mercredi 15 février 2012

La « thèse Ocariz » contredite aussi par la « thèse Ratzinger »

Cardinal Ratzinger : « [l’Instruction Donum Veritatis] affirme - peut-être pour la première fois de façon aussi claire - qu’il existe des décisions du magistère qui ne peuvent constituer le dernier mot sur une matière en tant que telle, mais un encouragement substantiel par rapport au problème, et surtout une expression de prudence pastorale, une sorte de disposition provisoire. Leur substance reste valide, mais les détails sur lesquels les circonstances des temps ont exercé une influence peuvent avoir besoin de rectifications ultérieures. A cet égard, on peut penser aussi bien aux déclarations des papes du siècle dernier sur la liberté religieuse qu’aux décisions antimodernistes du début de ce siècle » (L’Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, 10 juillet 1990, p. 9)[1][1].

Monseigneur Ocáriz :  « Le Concile Vatican II n’a défini aucun dogme, au sens où il n’a proposé aucune doctrine au moyen d’un acte définitif. Toutefois, le fait qu’un acte du Magistère de l’Église ne soit pas garanti par le charisme de l’infaillibilité ne signifie pas qu’il puisse être considéré comme « faillible », au sens où il transmettrait une « doctrine provisoire » ou encore des « opinions autorisées ». Toute expression du Magistère authentique doit être accueillie pour ce qu’elle est véritablement : un enseignement donné par des pasteurs qui, dans la succession apostolique, parlent avec un « charisme de vérité » (Dei Verbum, n.8), « pourvus de l’autorité du Christ » (Lumen Gentium, n. 25), « sous la lumière du Saint-Esprit » (ibidem). (Osservatore Romano, 2 décembre 2011, p. 6)

  Le Cardinal Ratzinger affirme clairement qu’il existe un Magistère qui est provisoire et il donne un exemple. Ce Magistère, selon le Cardinal, n’est pas le dernier mot sur une matière, c’est-à-dire, il ne s’agit pas évidemment d’un Magistère infaillible, mais d’un Magistère purement authentique, qui pourrait être faillible sur certains aspects et sujet à des rectifications. Ce Magistère pourrait être l’expression de prudence pastorale, une contribution par rapport au problème. Or la prudence est provisoire. Les décisions prudentielles peuvent et parfois doivent changer selon les circonstances. Il incline vers une position sans pour autant interdire ou condamner une autre position. Il s’agit donc d’un Magistère exercé à un moment donné et pour les circonstances de ce moment, pouvant donc changer si les circonstances changent. Le Cardinal n’affirme pas que tout Magistère non-infaillible est explicitement provisoire, mais qu’il existe aussi un Magistère de ce type. Classiquement on appelle cette sorte de Magistère provisoire le Magistère qui affirme qu’une telle doctrine est tuta vel non tuta. Ce Magistère ne veut pas trancher la question, mais il indique qu’une telle doctrine, dans le contexte contemporain à cet acte du Magistère, peut être enseignée sans danger pour la foi et la morale ou que, au contraire, elle ne peut pas être enseignée sans mettre en danger la foi et la morale. Ainsi, par exemple, une thèse philosophique peut être condamnée comme non tuta, non pas parce que le Magistère la considère fausse d'une manière absolue, mais parce que dans les circonstances données (considérant en particulier l'état dans lequel se trouvent la théologie, la philosophie ou la science en ce moment donné) on n'arrive pas à la concilier aisément avec le Dépôt Révélé et c'est donc imprudent de la tenir. Avec le temps le Magistère peut condamner définitivement cette théorie ou affirmer sa compatibilité avec la Révélation. Dans ce cadre on pourrait citer le cas de la condamnation de Galilée, auquel il avait été demandé de ne pas enseigner de façon péremptoire ce qui à l’époque n’était qu’une thèse non prouvée. En principe donc un Magistère purement authentique et provisoire peut exister, comme l’affirme le Cardinal Ratzinger. Que ce soit le cas du Magistère contre la liberté de conscience au XIXème siècle et du Magistère contre le modernisme au début XXème, cela reste au moins très douteux[2].

  Une analyse de l’affirmation de Mgr Ocáriz n’est pas facile, puisque son texte manque de clarté. Veut-il tout simplement dire que le Magistère de Vatican II n’appartient pas à cette espèce de Magistère faillible provisoire ? Magistère qui existerait donc par ailleurs, mais pas au dernier Concile ? Peut-on interpréter ainsi son affirmation ambiguë : « le fait qu’un acte du Magistère de l’Église ne soit pas garanti par le charisme de l’infaillibilité ne signifie pas qu’il puisse être considéré comme “faillible ”. au sens où il transmettrait une “doctrine provisoire”. ou encore des “opinions autorisées ”» ? De cette façon affirme-t-il qu’un acte du Magistère (purement) authentique ne transmet pas nécessairement une doctrine provisoire, bien qu’il puisse le faire ? Ou dans le sens contraire veut-il dire que aucun acte du Magistère (purement) authentique ne peut être provisoire ? Sa dernière phrase semble indiquer plutôt cela, puisque, pour expliquer l’affirmation que Vatican II n’est pas provisoire, il finit par englober tout Magistère authentique :  « Toute expression du Magistère authentique doit être accueillie pour ce qu’elle est véritablement : un enseignement donné par des pasteurs qui, dans la succession apostolique, parlent avec un  “charisme de vérité ” (Dei Verbum, n.8), “pourvus de l’autorité du Christ ” (Lumen Gentium, n. 25), “ sous la lumière du Saint-Esprit ” (ibidem) ». Mgr Ocáriz semble donc plutôt exclure la possibilité de tout Magistère provisoire, contrariant le Cardinal Ratzinger, la pratique de l’Église et la doctrine commune des théologiens.

  Il faut d’ailleurs affirmer qu’un Magistère non-infaillible demeure toujours avec un certain caractère provisoire, autrement on aurait un Magistère toujours définitif, inchangeable, irréformable, enfin infaillible. La distinction entre faillible et infaillible donnée par l’Église elle-même n’aurait plus aucun sens. Ce caractère provisoire peut être exprimé soit directement (ou explicitement) par le Magistère lorsqu’il affirme qu’une doctrine est tuta vel non tuta ou indirectement (ou implicitement) lorsque le Magistère affirme une doctrine (enseignant sa vérité) ou la condamne (enseignant sa fausseté), sans pour autant trancher définitivement la question. Il faut ajouter que ce caractère provisoire peut avoir plusieurs degrés. Et ce Magistère purement authentique même s'il n'est pas directement ou explicitement provisoire n’est pas de iure infaillible et il reste réformable. C’est un enseignement pouvant donc contenir des erreurs, même si cela reste assez rare, et il ne peut point par conséquent exiger un assentiment absolu par le seul fait qu’il s’agit d’un acte magistériel de l’autorité ecclésiastique.

   

Abbé Daniel Pinheiro

   



[1] Dans le texte original italien le mot traduit par « encouragement » est « ancoraggio », ce qui signifie plutôt « ancrage » cfr. Osservatore Romano 27 giugno 1990 p. 6. Nous remarquons cette discordance entre les textes en circulation. Cependant le sens du texte n’est pas altéré. 

[2]Ce magistère n'est pas du Magistère Extraordinaire Infaillible, mais il est très probablement du Magistère Ordinaire Pontifical Infaillible, fondé sur la Révélation elle-même. Cette position a, en outre, des solides raisons doctrinales et théologiques à son appui. Au sujet de la liberté religieuse on revoie à l’étude de Mgr de Castro Mayer.

Source : isputationes.over-blog.com/article-la-these-ocariz-contredite-aussi-par-la-these-ratzinger-98967390.html






THEOLOGIE ET QUESTIONS DISPUTEES: JOURNEES DU LIVRE ORTHODOXE

THEOLOGIE ET QUESTIONS DISPUTEES: JOURNEES DU LIVRE ORTHODOXE: 1. Un regret : Ne sont pas signalés les éditeurs présents. L'information la plus complète : http://www.orthodoxie.com/2012/01/...

mercredi 8 février 2012

POUR REVENIR A LA LEVEE DU SECRET DE LA CONFESION

Le procureur du Vatican, Mgr Charles Scicluna, a averti les évêques réunis pour un symposium mercredi à Rome.

Il leur a rappelé que se rendre coupable de "négligence" face à un cas de pédophilie est "un crime" selon le droit canon.

"Nous ne pouvons refuser à une victime que son cas soit examiné avec justice, en nous abritant derrière des complexités techniques de la loi", a-t-il prôné. "Les négligences et les intentions mauvaises dans l'exercice de son devoir constituent un crime en vertu du droit canon", a-t-il poursuivi.

Il a insisté sur le rôle central que doivent jouer les évêques dans la lutte contre la pédophilie. "La responsabilité ecclésiale doit être développée encore davantage. Comment sanctionne-t-on un évêque? C'est quelque chose que le droit canonique réserve au pape personnellement", a reconnu l'évêque maltais lors d'une conférence de presse.

"Une fois que l'on impose des règles, vous devez les respecter", a-t-il signalé à l'intention des évêques. Il a admis que la "culture du silence" se perpétue encore dans l'Eglise.

Certains diocèses, notamment aux Etats-Unis et en Allemagne, sont allés très loin dans les règlementations qui favorisent la coopération avec la justice civile. Mais, dans beaucoup de pays, ces normes ne sont pas en place.

4'000 cas

Un problème à résoudre concerne l'obligation des dénonciations par l'évêque, tout puissant dans son diocèse, à la police et au parquet. Les associations d'anciennes victimes réclament que le Vatican donne des indications précises qui soient tout le temps valides.

Quelque 4'000 cas ont été annoncés à ses services ces dix dernières années, a indiqué le "promoteur de justice" du Vatican. Mgr Scicluna centralise les études des dossiers d'abus sexuels commis par des prêtres mais aussi par des laïcs au sein de l'Eglise.

Sur ces 4'000 cas, un millier ont été communiqués en 2010 et 2011, mais ce sont pour la plupart des cas anciens remontant à des dizaines d'années. Ils proviennent pour la plupart d'Europe, a-t-il dit, dans la mesure où le scandale a été révélé plus tard en Europe qu'aux Etats-Unis. "Plus les cas sont anciens, plus il est urgent de les traiter, par justice pour les victimes", a-t-il dit.

Source: ATS/AFP
 
Source : http://www.lacote.ch/fr/monde/negliger-un-cas-de-pedophilie-est-un-crime-481-384025


http://www.lepoint.fr/societe/pedophilie-vatican-negliger-un-cas-releve-du-crime-08-02-2012-1428790_23.php




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Comme signalé depuis longtemps, non, le secret de la confession peut n'être pas absolu, conformément à la théologie non seulement morale mais aussi sacramentelle, sans oublier les dispositions du Droit canonique.


Ainsi, progressivement, le Vatican en vient-il à revoir sa position qui ne peut que conduire  - comme cela sera expliqué dans une étude à paraître - à la levée du secret dès lors que l'Eglise n'attendra pas que la Justice des hommes intervienne.


Les conditions de la confession portent sur deux points : la contrition, le ferme propos.

                        - la contrition peut être parfaite, en ce qu'elle engage le pénitent dans son repentir à l’Amour qui nous fait aimer Dieu, l'exemple qui  me toucha infiniment est la transformation  par exemple de Jacques FESCH, guillotiné le 1er octobre 1957 et dont ses Lettres  (7) maintes fois rééditées, sont à l'origine de biens des conversions.

-         la contrition peut être imparfaite, en ce que le repentir s'il n'est pas produit par l'Amour de Dieu, trouve son motif dans l'horreur du péché, ce que je nommerai conscience engageant l'être à ne plus réitérer ce qui fut.

 La Théologie Morale considère que pour que le Sacrement de pénitence soit reçu de façon valide, il importe que la contrition soit, selon l'analyse que nous empruntons au professeur JONE HERIBERT, en son excellent Précis de Théologie Morale Catholique ( :

-         véritable ou intérieure ( douleur ).

-         formelle ou expresse, ainsi que manifestée extérieurement.

-         surnaturelle ( secours de la grâce ).

-         générale ( confession ou conscience de l'ensemble des péchés ).

-         souveraine ( fait de détester le péché comme le plus grand mal ).

-         sacramentelle ( en rapport avec le sacrement de Pénitence ).

                        -         le ferme propos suppose la fermeté en ce que le pénitent doit avoir  la volonté sérieuse de s'améliorer, en distinguant l'être qui n'a pas fait d'effort et dont le propos n'était pas ferme, de l'être qui redoute de succomber et qui peut avoir le ferme propos.

-         le ferme propos suppose l'efficacité en ce que le pénitent doit être résolu à employer les moyens nécessaires pour éviter le péché, pour fuir l'occasion prochaine et pour réparer selon son pouvoir le dommage commis.

                         le ferme propos suppose l'universalité en ce que le pénitent doit déclarer au  moins tous les péchés mortels commis, lorsque pour les péchés véniels le  ferme propos n'a pas besoin d'être général


Dès lors que ces conditions ne sont pas réunies, le sacrement n'est pas reçu, et le secret disparaît.


De même, le professeur HERIBERT JONE précise  :"Il n'y a pas de confession sacramentelle lorsque que quelqu'un sciemment confesse ses péchés à un prêtre que n'a pas de juridiction ou bien à un prêtre muni de juridiction mais uniquement pour se moquer de lui ou pour aller chercher près de lui conseil et consolation. "


Or, nombreux furent les ecclésiastiques qui se contentèrent de seulement - et au mieux - d'aller chercher conseil près de leur évêque.

 Avant d'aller plus outre, où est le secret de la confession dans ce cas ?


JPB




mercredi 1 février 2012

NON, LE SECRET DE LA CONFESION N'EST PAS ABSOLU !

I

Le Secret de la confession s'inscrit dans une dynamique sacramentelle, qui pour être appliqué et opposable, suppose que les conditions du sacrement soient réunies. Ces dernières sont fixées ou rappelées par les règles de la Théologie Morale qui exposent selon " les registres" des conditions , le ferme propos de ne pas recommencer, le fait que la confession ne peut être seulement une révélation pour un conseil demandé à un supérieur, etc.



II

Si l'ensemble des conditions édictées par les règles des théologies  qui s'entrecroisent sans s'opposer ou se disqualifier, sont respectées dans le cadre de la théologie sacramentelle, alors le Sacrement de la confession s'opère.



III

La réalité du sacrement de la confession n'aboutit pas obligatoirement au secret, comme le souligne le Droit canonique.



 Sur ces divers points je reviendrai, préparant d'ailleurs une sorte de  Mémoire, pour servir à mieux comprendre ce sujet, où bien des théologiens et canonistes pourront se sentir empêchés  pour rappeler des bases qu'il écher qu'elles ne soient point ignorées.



JPB

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Carlo Sommaruga veut en finir avec le secret

Abus sexuels
Le conseiller national Carlo Sommaruga veut lever le secret ecclésiastique dans les affaires qui concernent des mineurs.

Par Eric Felley. Mis à jour le 30.01.2012

Dans le droit canonique, le secret de la confession est absolu. Le conseiller national Carlo Sommaruga (PS/GE) n’y changera rien. Par contre, en ce qui concerne le Code pénal, le secret ecclésiastique est assimilé au secret professionnel. Pour lutter contre le problème de la pédophilie dans l’Eglise, le Genevois estime que ce secret ecclésiastique doit être amputé lorsqu’il concerne des abus sexuels commis contre des mineurs. Ce jeudi, la Commission des affaires juridiques (CAJ) du Conseil national débattra pour la première fois d’une initiative parlementaire qu’il a déposée dans ce sens il y a déjà trois ans.

Mea culpa des évêques Depuis pourtant, du chemin a été parcouru. La Conférence des évêques suisses (CES) a fait son mea culpa en mars 2010. Pour sa porte-parole, Laure-Christine Grandjean, «elle a mis sur pied des lignes directrices claires. La victime doit dans tous les cas être informée qu’elle a la possibilité de porter plainte selon le droit public. On demande à l’auteur, si les circonstances l’exigent, de se dénoncer lui-même et les titulaires d’une fonction ecclésiastique portent plainte devant les organes de poursuite pénale de l’Etat lors de soupçons fondés, sauf si la victime s’y oppose.»Le message a été entendu. Lors de sa dernière statistique publiée en 2011, la commission spécifique de la CES, intitulée «Abus sexuels dans le cadre de la pastorale», avait recensé en Suisse 146 cas d’abus commis par 125 personnes couvrant la période de 1950 à nos jours.

Dans ces conditions, s’attaquer au secret ecclésiastique est-il encore d’actualité? «Oui, estime Carlo Sommaruga. Contrairement à ce qui s’est passé en Irlande, en Allemagne ou aujourd’hui en Australie, nous n’avons pas encore clairement tiré les leçons de la gravité de la situation sur le plan de la culpabilité morale et juridique, notamment pour des propositions de réparation. En modifiant la loi, on doit faire comprendre aux agresseurs potentiels que l’autorité ne permet plus de cacher ces faits par des artifices juridiques.» (Le Matin)

Source :  LE MATIN


http://www.lematin.ch/suisse/standard/Carlo-Sommaruga-veut-en-finir-avec-le-secret/story/16754571/print.html