Ce blog voudrait être un complément tout à la fois au blog relatif à la théologie : http://theologie-et-questions-disputeses.blogspot.com/ mais aussi du site http://www.theologica.fr/
samedi 31 décembre 2011
mercredi 28 décembre 2011
A propos du couronnement de l’actuel Pape de Rome
Il ne s’agit pas de s’associer à la nostalgie de fidèles défendant la tradition connue en leur enfance, mais de nous demander si le couronnement de l’actuel Pape de Rome, SS Benoît XVI, ne devrait pas être appliqué, non parce que l’évêque e Rome serait au-dessus des rois, mais parce que pour la première fois et depuis fort longtemps, Benoît XVI remplit la mission confiée à Pierre de fortifier ses frères dans la Foi : « Simon, Satan vous a réclamés pour vous secouer dans un crible comme on fait pour le blé. ] Mais moi, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne disparaisse pas. Et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères. " (Luc XXII, 31,32)
dimanche 25 décembre 2011
Espagne : un « marié » homosexuel voudrait être parrain
Espagne : un « marié » homosexuel voudrait être parrain
L'aricle hâtivement placé sur le blog, mérite une analyse selon les bases de la théologie morale, du droit canon, en définitive de l'ééquité, cela sans prendrre position en faveur de l'homosexualité comme élément insignifiant ou par avance accepté.
Il n'importe pas de condamner par vance une situation, mais de l'analyser et selon les conséquences qu'elle produira, alors seulement une décisioon canonique peut être envisagée.
Unze fois encore l'Eglsie de Rome dans les affaires de Droit, apllique la letree sans rechercher l'esprit, en l'occurence s'il est un bien supérieur qui dispense l'application d'un article codifié.
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Source : http://www.riposte-catholique.fr/jeanne-smits/espagne-un-%C2%AB%C2%A0marie-%C2%BB-homosexuel-voudrait-etre-parrain
L'aricle hâtivement placé sur le blog, mérite une analyse selon les bases de la théologie morale, du droit canon, en définitive de l'ééquité, cela sans prendrre position en faveur de l'homosexualité comme élément insignifiant ou par avance accepté.
Il n'importe pas de condamner par vance une situation, mais de l'analyser et selon les conséquences qu'elle produira, alors seulement une décisioon canonique peut être envisagée.
Unze fois encore l'Eglsie de Rome dans les affaires de Droit, apllique la letree sans rechercher l'esprit, en l'occurence s'il est un bien supérieur qui dispense l'application d'un article codifié.
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Espagne : un « marié » homosexuel voudrait être parrain
Le curé de Huelma, Manuel Garcia |
Comme il fallait s’y attendre, la légalisation du « mariage » homosexuel pose des problèmes qui vont au-delà du champ du droit et du bouleversement des normes sociales. Un curé de paroisse de la petite ville de Huelma dans la province andalouse de Jaén est saisi de la demande d’un couple qui souhaite choisir comme parrain de sa fillette de 6 mois un homme « marié » avec un autre homme. Le curé a refusé en soulignant que ce choix était contraire aux lois de l’Eglise.
Indignation de l’intéressé : l’homme en question dit n’y rien comprendre puisqu’il a toujours fait partie du groupe de catéchistes de la paroisse, de confréries et de l’organisation Caritas, comme il l’a fait savoir à la presse locale.
L’affaire prend donc de l’ampleur médiatique. Le curé s’est refusé à faire des déclarations publiques, s’en remettant à l’évêché qui a clairement rappelé les normes ecclésiastiques. Le canon 874 du Code de droit canonique exige ainsi qui que le parrain « soit catholique, confirmé, qu’il ait reçu le très saint sacrement de l’Eucharistie et qu’en même temps, il mène une vie en conformité avec la foi et avec la mission qu’il va assumer », a fait savoir l’évêché.
Celui-ci a ajouté avoir apporté ces précisions pour éviter les accusations autour d’une supposée discrimination reprochée au curé de Huelma, alors qu’il ne fait que « réitérer la nécessité de respecter les normes ecclesiales universelles ».
© leblogdejeannesmitsSource : http://www.riposte-catholique.fr/jeanne-smits/espagne-un-%C2%AB%C2%A0marie-%C2%BB-homosexuel-voudrait-etre-parrain
vendredi 25 novembre 2011
L’œuvre scientifique de Jean Gaudemet
Information transmise par Fr. Roumy et Fr. Audren:
Université Paris 2-Panthéon-Assas
Institut d’histoire du droit
et
Université Paris-Sud 11
Centre Droit et Sociétés Religieuses
Colloque international
L’œuvre scientifique de Jean Gaudemet
Sceaux-Paris
26-27 janvier 2012
Jeudi 26 janvier 2012
(13h30-18h30) - Sceaux
Faculté Jean-Monnet, Salle Vedel,
54, boulevard Desgranges, 92330 Sceaux (RER, Station Robinson)
Accueil de Monsieur Jérôme FROMAGEAU, doyen de la faculté Jean-Monnet
- Introduction: Panorama de l’œuvre de Jean Gaudemet, par M. Bernard D’ALTEROCHE, professeur à l’université de Versailles-Saint-Quentin et M. Olivier DESCAMPS, professeur à l’université Panthéon-Assas, Paris II
Sources et théorie du droit
PREMIÈRE SESSION
présidée par M. Jean-Louis HAROUEL, professeur à l’université Panthéon-Assas, Paris II
- Le droit de l’Empire romain, par Mme Aude LAQUERRIÈRE-LACROIX, professeur à l’université de Reims Champagne-Ardenne
- Le droit canonique du premier millénaire, par Mme Lotte KÉRY, professeur à l’université de Bonn
SECONDE SESSION
présidée par M. Jean-Pierre CORIAT, professeur à l’université Panthéon- Assas, Paris II
- Le droit romain au Moyen Âge, par M. Franck ROUMY, professeur à l’université Panthéon- Assas, Paris II
- Le droit canonique de l’âge classique, par M. Peter LANDAU, professeur émérite de l’université de Munich
- Les codifications contemporaines, par François JANKOWIAK, professeur à l’université P aris- Sud, Paris XI
Vendredi 27 janvier 2012
(9h-12h) - Paris
Université Panthéon-Assas, Salle des conseils
12, place du Panthéon, 75005 Paris (RER, Station Luxembourg)
Accueil de Monsieur Louis VOGEL, président de l’université Panthéon-Assas
Le droit privé et la société
PREMIÈRE SESSION
présidée par M. Jacques FOYER, professeur émérite de l’université Panthéon-Assas, Paris II
- Le droit privé romain, par Mme Emmanuelle CHEVREAU, professeur à l’université Panthéon-Assas, Paris II
- Le mariage et la famille en droit romain, par M. René-Marie RAMPELBERG, professeur émérite de l’université René Descartes, Paris V
SECONDE SESSION
présidée par M. Bertrand ANCEL, professeur à l’université Panthéon- Assas, Paris II
- Le mariage en droit canonique et dans l’Ancien droit par Mme Anne LEFEBVRE- TEILLARD, professeur émérite de l’université P anthéon- Assas, P aris II
- Les personnes en droit canonique, par Mme Florence DEMOULIN-AUZARY, professeur à l’université de Caen Basse Normandie
Déjeuner libre
Vendredi 27 janvier 2012
(14h-18h) - Paris
Université Panthéon-Assas, Salle des conseils
12, place du Panthéon, 75005 Paris (RER, Station Luxembourg)
Le droit public
PREMIÈRE SESSION
présidée par M. Jean-Jacques BIENVENU, professeur à l’université Panthéon- Assas, Paris II
- Le droit public romain, par M. Giuseppe FALCONE, professeur à l’université de Palerme
- L’Église et l’Empire romain, par M. Aram MARDIROSSIAN, professeur à l’université P aris-Ouest, Nanterre-La Défense
SECONDE SESSION
présidée par M. Guillaume DRAGO, professeur à l’université P anthéon- Assas, P aris II
- Le pape et l’évêque au Moyen Âge, par Mme Michèle BÉGOU-DAVIA, professeur à l’université Paris- Sud, Paris XI
- Les rapports entre l’Église et l’État à l’époque moderne et contemporaine, par le R. P . Jean-Paul DURAND o. p., professeur à l’Institut Catholique de Paris
- Conclusion: Rapport de synthèse, par M. Francesco MARGIOTTA BROGLIO, professeur émérite de l’université de Florence
Cocktail
Lieux
- Jeudi 26 janvier 2012 (13h30-18h30): Sceaux, Faculté Jean-Monnet, Salle Vedel, 54, boulevard Desgranges, 92330 Sceaux (RER, Station Robinson)
- Vendredi 27 janvier 2012 (9h-18h): Paris, Université Panthéon-Assas, Salle des conseils, 12, place du Panthéon, 75005 Paris (RER, Station Luxembourg)
Entrée libre
Contact:
jeudi 10 novembre 2011
"Lumière sur la succession apostolique des Catholiques"
Un article certaine ment rédigé par un Internaute de confession Protestante, pose un certain nombre de questions, selon le lien :
Il peut être très certain que la chaîne s’est trouvée rompue ou même annulée, pour défaut dans le sacrement de l’Ordre de la ferme intention de « faire ce que fait l’Eglise », condition posée à la validité par opposition à la licéité dans l’administration des sacrements.
Quand bien même cela aurait pu être, l’Eglise étant bâtie sur la Foi de Pierre comme le souligne Origène, mais aussi et surtout étant soutenue par l’Esprit Saint, le principe d’équité ou Epikie veut que La Grâce supplée aux manquements de l’homme.
Le mystère de la Grâce est totalement étranger à la pensée Protestante qui privilégie le principe d’une justification, retirant donc à l’homme le moyen de Réparer, suppléer, par les prières, les bonnes actions comme nous y encourage Pierre en sa 2° Epître qui va d’ailleurs bien au-delà puisque l’œuvre de l’homme peut hâter l’avènement du Jour de Dieu.
Tenter d’entrer dans les mystères de La Grâce, suppose que préalablement nous ayons une conscience du Spirituel, au moins dans ce que constituent ou peut constituer la Prière, mais aussi les Sacrements.
JPB
Les francs-maçons dans la Libre Belgique
Il convient de ne pas tout mélanger. L’Ancienne Maçonnerie et celle (trop rare aujourd'hui) fidèle aux Anciens Devoirs, était Chrétienne et même Catholique.
C'est la révolution Andersonienne s'opposant clairement à Rome en 1723 qui provoqua la première condamnation et Anderson amena progressivement l'essentiel des FM à être a-dogmatiques et libéraux, niant que le GADLU soit Dieu.
La GLUA déclare reconnaître sous Le "vocable" GADLU, un Etre suprême bien entendu indéfini, et Anderson privilégiera "la religion naturelle" contre la Révélation Chrétienne.
Reste donc à savoir de quelle FM on parle, cette affaire n'étant pas question de Rite (fut-il Rectifié...) mais d'adhésion des membres de la FM à la Foi de l’Eglise Indivise.
samedi 5 novembre 2011
BOUBAKEUR et le droit canon !
On sait comment Dalil Boubakeur fait protestation permanente d’être un adepte de la démocratie et de la laïcité à la française. Mais il n’y a pas besoin de le pousser pour qu’il réagisse en vrai musulman, c’est-à-dire en musulman incapable d’imaginer qu’il puisse y avoir une autre vision du monde que le totalitarisme islamique.
Ainsi a-t-il déclaré, à propos de l’incendie de Charlie Hebdo, que le mot charia « fait frémir la presse et l’Occident » mais que les gens qui l’utilisent ne savent pas ce qu’il signifie. Or il s’agit, explique-t-il, du « système des règles qui régissent notre vie quotidienne ». Et si l’on veut trouver un équivalent dans le monde catholique, « il y a un droit très clair, qui s’appelle le droit canon ».
Sauf que le droit canon, justement, n’est pas du tout le système des règles qui régissent la vie quotidienne des catholiques. Car le Fondateur de l'Eglise a inventé la laïcité, la distinction entre le religieux et le profane, et le droit canon ne concerne que les affaires proprement religieuses
Ainsi a-t-il déclaré, à propos de l’incendie de Charlie Hebdo, que le mot charia « fait frémir la presse et l’Occident » mais que les gens qui l’utilisent ne savent pas ce qu’il signifie. Or il s’agit, explique-t-il, du « système des règles qui régissent notre vie quotidienne ». Et si l’on veut trouver un équivalent dans le monde catholique, « il y a un droit très clair, qui s’appelle le droit canon ».
Sauf que le droit canon, justement, n’est pas du tout le système des règles qui régissent la vie quotidienne des catholiques. Car le Fondateur de l'Eglise a inventé la laïcité, la distinction entre le religieux et le profane, et le droit canon ne concerne que les affaires proprement religieuses
vendredi 4 novembre 2011
jeudi 3 novembre 2011
Des cadavres en procès …
"C'était le silence subit qui avait alerté la fillette, un calme inhabituel : ordinairement, la journée du cabaretier commençait par un pas lourd dans l'escalier, accompagné de grognements et de jurons divers, puis elle entendait en bas l'ouverture (grinçante) de la porte qui donnait sur la rue et une conversation que son père engageait avec un client matinal ou avec un passant; juste avant le passage du rémouleur qui allait s'installer un peu plus loin et qui appelait le chaland.
Mais ce jour-là, 2 juin 1751, il n'y avait rien eu de tel. Aucun bruit dans toute la maison. Dehors, l'homme était passé, poussant sa petite charrette et l'enfant, blottie dans son lit au rez-de-chaussée, avait eu l'impression qu'elle était seule au logis. La ville de Marle était éveillée depuis longtemps et il semblait qu'Hilaire Marcotte, le patron de La Fleur-de-Lys, fût encore endormi : ou parti Dieu sait où.
Au bout d'un long moment passé à s'interroger, la fillette se leva et monta jusqu'à la chambre de son père. La pièce était vide. Est-ce qu'il l'avait abandonnée ? Comme sa mère qui avait quitté le domicile conjugal, quelques mois plus tôt, pour aller rejoindre un homme, à Paris ? Effrayée par cette situation inhabituelle, la fille d'Hilaire sortit et alerta une voisine, une rude commère qui l'avait prise en affection et qui fit le tour de la maison, à la recherche du cabaretier. Elles le découvrirent bientôt dans la cave, ivre mort, assis sur le sol humide, le dos contre un tonneau, ronflant comme un sonneur.
"Dieu nous garde ! gronda la voisine. Ton père est là, petite. Allez, père Marcotte. Il est grand jour. L'ouvrage n'attend pas..."
Et à force de le houspiller, elle parvint à le réveiller. Elle l'aida aussi à se redresser. En grognant, Hilaire Marcotte réussit à monter l'escalier de la cave. Après s'être copieusement aspergé d'eau, il alla ouvrir à un marchand de vin, venu de Laon pour le ravitailler, avec lequel il se querella violemment, quelques instants plus tard, avant de prendre ses tonneaux. Les gens du quartier qui étaient venus aux nouvelles et qui avaient réussi à s'interposer et à le calmer se dispersèrent : il faut dire que, depuis le départ de sa femme, Hilaire Marcotte avait multiplié les esclandres, donnant le reste du temps l'image d'un homme désemparé, accablé par le destin; il passait des heures entières sur le seuil de sa porte, maussade, le regard vide, négligeant parfois même de servir ses clients. Ce jour-là, pourtant, il parut prendre le dessus : on l'entendit rire à gorge déployée et plusieurs personnes le virent manger de bon appétit.
Pourtant, au début de la soirée, quand on entendit la fillette crier, on comprit qu'il était arrivé quelque chose chez le cabaretier. Elle sortit bientôt en courant de la maison et elle dit, entre deux sanglots, qu'elle venait de trouver son père pendu.
"Il n'est peut-être pas trop tard", dit quelqu'un.
-Il est là-haut, dit la petite, en se cachant le visage dans ses mains.
On se précipita, mais on constata vite qu'Hilaire Marcotte était mort. Son corps était froid et raide; il avait installé une chaise sur la table de sa chambre : monté sur cet édifice improvisé, il avait accroché une corde à un chevron du plafond, passant l'autre bout autour de son cou et il avait repoussé la chaise. On le trouva ainsi, suspendu et il fallut attendre les gens de justice, puis deux chirurgiens qui ne purent que constater la mort par strangulation et qui conclurent à un suicide. On pourrait penser que la simplicité de la procédure serait en harmonie avec celle de ce fait dramatique, mais il n'en était rien. Une telle mort, considérée à l'époque comme particulièrement ignominieuse (puisque l'individu disposait abusivement de son corps qui était un don de Dieu) requérait une procédure spécifique instituée par une ordonnance royale de 1670 : quand ce genre de décès avait été judiciairement (et médicalement) constaté, on choisissait un curateur, c'est-à-dire un représentant du mort, dans sa famille ou on en nommait un d'office si ses proches se désistaient et on instruisait contre lui. L'homme ou la femme qui avait ainsi déserté le combat de la vie, péchant gravement contre Dieu et contre ses semblables devait être jugé et sévèrement châtié. Il ne devenait objet de pitié que s'il avait perdu la raison et s'il s'avérait qu'il avait agi sous l'empire d'une maladie dûment répertoriée ou d'une véritable crise de folie. Dans un tout autre cas, même celui d'une passion violente ou d'un désespoir absolu, il devait subir la vindicte sociale post mortem et son nom serait déshonoré à jamais.
Une enquête minutieuse allait donc être entreprise sur Hilaire Marcotte, le cabaretier, pour qu'on détermine avec exactitude s'il était coupable de suicide, le crime des crimes, ou si on pouvait l'absoudre pour une forme quelconque de déraison. La constatation de la mort ayant été effectuée et le corps d'Hilaire ayant été saisi, "nous lui avons fait appliquer notre cachet ordinaire, n'en ayant pour lors d'autre, sur le front, en cire noire", précise le procès-verbal. C'est ainsi que le cadavre du pauvre cabaretier, portant toujours la corde au cou, le front marqué du cachet noir, fut emporté sur une civière par le geôlier de la ville et un jeune homme (garçon boucher) requis d'office, puis placé "dans l'endroit qui sert de cachot pour la plus grande seureté et que nous avons fait fermer et laissé à la garde de Painvain geolier" qui dut noter sa réception sur le registre de la prison. De son côté, le lieutenant général prit un arrêté officiel selon lequel "ledit cadavre tiendra la prison jusqu'à ce qu'il en soit ordonné autrement" et signa un ordre de citation de dix témoins "à l'encontre du cadavre qui s'étoit homycidé lui-même." Tout cela s'appuyant sur le constat de décès des chirurgiens rédigé en ces termes :
"Après avoir exactement visité le corps, nous avons recognue que la cause de la mort ne luy a esté causé que par laditte corde que nous luy avons veu et trouvé au colle qu'il l'a fait mourir, ce que nous afirmon véritable..."
Maintenant, il fallait trouver un curateur, quelqu'un qui acceptât de se substituer au mort, d'assister à toutes les phases du procès et de défendre sa mémoire. Comme tous les membres de la famille d'Hilaire Marcotte refusaient d'assumer cette tâche, on nomma curateur un certain Charpentier, manouvrier à Marle, qui fréquentait assidument le cabaret de La Fleur de Lys. Auparavant, il avait été établi, au terme de l'enquête minutieuse menée par le lieutenant général auprès des nombreux témoins, que le cabaretier n'était, au moment où se déroulèrent les faits, ni malade ni en proie à la déraison, mais que depuis le départ de sa femme, notoirement infidèle, il était d'humeur mélancolique, qu'il avait le "vin mauvais" et qu'il s'était résolu, sans doute, à mettre fin à ses jours par désespoir, profitant d'un moment d'absence de sa fille, au cours de cette fameuse journée du 2 juin.
Charpentier fut donc assigné comme demandeur et curateur "pour répondre par sa bouche sur tous les faits sur lesquels il sera interrogé, pour ensuite le tout être communiqué au procureur du roi pour par lui donner telles conclusions qu'il avisera." La difficulté, c'est que ce fidèle client de Marcotte, malgré sa bonne volonté, n'apprend rien de nouveau à ceux qui le questionnent : il n'avait jamais reçu les confidences du cabaretier et ce qu'il savait de sa vie sentimentale n'allait guère au-delà des bruits qui couraient la ville de Marle au sujet de ses infortunes conjugales. L'ensemble de ses dépositions confirme donc les témoignages déjà recueillis par le lieutenant général et nourrit beaucoup plus le processus accusatoire que la cause de la défense. Le lecteur de cette fin du II ème millénaire, convaincu d'entrée de l'inanité d'un tel procès, pensera peut-être que cette loufoquerie ahurissante est plus sotte que méchante et que le principal intéressé étant mort, toutes ces gesticulations judiciaires se révélaient, somme toute, inoffensives, voire insignifiantes; c'est faire bon marché de la réputation de la personne qui était décédée et du déshonneur qui s'attachait à une famille et c'est oublier aussi que le corps du suicidé était généralement traîné sur une claie à travers toute la cité, mis ensuite au pilori ou exposé sur des fourches patibulaires, avant d'être jeté dans la fosse commune. Il y a un acharnement des autorités judiciaires, sur l'homme (ou la femme) qui a osé se donner la mort, proprement insupportable.
Mais la nature ne perdant jamais ses droits, dès le 4 juin, Hilaire Marcotte se rappelle au bon souvenir de ses compatriotes marlois d'une manière assez désagréable : on apprend que des signes de décomposition apparaissent déjà sur son corps et que si l'enquête se poursuit à ce rythme, la situation va bientôt devenir intenable. Le soir de cette même journée, le procureur du roi doit présenter une réquisition "afin de faire saler le cadavre de Marcotte par les chirurgiens qui l'ont déjà vu et visité, pour pouvoir en empêcher la corruption jusqu'à la fin de la procédure qu'on est obligé de faire contre lui, laquelle corruption ne se pouvoit autrement empêcher."
Et de son côté, le lieutenant général signe une autorisation officielle pour les chirurgiens qui devront "procéder à l'ouverture dudit corps de Marcotte et à la salaison dudit cadavre."
Sinistre tâche, on le conçoit, même pour des hommes habitués à un labeur qui répugne aux natures sensibles; mais on ne disposait d'aucun autre moyen de conservation, à l'époque, surtout en période estivale. Les chirurgiens sont convoqués par le lieutenant général pour prêter serment avant d'accomplir leur mission et ils en rendent compte ainsi :
"Certifion nous estre expret transporté en la prison roialle de cette ville de Marle pour faire l'ouverture du cadavre par nous visité et indiqué en nostre rapport du 2 juin présent mois, et après l'avoir revisité et examiné tant intérieurement qu'extérieurement dans toutes les parties de son corps, nous n'avons trouvé aultres causes de mort que celle dont nous avons énoncé et marqué dans nostre premier rapor en datte du 2 juin et pour éviter une plus grande corruption que celle qui étoit pour lor, nous avons été de luy faire de grandes excarifications dans toutes les parties de son corps, tant interne qu'externe, et cela pour éviter plus grande corruption et l'avon sallé au moïen de quatre pots de cel qu'y nous esttait délivré, ce que nous ateston et affirmon véritable..."
On sait aussi que la dépense en sel fut de six livres et onze sols pour la salaison du corps. Mais la poursuite de l'action judiciaire allait-elle s'effectuer dans de bonnes conditions, pour autant ? La procédure était longue : il fallait à nouveau entendre les témoins pour qu'une ordonnance attestant de la vérité des faits fût établie. Ensuite, le procès-verbal et le texte des dépositions devaient être soumis au curateur, avant que les témoins puissent être confrontés avec ce dernier. Il pourrait, en cette occasion, s'exprimer librement et commenter les déclarations des uns et des autres, voire les réfuter. Le lieutenant général doit donc, une fois encore, édicter une ordonnance pour que les témoins soient convoqués et confrontés au sieur Charpentier (le curateur) qui déclare solennellement, après cette confrontation, que tout ce qu'il a entendu correspond, sans restriction, à la réalité des faits. Cette prise de position est essentielle, car elle clôt, en principe, le processus judiciaire, plus rien ne s'opposant désormais à ce que l'on apporte une conclusion définitive à cette affaire.
L'ennui, c'est que toutes ces nouvelles péripéties juridiques ont pris une bonne semaine et qu'en dépit de la salaison opérée par les chirurgiens, le corps du défunt Marcotte a commencé à se décomposer : la puanteur qui se dégage du cadavre est si violente qu'elle n'incommode pas seulement le geôlier et les autres prisonniers, mais aussi les habitants des maisons toutes proches et l'on craint même qu'une épidémie de peste ne se déclare dans la ville de Marle."
Mais ce jour-là, 2 juin 1751, il n'y avait rien eu de tel. Aucun bruit dans toute la maison. Dehors, l'homme était passé, poussant sa petite charrette et l'enfant, blottie dans son lit au rez-de-chaussée, avait eu l'impression qu'elle était seule au logis. La ville de Marle était éveillée depuis longtemps et il semblait qu'Hilaire Marcotte, le patron de La Fleur-de-Lys, fût encore endormi : ou parti Dieu sait où.
Au bout d'un long moment passé à s'interroger, la fillette se leva et monta jusqu'à la chambre de son père. La pièce était vide. Est-ce qu'il l'avait abandonnée ? Comme sa mère qui avait quitté le domicile conjugal, quelques mois plus tôt, pour aller rejoindre un homme, à Paris ? Effrayée par cette situation inhabituelle, la fille d'Hilaire sortit et alerta une voisine, une rude commère qui l'avait prise en affection et qui fit le tour de la maison, à la recherche du cabaretier. Elles le découvrirent bientôt dans la cave, ivre mort, assis sur le sol humide, le dos contre un tonneau, ronflant comme un sonneur.
"Dieu nous garde ! gronda la voisine. Ton père est là, petite. Allez, père Marcotte. Il est grand jour. L'ouvrage n'attend pas..."
Et à force de le houspiller, elle parvint à le réveiller. Elle l'aida aussi à se redresser. En grognant, Hilaire Marcotte réussit à monter l'escalier de la cave. Après s'être copieusement aspergé d'eau, il alla ouvrir à un marchand de vin, venu de Laon pour le ravitailler, avec lequel il se querella violemment, quelques instants plus tard, avant de prendre ses tonneaux. Les gens du quartier qui étaient venus aux nouvelles et qui avaient réussi à s'interposer et à le calmer se dispersèrent : il faut dire que, depuis le départ de sa femme, Hilaire Marcotte avait multiplié les esclandres, donnant le reste du temps l'image d'un homme désemparé, accablé par le destin; il passait des heures entières sur le seuil de sa porte, maussade, le regard vide, négligeant parfois même de servir ses clients. Ce jour-là, pourtant, il parut prendre le dessus : on l'entendit rire à gorge déployée et plusieurs personnes le virent manger de bon appétit.
Pourtant, au début de la soirée, quand on entendit la fillette crier, on comprit qu'il était arrivé quelque chose chez le cabaretier. Elle sortit bientôt en courant de la maison et elle dit, entre deux sanglots, qu'elle venait de trouver son père pendu.
"Il n'est peut-être pas trop tard", dit quelqu'un.
-Il est là-haut, dit la petite, en se cachant le visage dans ses mains.
On se précipita, mais on constata vite qu'Hilaire Marcotte était mort. Son corps était froid et raide; il avait installé une chaise sur la table de sa chambre : monté sur cet édifice improvisé, il avait accroché une corde à un chevron du plafond, passant l'autre bout autour de son cou et il avait repoussé la chaise. On le trouva ainsi, suspendu et il fallut attendre les gens de justice, puis deux chirurgiens qui ne purent que constater la mort par strangulation et qui conclurent à un suicide. On pourrait penser que la simplicité de la procédure serait en harmonie avec celle de ce fait dramatique, mais il n'en était rien. Une telle mort, considérée à l'époque comme particulièrement ignominieuse (puisque l'individu disposait abusivement de son corps qui était un don de Dieu) requérait une procédure spécifique instituée par une ordonnance royale de 1670 : quand ce genre de décès avait été judiciairement (et médicalement) constaté, on choisissait un curateur, c'est-à-dire un représentant du mort, dans sa famille ou on en nommait un d'office si ses proches se désistaient et on instruisait contre lui. L'homme ou la femme qui avait ainsi déserté le combat de la vie, péchant gravement contre Dieu et contre ses semblables devait être jugé et sévèrement châtié. Il ne devenait objet de pitié que s'il avait perdu la raison et s'il s'avérait qu'il avait agi sous l'empire d'une maladie dûment répertoriée ou d'une véritable crise de folie. Dans un tout autre cas, même celui d'une passion violente ou d'un désespoir absolu, il devait subir la vindicte sociale post mortem et son nom serait déshonoré à jamais.
Une enquête minutieuse allait donc être entreprise sur Hilaire Marcotte, le cabaretier, pour qu'on détermine avec exactitude s'il était coupable de suicide, le crime des crimes, ou si on pouvait l'absoudre pour une forme quelconque de déraison. La constatation de la mort ayant été effectuée et le corps d'Hilaire ayant été saisi, "nous lui avons fait appliquer notre cachet ordinaire, n'en ayant pour lors d'autre, sur le front, en cire noire", précise le procès-verbal. C'est ainsi que le cadavre du pauvre cabaretier, portant toujours la corde au cou, le front marqué du cachet noir, fut emporté sur une civière par le geôlier de la ville et un jeune homme (garçon boucher) requis d'office, puis placé "dans l'endroit qui sert de cachot pour la plus grande seureté et que nous avons fait fermer et laissé à la garde de Painvain geolier" qui dut noter sa réception sur le registre de la prison. De son côté, le lieutenant général prit un arrêté officiel selon lequel "ledit cadavre tiendra la prison jusqu'à ce qu'il en soit ordonné autrement" et signa un ordre de citation de dix témoins "à l'encontre du cadavre qui s'étoit homycidé lui-même." Tout cela s'appuyant sur le constat de décès des chirurgiens rédigé en ces termes :
"Après avoir exactement visité le corps, nous avons recognue que la cause de la mort ne luy a esté causé que par laditte corde que nous luy avons veu et trouvé au colle qu'il l'a fait mourir, ce que nous afirmon véritable..."
Maintenant, il fallait trouver un curateur, quelqu'un qui acceptât de se substituer au mort, d'assister à toutes les phases du procès et de défendre sa mémoire. Comme tous les membres de la famille d'Hilaire Marcotte refusaient d'assumer cette tâche, on nomma curateur un certain Charpentier, manouvrier à Marle, qui fréquentait assidument le cabaret de La Fleur de Lys. Auparavant, il avait été établi, au terme de l'enquête minutieuse menée par le lieutenant général auprès des nombreux témoins, que le cabaretier n'était, au moment où se déroulèrent les faits, ni malade ni en proie à la déraison, mais que depuis le départ de sa femme, notoirement infidèle, il était d'humeur mélancolique, qu'il avait le "vin mauvais" et qu'il s'était résolu, sans doute, à mettre fin à ses jours par désespoir, profitant d'un moment d'absence de sa fille, au cours de cette fameuse journée du 2 juin.
Charpentier fut donc assigné comme demandeur et curateur "pour répondre par sa bouche sur tous les faits sur lesquels il sera interrogé, pour ensuite le tout être communiqué au procureur du roi pour par lui donner telles conclusions qu'il avisera." La difficulté, c'est que ce fidèle client de Marcotte, malgré sa bonne volonté, n'apprend rien de nouveau à ceux qui le questionnent : il n'avait jamais reçu les confidences du cabaretier et ce qu'il savait de sa vie sentimentale n'allait guère au-delà des bruits qui couraient la ville de Marle au sujet de ses infortunes conjugales. L'ensemble de ses dépositions confirme donc les témoignages déjà recueillis par le lieutenant général et nourrit beaucoup plus le processus accusatoire que la cause de la défense. Le lecteur de cette fin du II ème millénaire, convaincu d'entrée de l'inanité d'un tel procès, pensera peut-être que cette loufoquerie ahurissante est plus sotte que méchante et que le principal intéressé étant mort, toutes ces gesticulations judiciaires se révélaient, somme toute, inoffensives, voire insignifiantes; c'est faire bon marché de la réputation de la personne qui était décédée et du déshonneur qui s'attachait à une famille et c'est oublier aussi que le corps du suicidé était généralement traîné sur une claie à travers toute la cité, mis ensuite au pilori ou exposé sur des fourches patibulaires, avant d'être jeté dans la fosse commune. Il y a un acharnement des autorités judiciaires, sur l'homme (ou la femme) qui a osé se donner la mort, proprement insupportable.
Mais la nature ne perdant jamais ses droits, dès le 4 juin, Hilaire Marcotte se rappelle au bon souvenir de ses compatriotes marlois d'une manière assez désagréable : on apprend que des signes de décomposition apparaissent déjà sur son corps et que si l'enquête se poursuit à ce rythme, la situation va bientôt devenir intenable. Le soir de cette même journée, le procureur du roi doit présenter une réquisition "afin de faire saler le cadavre de Marcotte par les chirurgiens qui l'ont déjà vu et visité, pour pouvoir en empêcher la corruption jusqu'à la fin de la procédure qu'on est obligé de faire contre lui, laquelle corruption ne se pouvoit autrement empêcher."
Et de son côté, le lieutenant général signe une autorisation officielle pour les chirurgiens qui devront "procéder à l'ouverture dudit corps de Marcotte et à la salaison dudit cadavre."
Sinistre tâche, on le conçoit, même pour des hommes habitués à un labeur qui répugne aux natures sensibles; mais on ne disposait d'aucun autre moyen de conservation, à l'époque, surtout en période estivale. Les chirurgiens sont convoqués par le lieutenant général pour prêter serment avant d'accomplir leur mission et ils en rendent compte ainsi :
"Certifion nous estre expret transporté en la prison roialle de cette ville de Marle pour faire l'ouverture du cadavre par nous visité et indiqué en nostre rapport du 2 juin présent mois, et après l'avoir revisité et examiné tant intérieurement qu'extérieurement dans toutes les parties de son corps, nous n'avons trouvé aultres causes de mort que celle dont nous avons énoncé et marqué dans nostre premier rapor en datte du 2 juin et pour éviter une plus grande corruption que celle qui étoit pour lor, nous avons été de luy faire de grandes excarifications dans toutes les parties de son corps, tant interne qu'externe, et cela pour éviter plus grande corruption et l'avon sallé au moïen de quatre pots de cel qu'y nous esttait délivré, ce que nous ateston et affirmon véritable..."
On sait aussi que la dépense en sel fut de six livres et onze sols pour la salaison du corps. Mais la poursuite de l'action judiciaire allait-elle s'effectuer dans de bonnes conditions, pour autant ? La procédure était longue : il fallait à nouveau entendre les témoins pour qu'une ordonnance attestant de la vérité des faits fût établie. Ensuite, le procès-verbal et le texte des dépositions devaient être soumis au curateur, avant que les témoins puissent être confrontés avec ce dernier. Il pourrait, en cette occasion, s'exprimer librement et commenter les déclarations des uns et des autres, voire les réfuter. Le lieutenant général doit donc, une fois encore, édicter une ordonnance pour que les témoins soient convoqués et confrontés au sieur Charpentier (le curateur) qui déclare solennellement, après cette confrontation, que tout ce qu'il a entendu correspond, sans restriction, à la réalité des faits. Cette prise de position est essentielle, car elle clôt, en principe, le processus judiciaire, plus rien ne s'opposant désormais à ce que l'on apporte une conclusion définitive à cette affaire.
L'ennui, c'est que toutes ces nouvelles péripéties juridiques ont pris une bonne semaine et qu'en dépit de la salaison opérée par les chirurgiens, le corps du défunt Marcotte a commencé à se décomposer : la puanteur qui se dégage du cadavre est si violente qu'elle n'incommode pas seulement le geôlier et les autres prisonniers, mais aussi les habitants des maisons toutes proches et l'on craint même qu'une épidémie de peste ne se déclare dans la ville de Marle."
"On consulte fébrilement les articles de loi qui traitent de la question et l'on s'aperçoit qu'on peut fort bien régler cet épineux problème, puisque la présence du cadavre n'est reconnue indispensable que pour "constater le délit", ce qui répond à la plus élémentaire logique (arrêts du 2 décembre 1737 et du 31 janvier 1749).
-"Marcotte peut donc être enterré au plus vite ?" demande au procureur du roi le lieutenant général, mis au courant de l'inquiétude des Marlois.
-Comme vous y allez ! lui rétorque finement le procureur. Nous souhaitons tous que la paix revienne dans les coeurs et dans les âmes des habitants de cette cité...
-... et que la peste nous épargne, l'interrompt le lieutenant général.
-Sans doute, remarque son interlocuteur sur un ton irrité, mais l'enterrer où, ce cadavre ? Une inhumation chrétienne est hors de question, vous vous en doutez et le dépôt dans la fosse commune n'est pas plus concevable, puisque cette mesure n'intervient que lorsque le jugement de condamnation est rendu. Hilaire Marcotte s'est homicidé lui-même : nous n'avons aucun doute à ce sujet : il doit donc être exclu de la communauté des vivants et des morts tous chrétiens, mais il nous faut le juger et (vraisemblablement) le condamner avant de l'enterrer.
-Vous avez (hélas!) raison, remarque le lieutenant, l'air morne
-Attendez ! s'exclame le procureur, soudain presque allègre. Si nous respectons à la lettre la procédure, nous la rendons de facto impossible, compte tenu de l'état de décomposition presque avancé du cadavre de Marcotte...
-Mais alors ? interroge le lieutenant général, troublé par les interventions contradictoires du procureur.
-Alors vous n'avez pas lu assez attentivement les arrêts en question. Il est bien précisé que la sentence ne pourra être mise à exécution qu'une fois qu'elle aura été prononcée, factum primum, mais comme il faut beaucoup de temps avant que le jugement soit rendu, la loi ne saurait exiger que l'on conserve un cadavre qui "tombe en pourriture", compte tenu de tous les dangers d'infection qu'il représente, surtout lorsque les éclaircissements suffisants à propos des circonstances de la mort sont présents.
-Cette occurrence est bien la nôtre, constate le lieutenant général, rasséréné.
-Précisément, mais...
Le procureur fit éclore à nouveau un sourire chargé du juridisme le plus subtil.
-... nous devons réquérir les chirurgiens; seul leur rapport établissant l'état précis du corps et les dangers que sa présence fait courir à la ville nous permettra de régler la question.
Les hommes de science revinrent à nouveau examiner le défunt Hilaire Marcotte et constatèrent que l'ex-cabaretier était dans un tel état qu'il fallait prendre une décision au plus vite. "Il est certain qu'en le gardant plus longtemps, cela pourroit causer une peste dans la ville", écrivirent-ils. Ils durent aussi faire amende honorable quant à l'inefficacité de leur "art de salaison", mais leurs conclusions étaient nettes : il fallait enterrer Hilaire le plus tôt possible.
Le lieutenant général donna aussitôt des ordres pour que le cadavre fût inhumé en "terre profane"; autrement dit, hors de l'enceinte de la ville, dans un lieu où reposaient les criminels et les suicidés et que l'on appelait les fosses des huguenots. Naturellement, les préparatifs autour de la prison ne passèrent pas inaperçus et il y eut, très vite, une foule assemblée à ses abords pour assister à ces obsèques qui n'en étaient pas. Comment les Marlois allaient-ils réagir à cette cérémonie funèbre à la fois tardive et précipitée ? Les hommes chargés de transporter le cadavre seraient-ils malmenés ? La justice risquait-elle d'être bafouée ? Par prudence, on fait venir de Montcornet deux cavaliers de la maréchaussée chargés d'escorter le convoi. L'assistance est nombreuse et attentive, mais aucune violence n'est perpétrée. L'inhumation d'Hilaire Marcotte a lieu sans incident particulier.
Cette fois, l'affaire est-elle terminée ? Le jugement peut-il enfin être prononcé ? Pas encore : la procédure exige que le curateur, le manouvrier Charpentier, soit, pour la dernière fois, interrogé. Connaissait-il la raison exacte pour laquelle le cabaretier s'était tué ? Que pensait-il de la rumeur selon laquelle Marcotte aurait déjà essayé de se suicider auparavant ? Savait-il que le défunt avait acheté la corde fatale la veille de sa mort ? A tout cela le curateur répond qu'il sait ce que tout le monde sait, rien de plus. "S'attend-il à justice ?", lui demande-t-on. Il répond affirmativement, ce qui signifie qu'il accepte la condamnation du cabaretier; mais que pouvait-il faire d'autre ?
Le procureur du roi, après un bref rappel des faits, requiert alors pour Sa Majesté "que la mémoire d'Hilaire Marcotte, convaincu de s'être homicidé soi-même, s'étant pendu et étranglé, soit condamnée à perpétuité pour réparation de son crime; que les biens dont il jouissait le jour de sa mort, situés en pays de confiscation, soient acquis et confisqués à qui il appartiendra; sur quoy sera prise une somme de cent cinquante livres d'amende; pour la condamnation de ladite mémoire sera dressée une potence sur la place de la ville pour, par l'exécuteur de la haute justice, y attacher ladite sentence, laquelle auparavant sera lue à la porte des prisons royales de la ville de Marle, à la porte de la demeure du suicidé et sur ladite place; après quoi ladite sentence sera attachée à ladite potence pour y rester pendant vingt-quatre heures."
La condamnation est prononcée le 21 juin 1751; conformément à la tradition, le curateur fit appel devant le parlement, mais celui-ci l'annula le 20 août de la même année et le jugement fut exécuté dans toute sa rigueur.
Ce type de procédure qui nous semble, pour le moins, abracadabrant aujourd'hui, se concevait à l'époque, car l'individu, en tant que tel, n'existait pas : il n'était qu'un élément d'un univers voulu et régi par Dieu; mais le plus étonnant fut qu'un procès identique eut lieu à Marle, trois décennies plus tard (en 1786), que le même président, un certain Sérurier, dirigea l'enquête et que son développement fut aussi long et aussi minutieux que le précédent, même si l'issue en fut différente.
Sans entrer dans des détails qui seraient fastidieux et répétitifs, il est intéressant de connaître les faits, car cette action judiciaire fut l'une des dernières de ce genre, sinon la dernière, en France.
-"Marcotte peut donc être enterré au plus vite ?" demande au procureur du roi le lieutenant général, mis au courant de l'inquiétude des Marlois.
-Comme vous y allez ! lui rétorque finement le procureur. Nous souhaitons tous que la paix revienne dans les coeurs et dans les âmes des habitants de cette cité...
-... et que la peste nous épargne, l'interrompt le lieutenant général.
-Sans doute, remarque son interlocuteur sur un ton irrité, mais l'enterrer où, ce cadavre ? Une inhumation chrétienne est hors de question, vous vous en doutez et le dépôt dans la fosse commune n'est pas plus concevable, puisque cette mesure n'intervient que lorsque le jugement de condamnation est rendu. Hilaire Marcotte s'est homicidé lui-même : nous n'avons aucun doute à ce sujet : il doit donc être exclu de la communauté des vivants et des morts tous chrétiens, mais il nous faut le juger et (vraisemblablement) le condamner avant de l'enterrer.
-Vous avez (hélas!) raison, remarque le lieutenant, l'air morne
-Attendez ! s'exclame le procureur, soudain presque allègre. Si nous respectons à la lettre la procédure, nous la rendons de facto impossible, compte tenu de l'état de décomposition presque avancé du cadavre de Marcotte...
-Mais alors ? interroge le lieutenant général, troublé par les interventions contradictoires du procureur.
-Alors vous n'avez pas lu assez attentivement les arrêts en question. Il est bien précisé que la sentence ne pourra être mise à exécution qu'une fois qu'elle aura été prononcée, factum primum, mais comme il faut beaucoup de temps avant que le jugement soit rendu, la loi ne saurait exiger que l'on conserve un cadavre qui "tombe en pourriture", compte tenu de tous les dangers d'infection qu'il représente, surtout lorsque les éclaircissements suffisants à propos des circonstances de la mort sont présents.
-Cette occurrence est bien la nôtre, constate le lieutenant général, rasséréné.
-Précisément, mais...
Le procureur fit éclore à nouveau un sourire chargé du juridisme le plus subtil.
-... nous devons réquérir les chirurgiens; seul leur rapport établissant l'état précis du corps et les dangers que sa présence fait courir à la ville nous permettra de régler la question.
Les hommes de science revinrent à nouveau examiner le défunt Hilaire Marcotte et constatèrent que l'ex-cabaretier était dans un tel état qu'il fallait prendre une décision au plus vite. "Il est certain qu'en le gardant plus longtemps, cela pourroit causer une peste dans la ville", écrivirent-ils. Ils durent aussi faire amende honorable quant à l'inefficacité de leur "art de salaison", mais leurs conclusions étaient nettes : il fallait enterrer Hilaire le plus tôt possible.
Le lieutenant général donna aussitôt des ordres pour que le cadavre fût inhumé en "terre profane"; autrement dit, hors de l'enceinte de la ville, dans un lieu où reposaient les criminels et les suicidés et que l'on appelait les fosses des huguenots. Naturellement, les préparatifs autour de la prison ne passèrent pas inaperçus et il y eut, très vite, une foule assemblée à ses abords pour assister à ces obsèques qui n'en étaient pas. Comment les Marlois allaient-ils réagir à cette cérémonie funèbre à la fois tardive et précipitée ? Les hommes chargés de transporter le cadavre seraient-ils malmenés ? La justice risquait-elle d'être bafouée ? Par prudence, on fait venir de Montcornet deux cavaliers de la maréchaussée chargés d'escorter le convoi. L'assistance est nombreuse et attentive, mais aucune violence n'est perpétrée. L'inhumation d'Hilaire Marcotte a lieu sans incident particulier.
Cette fois, l'affaire est-elle terminée ? Le jugement peut-il enfin être prononcé ? Pas encore : la procédure exige que le curateur, le manouvrier Charpentier, soit, pour la dernière fois, interrogé. Connaissait-il la raison exacte pour laquelle le cabaretier s'était tué ? Que pensait-il de la rumeur selon laquelle Marcotte aurait déjà essayé de se suicider auparavant ? Savait-il que le défunt avait acheté la corde fatale la veille de sa mort ? A tout cela le curateur répond qu'il sait ce que tout le monde sait, rien de plus. "S'attend-il à justice ?", lui demande-t-on. Il répond affirmativement, ce qui signifie qu'il accepte la condamnation du cabaretier; mais que pouvait-il faire d'autre ?
Le procureur du roi, après un bref rappel des faits, requiert alors pour Sa Majesté "que la mémoire d'Hilaire Marcotte, convaincu de s'être homicidé soi-même, s'étant pendu et étranglé, soit condamnée à perpétuité pour réparation de son crime; que les biens dont il jouissait le jour de sa mort, situés en pays de confiscation, soient acquis et confisqués à qui il appartiendra; sur quoy sera prise une somme de cent cinquante livres d'amende; pour la condamnation de ladite mémoire sera dressée une potence sur la place de la ville pour, par l'exécuteur de la haute justice, y attacher ladite sentence, laquelle auparavant sera lue à la porte des prisons royales de la ville de Marle, à la porte de la demeure du suicidé et sur ladite place; après quoi ladite sentence sera attachée à ladite potence pour y rester pendant vingt-quatre heures."
La condamnation est prononcée le 21 juin 1751; conformément à la tradition, le curateur fit appel devant le parlement, mais celui-ci l'annula le 20 août de la même année et le jugement fut exécuté dans toute sa rigueur.
Ce type de procédure qui nous semble, pour le moins, abracadabrant aujourd'hui, se concevait à l'époque, car l'individu, en tant que tel, n'existait pas : il n'était qu'un élément d'un univers voulu et régi par Dieu; mais le plus étonnant fut qu'un procès identique eut lieu à Marle, trois décennies plus tard (en 1786), que le même président, un certain Sérurier, dirigea l'enquête et que son développement fut aussi long et aussi minutieux que le précédent, même si l'issue en fut différente.
Sans entrer dans des détails qui seraient fastidieux et répétitifs, il est intéressant de connaître les faits, car cette action judiciaire fut l'une des dernières de ce genre, sinon la dernière, en France.
Tout commence au mois de juin, une fois encore, le 8 très précisément, de l'année 1786; ce jour-là, on retrouve un dénommé Duclos, valet de charrue, pendu dans la chambre de son habitation. On prévient les gens de justice qui se rendent sur les lieux, la mort "violente et volontaire" est constatée, le procureur du roi ordonne que le cadavre soit transporté dans la prison de Marle et des chirurgiens sont requis pour examiner le corps. Ils ne peuvent que se rendre à l'évidence. Duclos s'est suicidé (homicidé); l'état de son cou et de son visage ne laisse subsister aucun doute à ce sujet. Il convient maintenant de déterminer les causes de son acte : a-t-il agi volontairement, en toute lucidité, ou sous l'empire de la déraison ?
On interroge le plus grand nombre de personnes possible et chacun convient que le pauvre homme était d'ordinaire sain de corps et d'esprit, mais que depuis quelque temps il souffrait d'une fièvre qui avait pu l'entraîner dans un acte de folie. D'ailleurs, certains affirmaient l'avoir vu se plonger dans l'eau, couvert de sueur, alors que la température était plutôt fraîche. On le voyait ensuite retourner chez lui, avec des vêtements trempés, comme si de rien n'était. Il fallait qu'il souffrît d'une forte maladie pour agir de la sorte.
Un autre élément intervient dans l'enquête : outre les témoignages précités, on apprend que le défunt nourrissait un tendre sentiment pour une jeune fille du voisinage et que cet attachement n'était pas partagé; il n'en fallait pas davantage pour accentuer la déraison du personnage. D'ailleurs, sa mère elle-même en était à ce point consciente qu'elle faisait dire des messes à l'église de Marle pour qu'il retrouve la raison et elle avait accompli un pélerinage à Liesse dans le même but. Un témoin affirma aussi que Duclos lui avait confié qu'il se sentait dévoré par un "feu ardent" et que c'était pour cette raison qu'il allait se plonger dans l'eau de la rivière, par tous les temps.
Une fois encore, pendant que l'enquête se poursuit et traîne en longueur, malgré la simplicité apparente des faits, le cadavre de Duclos entre en décomposition et les chirurgiens taillent sur lui de profondes incisions dans lesquelles ils introduisent le sel "afin de remettre ce cadavre, autant qu'il serait possible, dans son premier état", précisent-ils.
On pourrait penser que les difficultés rencontrées lors de la première affaire, dans la même ville de surcroît, auraient permis de ne pas retomber dans les mêmes erreurs : il n'en était rien : la procédure est tout aussi longue que précédemment et comme le curateur, qui est un membre de la famille du mort, demande et obtient un supplément d'instruction, le cadavre du pauvre Duclos en décomposition empoisonne la prison et ses alentours et on doit, de nuit, l'emporter loin de sa geôle et l'enterrer "en terre profane, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné."
Au tribunal, le curateur fait d'abord un long plaidoyer dans lequel il s'emploie à prouver que son parent défunt était en état de démence au moment des faits.
Ainsi, raconte-t-il, un jour, le susdit Duclos ayant pris un remède qui avait des effets instantanés (et peu ragoûtants), il crut bon d'aller se jeter dans la rivière pour se laver, alors qu'il faisait grand froid. Trempé au sortir de l'eau, il traversa toute la ville de Marle, vêtu de sa seule chemise et sans l'assistance de quelques Marlois compréhensifs, il aurait eu des démêlés avec la force publique. Une autre fois, alors qu'il assiste à la grand'messe, il se dresse subitement, quitte sa place, traverse toute l'église et avant de franchir la porte, il se retourne pour lancer à voix haute : "Au revoir, tertous !"
Tout cela était destiné à montrer que Duclos était sujet à des accès de démence et qu'il n'avait pas son libre arbitre au moment où il s'était donné la mort; mais le curateur ne s'en tient pas là : il rédige un autre mémoire dans lequel il s'efforce de prouver que le suicide n'est pas aussi évident qu'il y paraît. Après tout, déclare-t-il, le défunt s'était peut-être fait des ennemis et ils avaient pu le tuer en disposant les choses de telle manière que l'on pût croire à un suicide. Chacun savait, en ville, que les portes de sa maison fermaient mal; il suffisait de se glisser chez lui, la nuit et de l'étrangler pendant son sommeil...
Cette fois, le curateur faisait manifestement du zèle et jouait les avocassiers; mais la cause était entendue : la démence de son parent paraissait ne faire aucun doute et le procureur émit un avis favorable pour le retour de sa dépouille au sein de sa famille et pour son inhumation en terre chrétienne avec les prières de l'Eglise.
Le 10 juillet 1786, la procédure s'achevait par un jugement qui n'entachait pas la mémoire de Duclos et ne faisait rejaillir aucun déshonneur sur sa famille. Ce fut la dernière, ou l'une des dernières affaires de ce genre en France. Par la suite, les procès aux cadavres n'existèrent plus et le suicide fut à mettre au compte de l'individu et de lui seul; toutes les accusations portées contre des tiers, peu ou prou responsables d'une telle mort, étant désormais du ressort de la morale personnelle."
On interroge le plus grand nombre de personnes possible et chacun convient que le pauvre homme était d'ordinaire sain de corps et d'esprit, mais que depuis quelque temps il souffrait d'une fièvre qui avait pu l'entraîner dans un acte de folie. D'ailleurs, certains affirmaient l'avoir vu se plonger dans l'eau, couvert de sueur, alors que la température était plutôt fraîche. On le voyait ensuite retourner chez lui, avec des vêtements trempés, comme si de rien n'était. Il fallait qu'il souffrît d'une forte maladie pour agir de la sorte.
Un autre élément intervient dans l'enquête : outre les témoignages précités, on apprend que le défunt nourrissait un tendre sentiment pour une jeune fille du voisinage et que cet attachement n'était pas partagé; il n'en fallait pas davantage pour accentuer la déraison du personnage. D'ailleurs, sa mère elle-même en était à ce point consciente qu'elle faisait dire des messes à l'église de Marle pour qu'il retrouve la raison et elle avait accompli un pélerinage à Liesse dans le même but. Un témoin affirma aussi que Duclos lui avait confié qu'il se sentait dévoré par un "feu ardent" et que c'était pour cette raison qu'il allait se plonger dans l'eau de la rivière, par tous les temps.
Une fois encore, pendant que l'enquête se poursuit et traîne en longueur, malgré la simplicité apparente des faits, le cadavre de Duclos entre en décomposition et les chirurgiens taillent sur lui de profondes incisions dans lesquelles ils introduisent le sel "afin de remettre ce cadavre, autant qu'il serait possible, dans son premier état", précisent-ils.
On pourrait penser que les difficultés rencontrées lors de la première affaire, dans la même ville de surcroît, auraient permis de ne pas retomber dans les mêmes erreurs : il n'en était rien : la procédure est tout aussi longue que précédemment et comme le curateur, qui est un membre de la famille du mort, demande et obtient un supplément d'instruction, le cadavre du pauvre Duclos en décomposition empoisonne la prison et ses alentours et on doit, de nuit, l'emporter loin de sa geôle et l'enterrer "en terre profane, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné."
Au tribunal, le curateur fait d'abord un long plaidoyer dans lequel il s'emploie à prouver que son parent défunt était en état de démence au moment des faits.
Ainsi, raconte-t-il, un jour, le susdit Duclos ayant pris un remède qui avait des effets instantanés (et peu ragoûtants), il crut bon d'aller se jeter dans la rivière pour se laver, alors qu'il faisait grand froid. Trempé au sortir de l'eau, il traversa toute la ville de Marle, vêtu de sa seule chemise et sans l'assistance de quelques Marlois compréhensifs, il aurait eu des démêlés avec la force publique. Une autre fois, alors qu'il assiste à la grand'messe, il se dresse subitement, quitte sa place, traverse toute l'église et avant de franchir la porte, il se retourne pour lancer à voix haute : "Au revoir, tertous !"
Tout cela était destiné à montrer que Duclos était sujet à des accès de démence et qu'il n'avait pas son libre arbitre au moment où il s'était donné la mort; mais le curateur ne s'en tient pas là : il rédige un autre mémoire dans lequel il s'efforce de prouver que le suicide n'est pas aussi évident qu'il y paraît. Après tout, déclare-t-il, le défunt s'était peut-être fait des ennemis et ils avaient pu le tuer en disposant les choses de telle manière que l'on pût croire à un suicide. Chacun savait, en ville, que les portes de sa maison fermaient mal; il suffisait de se glisser chez lui, la nuit et de l'étrangler pendant son sommeil...
Cette fois, le curateur faisait manifestement du zèle et jouait les avocassiers; mais la cause était entendue : la démence de son parent paraissait ne faire aucun doute et le procureur émit un avis favorable pour le retour de sa dépouille au sein de sa famille et pour son inhumation en terre chrétienne avec les prières de l'Eglise.
Le 10 juillet 1786, la procédure s'achevait par un jugement qui n'entachait pas la mémoire de Duclos et ne faisait rejaillir aucun déshonneur sur sa famille. Ce fut la dernière, ou l'une des dernières affaires de ce genre en France. Par la suite, les procès aux cadavres n'existèrent plus et le suicide fut à mettre au compte de l'individu et de lui seul; toutes les accusations portées contre des tiers, peu ou prou responsables d'une telle mort, étant désormais du ressort de la morale personnelle."
samedi 24 septembre 2011
LE PROCES DE FALAISE 1386
RENTREE SOLENNELLE DE LA CONFERENCE DU STAGE ET
DU BARREAU DE PARIS
4 DECEMBRE 2009
THEATRE DU CHATELET
***
DISCOURS DE LOUISE TORT
DEUXIEME SECRETAIRE DE LA CONFERENCE
Un procès important a beaucoup plus
d’influence sur la vie d’un peuple que
1.000 billevesées mathématiques et
100.000 discours sur les prix d’Académie.
VOLTAIRE
Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs,
Chers Confrères,
Tout va bien.
Tout va bien.
Rien ne sert de s’inquiéter, elle est là, juste de l’autre côté.
2
Traversez la Seine en sortant du Châtelet, et vous la verrez : Sereine, elle sait prendre
le temps et la peine de se concentrer sur l’essentiel, de s’intéresser à ce qu’il y a de
plus important, pour vous, pour nous, pour nos enfants.
Entrez dans une salle d’audience, et vous l’entendrez : Rassurante, elle sait chaque
fois trouver les mots pour soigner même les pires des maux.
Elle sait quand il le faut, se donner les moyens d’arriver à ses fins.
Attendez le délibéré et vous l’admirerez : Indépendante, elle sait que l’exemplarité de
l’impunité ne saurait être tolérée, et que bien entendu, les coupables sont toujours
parmi les prévenus.
Oui tout va bien, car elle est là, elle nous protège, la belle, la grande, l’immaculée
Justice de FRANCE.
Celle qui nous éblouit chaque jour de ses lumières, et qui sait bien comment, pour
panser nos plaies, nous devons traiter les barbares de notre temps.
Alors, en ces temps troublés, profitons de ce jour de rentrée, de commémoration du
passé, pour célébrer ensemble notre grand destin, et nous rappeler que ce grand
dessein était engagé il y a bien longtemps déjà.
Ainsi, en 1386, se dressait non loin d’ici, dans le bassin de Normandie, une Cité
puissante et convoitée, dont la justice punissait déjà les barbares du moment, et
parvenait ainsi à protéger et à rassurer les pauvres gens.
FALAISE, Capitale du HOULME, régnant tant sur les francs que les Normands,
réunit alors pas moins de 336 paroisses.
Elle est dirigée, depuis 6 ans déjà, par le Vicomte REGNAULT RIGAULT,
représentant du Duc de Normandie, et du Roi de France,
Un Vicomte qui, chargé d’exercer la justice sur la roture et le tiers état, permit à cette
Cité de s’illustrer aussi par un grand procès.
Tout commence alors que s’écoulent les premières heures de cette nouvelle année.
FALAISE, endormie, respire le calme et la sérénité.
Les festivités de la veille, présidées par le vicomte REGNAULT RIGAULT en
personne, se sont merveilleusement déroulées, et dans le silence de la nuit noire, on
peut encore entendre résonner les rires et les chants des enfants ;
Mais quand la brume vient chasser l’obscurité et commence à entourer les épais
remparts de la ville, quand les premiers rayons de l’année viennent se poser sur les
murs de l’Eglise de la Trinité, le silence est presque parfait.
3
Lorsque soudain, un cri, effroyable, un hurlement venu du tréfonds des enfers,
transperce la ville endormie et glace chaque esprit.
Rue des Capucins, Marie de MEAUX, à genoux dans un recoin de la métairie, tremble
de tout son être, ses mots semblent incohérents.
Elle pleure, elle crie, elle prie, elle mendie, elle maudit :
- « Du sang, du sang ! Mon enfant ! Aidez moi ! Monstres !
Mon Dieu, qu’avez vous fait ? »
Marie tient dans ses mains le corps sans vie de l’enfant qu’elle avait tant désiré,
qu’elle avait si durement mis au monde seulement trois mois auparavant, et dont les
grands yeux si éveillés avaient généré tellement de fierté.
Maculée du sang de sa chair, elle tient tout contre elle son corps désarticulé ;
Pour ne pas le voir, mutilé, le bras presqu’intégralement arraché, retenu seulement
par quelques lambeaux de chair ensanglantée,
Pour ne pas le voir, défiguré, l’oeil, entièrement exorbité, la joue, déchiquetée.
Son fils adoré, qui venait à peine d’avoir un nom, n’avait plus de visage.
Alors Marie ne comprend pas pourquoi, elle ne comprend pas comment, il peut se
trouver là, meurtri, froid, dans ses bras.
Et comme si son coeur avait pu le lui dire, contre le sien elle le serre, encore, encore,
plus fort.
Petit à petit, comprenant d’où proviennent ces grands cris qui confinent à la folie, la
foule s’est progressivement attroupée autour de la demeure endeuillée.
Elle sait désormais pourquoi Marie, si discrète et si polie, ne peut ce matin retenir ses
hurlements de désespoir.
Face à l’horreur, à la douleur,
Face à l’enfant massacré, à ses parents anéantis,
la foule se joint, la foule s’incline, la foule s’inquiète.
En ce 1er janvier 1386, sous le choc de l’impensable, de l’innommable,
FALAISE tremble,
FALAISE n’est plus qu’une immense rumeur
FALAISE a peur.
Jean, le père de l’enfant, décide de raisonner :
Il va donc s’armer.
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Maçon, il s’empare de tous les outils en sa possession, pour dénicher et terrasser de
ses mains l’infâme, le monstre qui a osé s’en prendre aussi sauvagement à son
nourrisson.
Il fait le tour de son établi, arpente chaque recoin de la métairie, fouille chaque pièce
de sa petite maison ;
Mais rien.
Alors, comme lui, les hommes décident eux aussi de raisonner :
Ils vont donc s’armer.
Lames, pelles, pieux, torches, arcs, lances, masses ; les chiens sont lâchés sur la piste
de l’infâme, la battue est lancée dans toute la Cité.
Chacune de ses ruelles creusées est arpentée, chacune de ses maisons de châtaigner
est fouillée, chaque porte dérobée est enfoncée.
Et très rapidement, le coupable, ce monstre, cette bête, est débusqué.
Il ne fut en effet pas besoin d'aller bien loin :
C’est le voisin de Jean qui l'a trouvé vautré près de la porte de son grenier.
Encore couvert du sang frais de sa pauvre petite victime, celui que toute la ville
recherchait s’était simplement assoupi là, se reposant tranquillement de son forfait.
Aidé de la foule ameutée par ses cris, le voisin de Jean le roue de coups de poings, de
pieds, de masse, de bâton.
Avant même de se réveiller, le meurtrier est assommé, neutralisé, saucissonné.
Chacun découvre alors stupéfait, qu’il n’est autre que ce vagabond qu’on a pris
l’habitude de tolérer, et qu’on se souvient tous avoir croisé la veille ou l’avant-veille
dans les rues de la Cité.
La garde se saisit alors du nauséabond prisonnier, lui évitant ainsi d'être lynché par la
foule, qui l'accompagne d’un cortège d’insultes et de cris jusqu’au château, où il sera
mis aux arrêts.
Tandis que ses hommes prennent en charge le meurtrier conspué, Colin GISLIN, le
lieutenant général du Vicomte REGNAULT RIGAULT, dûment avisé et missionné,
s’emploie à rassurer la foule déchainée :
- « Falaisiens, gens de bien, voilà l’assassin !
L’assassin du pauvre petit infant de notre ami et frère Jean !
L’assassin, dont le corps, et même les dents, sont encore souillés de son sang
innocent!
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Cet étranger, nommé Claudon selon les premiers éléments découverts par ma
garnison, sera, soyez-en certains, sévèrement puni et châtié pour son crime, au nom
de notre bien aimé Vicomte REGNAULT RIGAULT !
Ainsi, le bon Jean de MEAUX sera vengé, et une telle monstruosité, je vous le
promets, ne se reproduira jamais ! »
Sur ordre du Vicomte, le meurtrier nommé Claudon est immédiatement jeté au
cachot dans le Donjon du Château.
Dès lors, précisait la lettre de cachet du Duché :
« Le coupable sera traité comme il l’a mérité, sans pouvoir propager son
immoralité ; Et la procédure sera efficacement menée. »
L’affaire est confiée au Sieur Guillaume LE DIACRE, Promoteur des causes d’office
de la Vicomté ; seul et unique inquisiteur et enquêteur d’une Justice saine, sereine et
équitable, chargé de procéder, avec l’aide de ses gens et de ses substituts, à
l’instruction criminelle de la sordide affaire.
Mais, extrait de son cachot dès le lendemain des faits, Claudon lui, ne semble pas
disposé à favoriser la manifestation de la vérité.
Loin de s’expliquer et d’implorer le pardon lors de cette première comparution,
l’infâme ne daigne même pas écouter les questions.
Son regard vide et cruel reste fixe et droit, puis s’agite de manière insensée, mais dans
tous les cas, et c’est à désespérer, il ne répond pas.
Après une journée entière de questions sur les faits, aucun mot n’aura été prononcé
par ce maudit Claudon. Il sera donc décidé de lui appliquer la Question.
Car si sa culpabilité est d’ores et déjà avérée dans ce dossier, il a bien du sang sur les
dents, il manque encore aux Falaisiens une réponse qui seule pourrait leur apporter
la paix : Quand ?
Quand Claudon a-t-il mordu et dépecé sa victime ?
A quelle heure a-t-il osé dévorer la chair ce petit ?
Avant ou après minuit ?
Jeudi, ou Vendredi ?
Car si au-delà de l’atrocité de son crime, Claudon est allé jusqu’à violer la loi divine,
jusqu’à transgresser le commandement sacré, en osant consommer de la chair un
vendredi, sa peine doit en être lourdement aggravée !
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C’est pourquoi, dans un cas, il sera étranglé et pendu, alors que dans l’autre, il sera
brûlé vif.
La réponse à cette question est ainsi absolument cruciale, et puisqu’il se refuse à
toute déclaration, la Question de Claudon, résolument indispensable.
Le lendemain, il sera donc Questionné, jusqu’à ce qu’il se décide enfin à parler.
Dès les premières heures de la matinée, Claudon est installé, solidement attaché,
pour être, un peu, écartelé.
Et là, mais qui pouvait en douter?
Face à la douleur de ses responsabilités, l’infâme, dont la veulerie était allée jusqu’à
s’en prendre à un nouveau né, s’est comporté comme ce que chacun savait déjà qu’il
était : un lâche ! Car, enfin, il a parlé.
A la question : « Claudon, vous avez dévoré l’enfant de Jean de MEAUX, le
reconnaissez-vous ? Bourreaux, faites avancer les chevaux! »
Il a crié.
A la question : « L’avez-vous, Claudon, dévoré avant minuit ? Bourreaux, faites
avancer les chevaux ! »
Il a crié.
« L’affaire est faite », s’exclame LE DIACRE, avant d’intimer à sa garde l’ordre de se
saisir du meurtrier pour le ramener au cachot.
Mais assoiffé de vérité absolue, Colin GISLIN, le lieutenant général du Vicomte,
intervient et exige que Claudon soit ramené à la question pour une ultime
interrogation, bien plus importante encore :
« L’avez-vous Claudon, dévoré après minuit ? Bourreaux, faites avancer les
chevaux ! »
Il a encore crié.
« Cette fois, l’affaire est faite », proclame Colin GISLIN.
« Il ne vous reste plus qu’à adresser le rapport de votre tabellion au Vicomte, dont je
sais qu’il s’impatiente déjà de juger ce scélérat. »
7
Chaque jour depuis le 1er janvier, le Vicomte REGNAULT RIGAULT reçoit en effet
Jean de Meaux et ses proches au Château.
Il leur assure quotidiennement qu’il rendra justice à leur malheureux enfant, dont il
se sent tout autant le parent. Il en va de son honneur et de son autorité.
Le Vicomte est donc immédiatement informé que l’enquête est terminée, et fixe lui
même le procès au 8 janvier sur la place de l’Eglise de la Trinité.
L’infâme Claudon y sera jugé publiquement par le Vicomte et les sages qu’il aura
désignés pour l’entourer.
Chacun est convié, tous les villageois et paysans doivent en être avisés.
Le moment est venu, pour qu’enfin, Justice soit rendue. Nous sommes le 8 janvier.
Rapidement, la salle d’audience, qui n’est autre que la place du Marché devant
l'Eglise, est pleine ; la Place de FALAISE déborde.
Et lorsque le Vicomte et sa Cour font leur entrée, ils sont littéralement acclamés :
« Pas de pitié ! Que Jean de MEAUX soit vengé ! » Crie l’assemblée.
Pour les apaiser, REGNAULT RIGAULT fait un geste de la main, permettant ainsi à
sa Cour de s’installer dignement, alors que progressivement, le silence se fait.
Sur sa droite, LE DIACRE, le promoteur des causes d’office, accompagné de ses
substituts et de ses gens, est déjà attablé, serein et décontracté.
A gauche mes Chers Confrères, mais plus bas, beaucoup plus bas, un homme, petit,
plutôt gras, un peu difforme, est assis derrière une petite table.
Et devant lui, une lourde chaîne a été scellée.
Subitement, la tension monte, des mouvements se font sentir devant le Château.
Des cris de haine s’élèvent de plus en plus fort, de plus en plus près, jusqu’à
enflammer tout entière la Place de la Trinité.
L’accusé est avancé.
Les Falaisiens cessent de crier, de parler, puis se mettent à chuchoter, et se taisent
enfin. Lorsque Claudon est enchaîné, le silence est complet.
Le Vicomte rappelle les termes de la prévention,
Les faits sont exposés, en commençant par le détail des atroces blessures de l’enfant
et le résumé des hypothèses qui peuvent être formulées.
8
Mais ce faisant, REGNAULT RIGAULT semble particulièrement indisposé, au point
d’hésiter plusieurs fois à s’arrêter.
Et lorsqu’il en vient au récit de l’interpellation, exaspéré, il s’interrompt, et se tourne
vers Claudon:
« C’est vous ? C’est vous qui empestez comme ca ? »
Là, le petit homme se lève,
Et les regards se détournent alors un instant de Claudon.
« Monsieur le Vicomte, Monseigneur, Votre Honneur,
Je dois à la vérité de dire qu’il est vrai que mon client sent extrêmement mauvais.
Mais si vous me le permettez, je souhaiterais simplement souligner,
En ma qualité de défenseur public du nommé Claudon,
Que ceci est moins lié à sa volonté, qu’à sa condition… »
« Dois-je comprendre que vous vous permettez de stigmatiser nos conditions de
détention ? Que la défense ose se plaindre de ce que nous lui faisons, alors que votre
client lui, n’a connu aucune pitié pour un pauvre nourrisson ! »
« Oh non, Monsieur le Vicomte, Monseigneur, Votre honneur,
Je souhaitais simplement, respectueusement attirer votre lumineuse attention sur le
fait qu’il est impossible à mon client de n’être point nauséabond, puisque c’est un
cochon... rien qu’un cochon. »
Reconnaissant à ce truisme une certaine pertinence, le Vicomte ordonne que, pour
couvrir l’empestation, l’accusé soit arrosé.
Puis il termine son exposé des faits, et donne la parole à LE DIACRE, sur les
déclarations faites par Claudon.
Il est alors longuement question du déroulement de la Question et ainsi, des aveux du
cochon.
Puis la Cour d’entendre les parents du petit Jean, venus dignement témoigner de la
douleur qui leur était infligée, et dire à quel point ils étaient terrassés par la mort
affreuse de leur petit enfant.
Enfin, s’adressant à ses deux sages acquiesçant, le Vicomte rappelle qu’au delà de
l’impérieuse nécessité de venger Jean, l’éventualité que ce crime ait été commis le
vendredi, doit impérativement être sanctionnée d’une peine d’autant plus sévère
qu’exemplaire.
« Pour qu’ils comprennent !
Bon, nous en avons terminé. L’accusé souhaite t-il dire quelque chose ? »
9
« Non, merci », répond le défenseur après avoir sondé le cochon.
LE DIACRE a maintenant la parole pour ses réquisitions.
Naturellement, il demande que l’on condamne Claudon à la hauteur de la gravité de
ses actes et de ses évidentes intentions.
Il rappelle dans quelles atroces conditions, le pauvre petit a été mutilé, dépecé,
arraché à la vie, à une existence qui lui aurait tant souri.
Il exhorte la Cour à songer à ses parents, rongés par le chagrin, privés pour l’éternité
d’un de leurs adorés chérubins, dans lequel ils avaient placé tant d’espoirs,
aujourd’hui devenus vains.
Il évoque le mal causé à toute la Cité, FALAISE, meurtrie par ce crime, FALAISE
meurtrie par l’indécence, le sacrilège, la barbarie.
« Il n’explique rien, il ne s’excuse point.
Il n’a fait montre d’aucune pitié, d’aucun respect !
Il a commis le pire, il est le pire, il mérite le pire. »
Puis, la parole est au petit défenseur qui se lève, vaillant.
« Monsieur le Vicomte, Monseigneur, Votre Honneur,
Si vous me le permettez, je souhaiterais seulement ajouter qu’il se peut parfaitement
que le crime reproché à mon client ait été commis avant et non après minuit.
Car dans la mesure où lors de la Question, Claudon a répondu de la même façon aux
interrogations successives sur ce point, ses aveux ne démontrent rien. »
Et le défenseur se rassoit.
Le Président parle, les sages opinent du chef. Et la Cour de se retirer, sous les
encouragements de la foule.
Le lendemain, elle rend son délibéré, proclamé sur la Place de la Trinité, avant d’être
signifié à Claudon, dans son cachot :
« Claudon, vous êtes déclaré coupable du crime d’avoir, dans la nuit de jeudi à
vendredi, et en tous cas depuis temps non prescrit, dévoré le petit de Jean de
MEAUX.
Et en répression, La Cour vous condamne à être mutilé comme vous l’avez mutilé,
avant que d’être pendu sur la Place publique. »
10
La foule attend impatiemment l’exécution de Claudon.
Pendant qu’on avance la potence, le condamné est retiré pour être préparé.
Il se voit alors habillé : d’une veste, d’un haut de chausses, de beaux gants blancs aux
pattes avant, de chausses aux pattes arrière, et d’un masque à figure humaine.
Puis le bourreau de FALAISE vient le chercher pour le conduire devant le Vicomte et
sa Cour.
Là, sous les acclamations de la foule, il brandit sa hache et arrache à l’animal hurlant,
un bout de groin et un bout de patte, qui tombent au sol silencieusement, dans ce
vacarme assourdissant.
Ensuite, on le traîne jusqu’à la potence.
Devant lui, monté sur son cheval orné pour la cérémonie, le Vicomte recueille ses
dernières déclarations, avant de le faire pendre à l’envers à une fourche de bois, ainsi
que l’exige la tradition.
Justice a été rendue à FALAISE, et la ville entière acclame son prince.
Porté par cette liesse, le Vicomte parade à cheval.
Mais son regard satisfait se pose alors sur le visage blêmi et baigné de larmes de
Marie.
Pensant y lire de la déception, le Vicomte ordonne sur-le-champ que l’on détache
Claudon de la potence et qu’on le fasse traîner par une jument à travers toute la ville,
jusqu’à la métairie de Jean.
Après ce nouveau supplice, le corps du cochon nommé Claudon, vidé d’une partie de
son sang, mais probablement toujours vivant, sera finalement brûlé, sur la Place de la
Trinité.
Telle est la décision de Justice rendue et exécutée par la Vicomté de FALAISE le 9
janvier 1386, telle qu’actée par le Tabellion GUIOT DE MONTFORT, et dont il ne
nous reste aujourd’hui qu’une quittance, destinée à rémunérer le bourreau :
« 10 sous et 10 deniers tournois pour sa peine, ce dont il se dit bien content ;
Et 10 sous pour des gants neufs ».
Pourtant, afin de garder la mémoire du grand événement, le Vicomte avait fait
peindre, dans l’Eglise de la Trinité, une immense et magnifique fresque, que l’on mit
des années à achever.
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L’enfant dévoré et l’un de ses frères y sont représentés sur le mur occidental de la
croisée méridionale de l’Eglise, proche de l’escalier qui mène au clocher, couchés côte
à côte dans un berceau.
Puis, vers le milieu de ce mur, sont peints la potence et Claudon, habillé sous la forme
humaine, que le bourreau pend, en présence du Vicomte à Cheval, un plumet à son
chapeau, le poing sur le côté, regardant triomphant cette exécution.
Souvenir de la belle, la grande, l’immaculée Justice de France, qui, pour panser ses
plaies, ne connaît que vengeance et exemplarité.
Depuis, on s’est efforcé de l’effacer, de masquer la grande fresque de l’Eglise de la
Trinité. Et en 1820, on l’a recouverte d’une épaisse couche de chaux, la camouflant
sous un grand monochrome blanc.
Mais progressivement, doucement, la chaux, avec le temps, disparaît.
Alors ne vous y trompez pas, elle est là, juste de l’autre côté.
Car aujourd’hui comme hier,
Pour exorciser le malaise du peuple, lui redonner un peu confiance dans le rythme
des jours, pour chasser de lui l’impression que quelque chose s’est brisé au-dessus de
sa tête, et qu’il est à la merci d’autres fléaux, et d’autres catastrophes, il ne faut
jamais le frustrer d’un coupable, d’un procès ou d’une exécution publique, à laquelle
assisterait le seigneur à cheval, coiffé de son chapeau à panache.
Et ainsi, tout va bien.
Tout va bien.
***
Merci aux Deuxièmes Secrétaires de la Conférence, à mon fils ;
Merci aux Secrétaires de la Conférence 2009, à Kyum, à Dan ;
Merci à mon père, à Karine, à Mathieu.
12
BIBLIOGRAPHIE :
« Curiosités judiciaires et historiques au Moyen Age, les procès contre les animaux»,
E. AGNEL, 1858, Paris.
« Des Jugements rendus au Moyen Age contre les animaux », L. MENABREA, 1846,
Chambery.
« Les animaux célèbres », M. PASTOUREAU, 2001, Arléa.
« Les animaux dans les procès du Moyen Age à nos jours », B. DABOVAL, 2003,
Thèse Ecole Vétérinaire Maison Alfort.
« Les bêtes criminelles au Moyen Age », A. MANGIN, 1865, Delagrave, Paris.
« Les procès d’animaux », M. ROUSSEAU, 1964, Wesmael Charlier.
« Les procès d’animaux du Moyen Age à nos jours », J. VARTIER, 1970, Hachette
Note ; La validité au plan théologique et la licéité au plan canonique des procès faits aux animaux ne fut jamais abordé, nous travaillons depuis bien des années à regrouper toute la documentation sur ces affaires afin d’apporter cet éclairage particulier et toujours omis
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