve l’affinité illégitime des siècles passés, interdisant le mariage entre parents suite à un mariage invalidé ou (en ligne directe au premier degré) entre familles de concubins notoires (excepté dispense obispale)  [10] .

2. Pureté du sang, pureté de la Foi

Nous ne quittons pas le champ de la contamination par le sang en observant l’exemplarité des canons de l'Église inquisitoriale d’Espagne de la fin du xve au xviiie siècle et l’arsenal juridique du Royaume très catholique  [11] . Pour les Inquisiteurs, la parenté consanguine comme d’affinité charrie, perpétue les caractères dits raciaux (en fait d’appartenance religieuse) des « bons chrétiens » ou des malfaisants hérétiques. L’expression « mala raza » formule clairement l’ascendance hérétique (ereges), l’impureté indélébile du corps et de l’âme des non-chrétiens comme des convertis au catholicisme. Dès la fin du xve siècle débute une épuration parmi les descendants des Maures, des Juifs, puis des Protestants, quelle que soit leur distance de parenté. Ces descendants « impurs » sont pourtant très souvent intégrés et bien intégrés  [12] dans les Ordres, les Offices, les Métiers, la Noblesse (Hidalguia).
Chaque Chapitre, chaque communauté ecclésiale, puis chaque communauté laïque chrétienne va se doter de Statuts de pureté du sang, visant à éliminer certains de ses membres ou à en refuser le recrutement si une enquête généalogique trahit le moindre soupçon de consanguinité ou d'affinité impure  [13] .
Les textes des Statuts capitulaires « de Limpieza de sangre » sont clairs, à commencer par les plus connus, tel celui du Chapitre de Tolède (1547) ou celui de Salamanque (1548-1559) (Sicroff, 1960) pris sous l'influence conjuguée de la Papauté  [14] , du Roi et de leurs appareils répressifs communs. Les xviie et xviiie siècles connaîtront toujours cette épuration des Corps et des Métiers, cette sélection par la pureté du sang.
On prendra tout d’abord pour exemple les Statuts ecclésiastiques de pureté du sang du Chapitre de Salamanque (Salamenticenses, 1986)
L'évêque de Salamanque propose au Chapitre en 1548 d’adopter le Statut de pureté du sang du Chapitre de Tolède face aux tentatives de publications hérétiques des œuvres de Luther, œuvres saisies et brûlées sur ordre de la Sainte Inquisition. « Vous savez bien que l’on tient pour certain d’après les Inquisiteurs du Saint Office que ces nouvelles et perverses opinions proviennent des juifs (hebreos) qui n’ont de cesse de pervertir les lois de l'Évangile... et donc qu’il est juste que les Églises cathédrales mettent tous leurs efforts pour être elles-mêmes totalement pures et qu’elles suppriment le moindre brin de risque qui pourrait desservir Dieu Notre Seigneur ou tacher notre Sainte Foi catholique et la loi évangélique. ... Et vous savez que de nombreuses Églises ont accepté ces statuts pour qu’aucun descendant de juif, de maure ou d’hérétique ne puisse être titulaire de bénéfices... (ainsi Tolède, Séville et Cordoue). » « ... par suite il vous est demandé, à vous, Frères, de veiller au Bien et à la Pureté de l'Église, d’en discuter et causer entre vous, et, s’il appert, poser le Statut comme les Églises précédemment citées l’ont fait. »
Cette première incitation épiscopale fut suivie d’un vote positif des présents, — à « bulletin secret » par la fève (oui) et le lupin (non) — sous la condition restrictive que le Statut ne soit point d’application rétroactive, qu'il ne vise que les futurs candidats à une fonction capitulaire ; qu’il soit au contraire parfaitement extensif pour l’avenir, sélectionnant tout le personnel, clerc ou non clerc, tels les enfants de chœur, les sonneurs de cloches, les bedeaux et l’organiste. Le scrutin n’ayant pas fait l’objet d’une publicité suffisante, les absents (non convoqués, volontairement ou non) s’élevèrent contre cette décision et construisirent une véritable contre-argumentation anti-répressive dénonçant l’impuissance de l'Église à se protéger de l’intérieur comme à convaincre ses ouailles.
Toujours est-il que des statuts non rétroactifs furent définitivement votés en 1559, proclamant la nécessité d’une totale pureté de sang pour accéder à la moindre fonction cléricale ou laïque dans le Diocèse.
« Qu’aucun descendant de juif, ni de race maure ou d’hérétique puisse être bénéficiaire dans ses Églises. [...] s’il n’est ancien chrétien de toute part sans tenir ni descendance, ni soupçon de descendance, d’hébreu, de mahométan, de condamné au feu ou de réconcilié devant la Sainte Inquisition. [...] qu’ils soient nobles ou fils de nobles. »
Une fonction (lucrative) se développe alors en Espagne : celle de généalogiste-enquêteur de la pureté du sang. Le Chapitre de Salamanque comme tous les autres Corps prévoit les services d’un tel enquêteur (élu par le Chapitre en son sein ou non, assermenté sur les Saintes Écritures, rémunéré...) qui se déplace « sur le lieu de naissance et de résidence de l’enquêté, ou en tout lieu où il pourra obtenir la vérité ; et là il s’informera auprès des personnes qui sont anciennes chrétiennes de pureté et de lignage ainsi que l’a défini la mission du Chapitre ». Il commencera par interroger les hommes, et s’il n’y en a pas ou pas assez, les vieilles femmes.
On connaît des éditions nombreuses (jusqu’en 1830) de ces guides et manuels d’enquêteurs de la pureté du sang chargés de verrouiller les accès aux Corps de la Société ibérique  [15] . Ainsi au début du xviiie siècle, Le bréviaire de l’enquêteur (Lambert Gorges, 1983) propose un questionnaire-type en huit points pour filtrer les entrées dans l’Ordre de Saint Jacques de Compostelle en 1702, auquel s’ajoutent d’autres conditions de normalisation comme être né d’un mariage légitime, de parents n’exerçant pas un vil métier [16] , et n’ayant jamais été condamnés. Nous en extrayons le point 4 révélateur de l’extension génétique et génésique du religieux, de la transmission de l’errance par le sang et le sperme, comme de la précarité de la preuve inquisitoriale : « De même s’ils (les témoins masculins) savent, croient ou ont entendu dire que ses parents, grands-pères et grands-mères sont ou furent tenus et communément réputés comme vieux chrétiens, purs de toute race de juif, maure ou converti à un quelconque degré (dont ceux d’affinité), aussi loin que l’on peut remonter, sans qu’ils aient entendu la moindre chose contraire sur ces noms... »
Les Corps de métiers, les Confréries, les Sociétés, les communautés familiales pratiquent cette sélection généralisée à l’entrée, voire à l’intérieur du groupe. Des Marchands de draps de Barcelone aux Orfèvres de Valence, des Cordonniers de Séville aux Tailleurs de Madrid, toutes les communautés se ferment au sang réputé impur, ce qui est (Bennassar, 1979) aux origines du retard économique et de l’isolement de l’Espagne dans l’Europe des xixe et xxe siècles.
Par exemple à Barcelone au xviiie siècle il est encore « bon d’enquêter pour savoir si le candidat est descendant de bons catholiques, purs de sang, sans tache ni macule sur leur christianité, ou si ses pères et ancêtres dans les deux lignes ont été des pénitentiels de l’Inquisition ou présentés à une autre justice ». Tache, macule quasi imprescriptible et indélébile au delà de l’enquête par témoins grâce aux registres de la sévère mémoire écrite de la Justice inquisitoriale.
Plus tard encore, en 1761, les Orfèvres de Valence estiment que « le plus important est de faire la preuve authentique et fiable d’être de vieux chrétiens, purs de toute mauvaise race de juifs et de maures, et de n’avoir pas été châtiés par l’Inquisition ». Comme le rappelle l’introduction aux Sociétés fermées ibériques déjà citées : « La foi chrétienne n’est plus considérée comme une vertu, un acte personnel, mais comme un phénomène conditionné par une race transmise par le sang. »

3. L’émission polluante de sang et/ou de sperme

Tout ce qui sort du corps est perte, danger, mort. L’expulsion du sang des menstrues ou de l’accouchement, l’écoulement du sperme « hors du vase des générations » sont polluants. Ceux qui les émettent sont impurs, les lieux et les objets qu’ils touchent le deviennent. Il en est ainsi des lieux consacrés et des églises. On attend là quelques développements sur l’impureté des femmes, et sur (moins connue) la contamination des lieux sacrés et de ses desservants.
L’impureté contagieuse des femmes prise en compte par le droit canon s’inscrit dans le droit fil de la tradition vétéro-testamentaire ; mais elle constitue encore de nos jours un argument théologique majeur (bien que partiellement dissimulé) du refus d’ordonner des femmes, ou de les laisser accéder à des fonctions ecclésiales mineures. Ce n’est alors pas le sang qui est impur, mais la femme qui le laisse sourdre. « C’est un être qu’on éloigne et dont on s’éloigne pendant des semaines, des mois ou des années selon le cas et qui garde quelque chose du caractère qui l’isole même en dehors de ses époques spéciales  [17] . »
De la Genèse (XXXI, 31-36) on connaît l’épisode de Rachel dérobant les idoles de son père et les cachant sous elle dans sa litière lors de son départ avec Jacob. Elle sait qu’on ne pourra la fouiller : « Que Monseigneur ne voie pas avec colère que je ne puisse me lever en sa présence, car j’ai ce qui est coutumier aux femmes. » On en rapprochera, des siècles après, le fait que le couvre-chef d’un Tzigane ne puisse plus être porté si par mégarde une femme s’assoie dessus (Roux, 1988).
Dans le Lévitique (XX, 18), l’homme qui couche avec une femme pendant ses règles ou « découvre sa nudité »... a mis à nu la source de son sang, « tous deux seront retranchés du milieu de leur peuple » (exclus voire punis de mort). La femme parturiente est mise à l’écart de la communauté, elle n’accouche pas dans la maison pour ne pas la souiller mais dans une crèche, une étable. Elle y restera 7 jours si elle accouche d’un garçon, 12 si elle accouche d’une fille par addition d’impureté  [18] . Elle procédera ensuite à des rites de purification durant 33 jours pour un garçon, 70 pour une fille  [19] .
Trois évangiles concordent pour enseigner que Jésus récuse cette mise à l’écart et cette impureté contagieuse. Il faut relire en particulier le récit dit de la guérison de l’hémorroïsse qui, atteinte de pertes de sang depuis 12 ans, a été guérie par Jésus-thaumaturge après qu’elle l’eût touché et prié (contaminé d’après la Loi). La notion d’impureté naturelle des femmes aurait donc pu disparaître ou s’affaiblir, or elle revient en force dans le thomisme et la dogmatique mariale (Frauen Lexicon, 1988).
Thomas d’Aquin donne autorité à l’idée que le sang des règles est du sperme incomplet, de la semence faible : la femme n’est-elle pas un « mas occasionatus », un mâle accidenté, raté... D’autre part ce sang qui coule sans qu’elle puisse le maîtriser, ne trahirait-il pas une faiblesse naturelle de raison ? Enfin ce sang n’est pas fécondant, d’ailleurs lorsque naît une fille c’est bien la conséquence d’un accident de sperme, faible et corrompu comme celui d’une femme. Quant au sang de l’accouchement c’est un sang polluant, polluant des églises et des lieux sacrés et des maisons.
La Vierge Marie se doit d’avoir échappé aux jours critiques, à la fécondation-contagion comme à l’accouchement-pollution. C’est bien ce qu’inscrit crûment le Concile de Latran I dès 649 dans un texte révélateur : « Si quelqu’un ne reconnaît pas la glorieuse mère de Dieu toujours vierge et immaculée comme l’ayant conçu et enfanté sans corruption, conservant sa virginité inviolable même après l’enfantement, qu’il soit anathème. »
Enfanté sans corruption, mais tout de même hors d’une maison, dans une étable  [20] .
Le Corpus enseigne qu’une femme ne peut donc exercer de fonctions spirituelles, ne peut ni prêcher, ni enseigner qu’elle soit religieuse ou abbesse ; son impureté permanente (plus que potentielle) la poursuit jusqu’à lui interdire d’encenser l’autel, de toucher aux vases sacrés, de servir la messe. Le Code de 1917 leur permet seulement de répondre à la messe sans s’approcher de l’autel et en l’absence de desservant masculin (Can.813 §2) et leur rappelle qu’elles doivent occuper à l’église des places distinctes de celles des hommes, avoir la tête couverte et être modestement vêtue (Can.1262 §1). Le Code de 1983 réaffirme non seulement l’exclusion du sacrement de l’Ordre, de tout office emportant pleine charge d’âme, de ministères stables tels l’acolytat ou le lectorat... mais maintient l’interdiction du service d’autel durant la messe, à tout moment  [21] .
L’effusion de sperme comme de sang entraîne pollution des lieux sacrés. Le Sexte, livre III, titre 21 y consacre plusieurs canons.
L’effusion volontaire et coupable de semence humaine entraîne pollution de l’église, qu’elle provienne d’une masturbation solitaire ou du rapprochement des époux.
Si une église est polluée par du sang ou du sperme, le bâtiment devient impur et doit être purifié selon un rituel bien précis, celui de la « réconciliation ».
Est polluée l’église où meurt un suicidé même si son mode de suicide n’a pas fait couler son sang, car la mort est référée au sang versé, à l’équivalent du liquide vital répandu. N’est pas polluée par contre une église où se réfugie un homme blessé « innocent » qui saigne mais a été frappé en dehors du bâtiment ; tandis qu’une personne blessée dans l’église pollue jusqu’au cimetière contigu.
Par contagion un cimetière pollue par le sang et par le sperme l’église contiguë (et réciproquement). Tant que ces lieux ne seront pas reconsacrés, aucun culte et sacrement ne pourra y être distribué, personne ne pourra y être chrétiennement enterré. Enterrer un hérétique au sang impur pollue de la même manière cimetière et église jusqu’à purification des lieux. Le clerc qui aurait sciemment célébré la messe dans une église polluée par effusion de sang violente ou par des menstrues ou par la présence d’un excommunié est donc irrégulier.
Par contre une exécution capitale dans une église sur ordre de l’autorité civile ne polluerait pas, car il s’agirait là d’un acte de légitime défense posé au nom de la société, ce qui nous ramène aux nombreuses et profondes contradictions entre le principe « Ecclesia abhorret a sanguine » stricto sensu et les violences sociales acceptées et/ou légitimées.

II. Sang et violence : ou des acceptions
restreintes de l’adage

Nous nous retrouvons dans un domaine apparemment plus connu ou tout au moins mieux « médiatisé » ; celui de l’adage stricto sensu « Ecclesia abhorret a sanguine » dont le référent principal est le (trop) simple commandement mosaïque « tu ne tueras point » plutôt que la non-violence évangélique. Le passage qui suit tend à dessiner les contours d'un angélisme selon les cernes des violences légitimées.
« Tu ne tueras point » interdit à l'Église de prononcer des peines mutilantes et de mort, de pratiquer la torture ; il interdit aux clercs  [22] comme aux laïques de participer à des duels, des combats et des guerres ; il interdit de faire volontairement couler le don de Dieu, il interdit de donner la mort, même non sanglante dans une équivalence où la vie vaut sang circulant à l’intérieur, et où la mort vaut sang arrêté, stagnant ou coulant à l’extérieur. La transgression de la règle appelle donc une sanction canonique personnelle et pénale après qualification criminelle de l’acte ; sanction canonique spirituelle (généralement l’irrégularité) mais aussi temporelle (qui ne peut faire couler le sang  [23] ).
Mais l’image pieuse se brouille en raison de l’extension dans l’Europe chrétienne, en Christianitas, de la légitime défense et des exonérations d’intention coupable (de la « malicia », fruit du « Malin »). L'Église elle-même n’organise-t-elle pas, en relation plus ou moins étroite avec les pouvoirs laïques, des tribunaux d’exception où la mort et le sang peuvent être « justement » versés ; l'Église n’admet-elle pas que les chrétiens puissent à bon droit user des armes contre l’infidèle, ou contre d’autres chrétiens, sur ordre des détenteurs du pouvoir temporel, du pouvoir du glaive des Rois et des Principautés très chrétiennes.
Ceci suppose une certaine reconnaissance de « l’office divin », de la mission confiée aux princes par Dieu lui-même, une répartition des tâches violentes dans l’intérêt du Bien commun, une organisation théorique de la collaboration. D’où alternent en droit canon des règles préconisant la primauté de la douceur (lenitas), de la peine médicinale et d'autres ordonnant la livraison du criminel et du délinquant au bras séculier, ou justifiant la violence soldatesque sur ordre du prince (quod jussu).
L’homicide est la qualification clé de ce développement. Il est à la fois péché et crime menaçant l’ordre public. C’est un substantif ou un adjectif polysémique en droit canonique. Il représente toute la polymorphie de la criminalité personnelle. On dit « est homicide »... « n’est pas homicide celui qui »... au lieu et place de coupable ou de non coupable. Coupable de meurtre ou d’assassinat... mais aussi de tentative de suicide (que le sang ait coulé ou non), d'automutilation peu importante, de duel ou d’avortement, de coups et blessures légères.
Tous « homicides » qui connaissent la dépénalisation en cas de légitime défense. Donc, à côté de cette qualification homicide des actes individuels autonomes, il faut en introduire une seconde  [24] , celle d'« office homicide exonérant ». Elle concerne le travail « social », la mission d’ordre public de certains commis, que leur charge sécuritaire et/ou purificatoire amène à faire couler le sang des autres à bon droit, qu’ils soient princes, soldats ou juges.
On comprend alors que les traités canoniques donnent à lire une version parfaitement restrictive (strictissimo sensu) de l’adage « Ecclesia abhorret a sanguine ». Ils valorisent, développent la lenitas des clercs et de l'appareil ecclésial, tout en banalisant la violence du monde chrétien. Cette dualité structure les situations juridiques qui suivent.

1. Les individus homicides

Sont qualifiés d'homicides ceux qui versent volontairement leur propre sang, ceux qui s'auto-mutilent sans aller jusqu'au suicide, ceux qui versent le sang des autres individus hors la légitime défense.

Les homicides qui versent leur propre sang

Le Corpus juris canonici et plus particulièrement le Décret de Gratien abondent en cas et solutions contentieuses encore d’actualité au xviiie siècle. On y distingue quatre catégories : l'automutilation dont on rapproche le suicide, l’avortement et le duel.
Est homicide celui qui verse son propre sang ou se met en situation de le faire. Les sacrifices sanglants sur son propre corps sont donc en principe proscrits pour les clercs et les chrétiens. Ainsi n’admettra-t-on pas au sacrement de l’Ordre un clerc qui se serait auto-mutilé, qui se serait castré  [25] ou aurait tenté de le faire pour affirmer sa chasteté et se consacrer à Dieu. « On n’ordonnera pas celui qui s’est mutilé lui-même, celui qui s’est coupé les parties viriles parce que c’est un homicide et contraire à la volonté de Dieu. Si quelqu’un, déjà clerc, s’ampute, qu’il soit condamné pour son propre homicide. » « Ne peut être ordonné celui qui s’est volontairement coupé un doigt ou une partie de doigt... Il en est de même lorsqu’il a tenté de le faire et a commencé à porter le fer contre lui, car la faute homicide est volontaire. » (Gratien, P.1, Dist.50 De l’interdiction de recevoir les Ordres sacrés en raison d’un vice corporel, C.IV,V,VI).
Ces règles dérivent vite par analogie de l'automutilation au handicap involontaire. Les estropiés sont en principe jugés indignes des ordres sacrés et de la beauté du service de Dieu qui réclame des corps sains. Cependant, les mutilés involontaires peuvent être, si le handicap n’était pas trop invalidant pour le service divin (ni trop repoussant), dispensés par le Pape et par lui seul. Gratien (P.1, Dist.50, C.VII,VIII,XII,XIII) proposait déjà la non-admission « des clercs faibles de corps, bien qu’ils n’y soient pour rien » lorsqu’ils sont « borgnes, boiteux, invalides au point de risquer la chute, le prolapsus », tout en reconnaissant que des dispenses ont été accordées à bon droit à un clerc opéré par un médecin, à un clerc châtré par les barbares normands ou à celui châtré par son maître lorsqu’il était esclave. Un évêque ayant subi la castration dans de telles conditions a pu sur dispense ordonner des prêtres.
Durand de Maillanes rappelle encore (dans son édition de 1746) que le service de l’Église ne peut être rendu par les unijambistes, les borgnes, les manchots, les amputés d’un doigt, en particulier du pouce sans lequel on ne peut rompre l’hostie, par celui dont la lèvre est fendue, par celui qui a une maladie vénérienne, ou par les essorillés de l’une ou l’autre oreille.
Le suicide est considéré comme une automutilation homicide ou une « effusion de sang homicide » lors même qu’il (ou sa tentative) a lieu par pendaison ou empoisonnement. C’est la recherche de la mort qui est sanctionnée dans le Corpus  [26] pour les clercs comme pour les laïques. Cette « effusion » de sang entraîne excommunication de la personne qui n'est pas morte ou la privation de sépulture chrétienne pour le corps polluant du suicidé.
L’avortement est rapproché de l’homicide infanticide. C’est le texte d’Alexandre III (1211, Décrétal.Gregor.IX, Lib.V, Tit.XII, De homicidio voluntario vel casuali, ch.VI) qui s’imposera en la matière. « ... Si le fœtus n’était pas vivifié, l’avortée, l’avorteur pourront un jour (après pénitences) s’approcher de l’autel, si oui ils devront s’abstenir de l’autel en raison de l’homicide » (excommunication jusqu’à absolution romaine). Le Pontife a choisi, à la suite de multiples débats conciliaires, l’interprétation d’Augustin qui hésitait à qualifier d’homicide l’interruption volontaire de grossesse lorsque le fœtus était inanimé, sa forme incomplète ne pouvant loger une âme. On ne fait alors pas de distinction entre avorteur et avortée volontaire, l’écart se creusera au xvie siècle : seule l’avortée pourra être relevée de son excommunication par l’ordinaire du lieu.
Le duel privé pourrait être décrit d’une part comme une automutilation homicide, et d’autre part comme une volonté délibérée de tuer, de blesser, de faire couler le sang d’autrui dans un homicide simple (periculo occisionis, mutilationis et vulneris). Cependant, comme l’exprime Jean de Lignano (1360), cet affrontement n’a-t-il pas lieu pour venger une injure ou défendre son honneur ? L’honneur est une affaire de nobles  [27] qui savent mesurer le poids de l’injure et de la trahison. Le duel entre nobles ne sera donc pas facilement condamné avant le xvie siècle et encore ne le sera-t-il pas directement.
Les canonistes médiévaux sont encore plus gênés lorsqu’il s’agit du duel judiciaire. Le duel judiciaire n’est-il pas « un combat singulier entre deux êtres afin de prouver la Vérité » (R. de Pennafort, De duello, 1235) ? Dieu ne fera-t-il pas émerger la vérité en soutenant le vainqueur ? Au xiiie siècle, on discute encore de sa légitimité d’ordalie sanglante alors que dès 840 l’évêque de Lyon, Agobard, à propos de la loi de charité, repoussait cette sorte de meurtre qui croit pouvoir déclarer la justice de Dieu, et empêche la recherche d’une sage justice (qu’il souhaitait temporelle). Ces fermes et intelligentes assertions condamnant très tôt les jugements de Dieu resteront isolées. La condamnation du judicium sanguinis ne concernera une fois de plus que les clercs dans les collections canoniques.
On peut aussi évoquer la pratique des spectacles de sang, des tournois, des épreuves de force et d’adresse militaire. Elle est régulièrement condamnée (Conciles de Reims, 1131 et 1148, qui privent les morts en tournois de sépulture chrétienne). St Bernard au xiie siècle, puis Clément V en 1311 rappellent l’excommunication encourue  [28] par trop de preux chevaliers qui en resteraient estropiés et... inaptes aux Croisades. Jean de Lignano demandera que ces joutes soient organisées de telle façon qu’elles ne risquent plus de faire couler le sang (la violence contondante subsistant). Au xvie siècle, tous ces « défis vulgaires de sang » seront sanctionnés systématiquement d’excommunication et, selon les cas, de privation de sépulture chrétienne et de devoir de réparation sauf relève pontificale. Sont visés les combattants, les « pugnantes », considérés comme homicides même si le combat doit s’arrêter au premier sang ; les témoins et les organisateurs, les spectateurs vicieux et les propriétaires éminents des espaces (confisqués) où ont lieu joutes et duels ; la terre en est contaminée, polluée par le sang répandu.

Est homicide celui qui verse volontairement le sang des autres, hors la légitime défense

« Si un dément, un enfant, ou un somnambule mutile ou tue un homme, ils n’encourent aucune irrégularité ; et nous sommes d’avis qu’il n’y a pas de pollution lorsque quelqu’un tue ou blesse un agresseur » (traduction libre d’un canon des Clémentines, L.V, T.IV).
Le caractère volontaire ou involontaire, l’absence ou la présence d’intention (malicia) homicide sous-tendent une distinction fondamentale en matière d’imputabilité, tandis que le mode de perpétration de l’homicide est de peu d’importance : strangulation, suffocation, précipitation, transfixion, empoisonnement, arrêtent tous odieusement le sang de la vie. Tout acte contraceptif qui empêcherait ou viserait à empêcher la génération de s’accomplir lui est assimilé. Les décrétales de Grégoire IX (L.V, T.XII De Homicidio, C.1-6) précisent que « si quelqu’un par ses actes ou par traîtrise tue son prochain, qu’il soit arraché de l’autel et qu’il meure » ; le fait pour un homme ou une femme de boire « un liquide empoisonné qui empêche de générer, de concevoir, de faire naître des enfants » est homicide (injuste).
Car l’homicide volontaire est juste ou injuste selon qu’il relève de l’agression ou de la légitime défense. « Celui qui tuera le voleur fera pénitence s’il pouvait se dégager autrement. Mais s’il n’avait pas d’autre solution il n’est tenu ni à pénitence, ni à dommages » (C.IV). Quelle est cette pénitence éventuelle ? Une pénitence vindicatoire classique des pénitentiels romains lorsque l’agresseur est chrétien : « Si tu as tué un voleur ou un bandit, que tu aurais pu ne pas aller jusque-là et que cependant tu l’as fait... parce qu’il était à l’image de Dieu, baptisé en son nom et racheté par son sang, tu... ne rentreras pas durant quarante jours dans une église, tu resteras ces quarante jours vêtu d’un vêtement de bure, sans nourriture ni boisson, sans couche, sans épée et sans cheval. Les 3e et 5e jours et le jour du seigneur tu pourras user modérément de quelques légumes, d’huile, de pommes et de petits poissons avec une cervoise médiocre. Tu auras ainsi le temps de méditer et de maîtriser ton bras... Jeûner est bien mais tu feras aussi la plus large aumône. » Ainsi en est-il pour un laïc portant épée. Un clerc sera sanctionné plus sévèrement. S’il n’est pas déposé et peut continuer à exercer son ministère, il devra se repentir la vie entière dans l’environnement ascétique précédemment décrit.
Le clerc doit savoir contenir sa violence ; ainsi est qualifié d’homicide celui qui n’a pas eu la maîtrise nécessaire par exemple de la garde ou de l’éducation d’un enfant, l'homicide accidentel (casuel) n’est pas exempt de faute (C.VII) : « L’homicide accidentel est imputé à celui qui, lors d’une tâche licite, n’a pas eu la diligence nécessaire. Un clerc ou toute autre personne qui bat un enfant sur la tête pour lui faire respecter la discipline, et le blesse au point qu’il en meure quelques jours plus tard est exclu à perpétuité du service de l’Autel. S’il n’en meure pas mais reste infirme, ou que l’on ne sache pas de quoi il est véritablement mort, qu’il soit seulement déposé de sa charge. »

2. L’office public qui exonère du sang des autres

Si l'Église punit les meurtriers « de sang », elle est censée le faire sans effusion de sang : « La sainte Église de Dieu n’a de glaive que spirituel, elle ne tue point mais fait vivre. » Mais la société civile pourtant chrétienne, elle, le fait et doit le faire.
C’est Augustin (Cité de Dieu, l.1, Ch.17) qui a tenté de résoudre la contradiction entre « tu ne tueras point » et les pratiques sociales de la Cité chrétienne en élaborant la notion d’office (charge, ministère) d’épuration et d’ordre. « Tuer un homme sur commandement en raison des charges de son office n’est pas un péché. »
Gratien se doit d’aborder aussi cette question du service homicide. Il fonde son harmonieuse concordance entre des objurgations de violence et d'appel à la mansuétude sur l’idée que les meilleurs observants de la Loi de Moïse sont ceux qui l’ont défendue au prix du sang de l’impie : « Dieu a dit à Moïse que les malfaisants ne doivent pas vivre, ... celui qui copule avec une jument doit être tué, ... l’adultère, le blasphémateur ne méritent aucune miséricorde et doivent être lapidés... Samuel n’a-t-il pas coupé un morceau du très gros roi Agag. car cela est réputé juste, car en faveur des défenseurs de la Loi. » « Ainsi n’est pas hors la justice mais un soutien de l’humanité celui qui poursuit un criminel, c’est un libérateur de l’Homme. »
Mais cette mission « libératrice » ne fait en principe pas partie de l’office de clerc. Le clerc ne peut être soldat, porter les armes et risquer de faire couler le sang (excepté dans les ordres à « office militaire »), le clerc ne peut être juge du sang (excepté dans l’« office d’inquisiteur »). L’entrée dans les ordres d’un ancien soldat, d’un juge ayant prononcé une peine de mort, d’un chirurgien, d’un médecin qui coupe et dissèque, d’un boucher est soumise à dispense pontificale  [29] .
Le clerc « ne peut être juge de causes criminelles qui risquent d’entraîner la mort du condamné, ou d’ordonner des mutilations ; il ne peut prononcer ou écrire des lettres de sang, exécuter, assister à des exécutions, être capitaine, conduire des vaisseaux, combattre, pratiquer la chirurgie qui brûle et qui coupe, même par charité, bénir l’eau bouillante et le fer qui vont servir à la torture, se battre en duel (s’ils y meurent on ne doit pas prier pour eux), porter les armes, se mêler à ligues et séditions, veiller nuit et jour contre les pirates, tuer, même dans une guerre juste, défensive ou offensive » (Durand de Maillanes à Irrégularité pour défaut de douceur, d’après C.1, dist.51, Can.24, De Homicidiis).
Le contact avec la mort contamine, le toucher de la mort avilit. Bouchers et bourreaux sont des parias, des exclus de la société médiévale et des temps modernes, ils ne peuvent accéder à la cléricature, le bourreau n’est pas enterré dans un sol consacré.
Mais le soldat, l’officier, qui tue sur ordre n’est pas homicide. Le chrétien militaire jouit d’un statut exonérant car sa hiérarchie l’a constitué légitime défenseur de la Cité. Il travaille pour elle et « en vérité » il tue d’autres chrétiens  [30] . « Sur commandement, le soldat n’agit pas pour lui mais pour les autres, pour la cité » (Gratien, pars IV, Q.XIII, C.VIII), « N’est pas coupable d’homicide le soldat qui tue un homme en service commandé. Pour être puni du crime d’effusion de sang humain, il faudrait qu’il ait agi de sa propre volonté... il serait donc puni s’il a agi sans ordre comme d’ailleurs s’il n’exécute pas un ordre. »
Dans l’exercice de la justice criminelle, qui « peut concourir à une mutilation ou à une condamnation à mort d’où s’ensuit une effusion de sang » ? On connaît les limites théoriques d’activité du juge-clerc mais aussi  [31] les exemptions d’irrégularité dont jouissent les juges inquisitoriaux en raison de leur office. Celles-ci sont obtenues en utilisant des techniques formelles qui disparaîtront au xvie siècle. Trois techniques ont été principalement usitées : — prier pour que le bras séculier auquel on abandonne le relaps ou l’hérétique ait le « bras doux » ; on inscrivait ainsi dans la sentence fatale que l'Évêque et l’Inquisiteur prieraient efficacement pour que les juges séculiers sauvent les condamnés de la mort et de la mutilation de leurs membres ; — se retirer après avoir monté et défendu le dossier de l’affaire juste au moment de la condamnation laissée aux juges séculiers et à ses exécuteurs comme en Espagne où le tribunal est mixte ; — s’assister et se confesser entre juges après avoir condamné à la torture ou à la mort. Toutes « clauses de style » jugées inutiles dès Paul IV, inutilité rappelée par Pie V en pleine Inquisition espagnole.
Tous les traités de droit canon reproduisent peu ou prou les textes de références de Johanis Andreae : « L’Inquisition apprend la vérité par la torture ». L’Inquisition pour faire émerger la vérité doit user de la torture et de la douleur du corps, d'une torture si possible non sanglante telle le jeûne et l’obscurité de l’enfermement. Ce type de sanction était déjà contenu dans le Décret de Gratien (II, C.33, Q.2, Causa 10) pour une toute autre affaire, il s’agissait des épouses et concubines infidèles des clercs du xiie siècle. Plutôt que les battre ou les blesser et faire couler le sang, « ils doivent plutôt les tenir enfermées, enchaînées à la maison dans un jeûne salutaire qui peut durer 7 ans pour leur apprendre la crainte de Dieu. » « Les clercs pauvres qui n’ont pas de domesticité à la maison pour les surveiller recevront une aide financière... », soit une aide geôlière à domicile empêchant la coupable de voler des aliments.
Le chrétien non clerc, lorsqu’il a à participer aux activités répressives instituées, ne risque pas non plus l’excommunication. On a pour cela des arguments exonérants faciles : lorsque, par exemple, le témoin catholique ne sait pas que son témoignage risque de conduire l’accusé à la peine de mort..., ou lorsque cette dernière, bien que prononcée, n’est pas exécutée ; de toute manière, si cet homme a des états d’âme, il peut en être facilement « dispensé » par l'Évêque. Il peut aussi assister à l’exécution publique : ce n’est pas un spectacle de sang, il n’est pas le spectateur vicieux d’un « défi vulgaire de sang ».
Reste en dernière ligne de responsabilité cet office de « bourreau » qui, lui, n’exonère pas complètement du sang des autres. Peut-on paraphraser Pierre Legendre lorsqu’à propos des bouchers, il écrit : « Le boucher en réalité ne tue pas : il travaille, mais en vérité il tue, voilà tout le mystère » ? (Critique, 1978). Le bourreau, office extrême du bras séculier, travaille à faire couler le sang, mais en vérité il tue et cette vérité ne doit pas retomber sur son royal commettant. Irrégulier sans dispense possible, le bourreau est exclu de la communauté civile ; privé de sacrements et de sépulture chrétienne, il est exclu du Salut. Il est le bouc émissaire de l’office royal, cet office divin homicide dont Gratien (2, C.XXIII, Can.18) conforte les institutions violentes et répressives : « Ne sont pas vaines les institutions de puissance royale comme le droit d’inquisition, le supplice des ongles, les armes des soldats, le fouet du maître, la sévérité du patron. Tous ces modes sont bons lorsqu’ils sont utilisés rationnellement et utilement. Ils feront peur et puniront les méchants et permettront aux bons de vivre en paix. Tel est l’office royal, réprimer les méchants et élever les bons. »

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* Contribution rédigée à Nantes en juin 1993.
** Université de Nantes,
URA CNRS 1154 « Droit et Changement social », Chemin de la Censive du Tertre, F-44036 Nantes cedex 01.
1. Nous proposerons des traductions libres des textes canoniques latins ne comportant pas d’édition française contemporaine et des textes espagnols sur la pureté du sang.
2. Nos sources relèvent essentiellement du Corpus juris canonici fixé en 1580, composé du Décret de Gratien, des Décrétales pontificales de 1187 à 1234, du Sexte ou 6e Livre de Boniface VIII 1234-1298, des Clémentines de Clément V (1298-1317), des Extravagantes de 1484. Cet ensemble de règles ou canons ordonne en principe (malgré de forts espaces de désuétude) le comportement des clercs et des laïques chrétiens, la vie sacramentelle des communautés et leurs rapports avec les cités séculières jusqu’à la promulgation du Code de droit canonique de 1917 (remanié après Vatican II et mis en application récemment -1983-) et des commentaires et traités anciens et modernes référés en bibliographie.
3. Les grands instruments de travail tels le Dictionnaire de théologie catholique, Le Dictionnaire de droit canonique reflètent cette orientation par leurs entrées : au mot Sang on trouve Sang du Christ ou Guerre, Soldats.
4. La dernière et non des moindres étant l’acceptation de l’éventualité de la peine de mort dans le nouveau Catéchisme (1992).
5. Toute la théologie du Sacrifice serait en cause. Lire Drewermann, Les fonctionnaires de Dieu, 1993, par ex. p. 94-95 et 241, ou le terrible descriptif des Flagellants de l’abbé Boileau (1732).
6. 7° degré canonique aligné sur le comput romain, auparavant le comput canonique par personne et non par degré interdisait le mariage entre parents à un 14° degré.
7. La génération étant le but du mariage, le raisonnement analogique fonctionne.
8. Rappelons que la qualification du viol supposait (et ce en France jusqu’à la loi de 1980) un acte de pénétration génital hétérosexuel. On ne peut aussi manquer d’évoquer les prises de position pontificales et ultramontaines de certaines églises face à l’avortement des femmes violées, irlandaises ou bosniaques.
9. Dont les évêques et non plus le Pape peuvent dispenser.
10. Codex juris canonici, 1917, Can.1076 et 1078. L’affinité en ligne directe est un empêchement dirimant à mariage à tous degrés, en ligne collatérale au deuxième degré inclusivement. L’empêchement d’affinité est multiplié autant de fois que l’empêchement consanguin dont il procède par le mariage avec un parent consanguin d’un époux défunt. L’empêchement d’honnêteté publique naît d’un mariage invalidé, consommé ou non, et d’un concubinage public ou notoire. Il dirime le mariage en ligne directe au 1° et 2° degré entre hommes et consanguins de la femme et vice versa.
Code de droit canonique 1983, Can.1092 : l’affinité en ligne directe dirime le mariage à tous les degrés ; Can.1093 : l’empêchement d'honnêteté publique naît d’un mariage invalide après que la vie commune ait été instaurée (retour à la consommation-contagion?) ou d’un concubinage notoire ou public ; et il dirime le mariage au premier degré en ligne directe entre l’homme et les consanguins de la femme et vice versa.
11. Les ouvrages et articles sur la question sont multiples et récents, c’est un domaine très vivant de publication de sources en Espagne et par les laboratoires d’études ibériques français.
12. Ce qui traduit souvent aussi une volonté politique d’exclusion de certains opposants au régime auxquels on « trousse » une généalogie impure.
13. Trois enquêtes successives et négatives dans une famille vaudront généralement « certificat de pureté de foi » au XVIIe siècle mais cet usage connaît encore des exceptions.
14. Paul IV en 1540 vient d’obliger les Juifs à porter « un signe distinctif jaune ».
15. Cf. Les Sociétés fermées ibériques (ouvrage coll.), Bordeaux, CNRS, 1986.
16. Métiers vils : banquier, comédien, artiste, modèle, bourreau ... ; naissances viles : descendants des précédents et de bâtards, voleurs et criminels.
17. Durkheim, Prohibition de l’inceste, 1e ed., Alcan, p. 44.
18. 12, nombre symbolique dans les Évangiles : l’hémoroïsse a des pertes de sang depuis 12 ans, la fille de Jaïre guérie par Jésus a 12 ans, peut-être n’est-elle pas réglée.
19. Ensuite elle apportera au prêtre à l’entrée de la tente un agneau d’un an et un pigeon pour que soit pratiqué sur eux le rite d’expiation : sang pour sang, le sang animal qui coule la purifie de son flux de sang.
20. Cf. aussi la pratique de l’éviction de la parturiente et de l’accouchée hors la pièce commune au Moyen Age.
21. SCS (Sacrée Congrégation pour les Sacrements) « Inestimabile Donum », n° 18, 3 avril 1980 : AAS (Acta Apostolica Sedis) 72, 1980, 338, contrairement à des pratiques paroissiales concrètes fort répandues.
22. La jurisprudence et la doctrine concernant les clercs est la plus importante ratione personae.
23. Sanctions spirituelles telles les exercices de piété, la censure, l’irrégularité, la déposition, la dégradation ; sanctions temporelles telles les aumônes et amendes, la perte du fruit d’un bénéfice, le bannissement, la prison, le fouet, les galères ; et enfin l’excommunication.
Lorsque le crime est énorme, la justice ecclésiastique ordinaire - celle de l'évêque par son official - défère le clerc ou tout autre auteur, au bras séculier.
24. Qui n’est pas littéralement inscrite sous cette forme dans les Textes.
25. À propos des excès mystiques, on renvoie à la note 5 supra ; lire aussi le chapitre sur les blessures volontaires de J.P. Roux (1988) en particulier sur les castrats russes « les pigeons blancs ».
26. Cf. Codex de 1917, Can. 985 §5 (irrégularité ex delicto), 1240 §1 (privation de sépulture chrétienne), 2350 §2 (suspension ad tempus). Code 1983, Can. 1041 (irrégularité de l’auto-mutilé, et tentative de suicide).
27. Pierre de Fontaines, « Les vilains ne savent ce qu’est honneur et ne sont mie is tenu de le garder ». T.A. Coutume de Bretagne « ...ils (les nobles) doivent mieux savoir les droits et les coutumes, la raison, le bien et le mal. » Bartole exprime l’idée que les vilains sont comme les soldats, les paysans et les femmes, des ignorants du droit (donc dépourvus de la raison qui permet d’apprécier une juste cause).
28. Mais inapplicable. Les tournois et autres joutes, luttes, pugna seront définitivement condamnés au XVIIe siècle par application extensive d’une Constitution de Pie V interdisant les combats entre les hommes et les bêtes, et non entre les hommes...
29. Puis à dispense ordinaire dans le Code de 1917. On en est encore à dénier à un clerc brancardier, durant la grande boucherie de la première Guerre mondiale, la possibilité d’utiliser un scalpel, un bistouri, un instrument qui coupe même s’il soigne ! Ainsi il faudra attendre 1936 pour que la Sacrée congrégation pour la propagation de la Foi autorise les religieuses missionnaires à apprendre et pratiquer l’art de l’accouchement. La même avait permis aux ordinaires des missions depuis 1701 de pratiquer l’incision peu grave ou la cautérisation par brûlure à partir du moment où il n’y avait pas de risque mortel ou de mutilation d’un membre. Mais qui soignent-ils ? des indigènes...
30. En effet cette exonération est inutile car sans objet lorsqu’il s’agit de la mise à mort d’un infidèle : ce n’est pas - par nature - un homicide. Le chrétien n’encourt aucun risque d’excommunication lorsqu’il tue ou blesse un hérétique.
31. On renvoie aux références théologiques et historiques nombreuses des pratiques inquisitoriales.




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