• L'entrée en conlave
L'entrée en conclave débute par une messe,
la dernière publique des cardinaux avant de s'enfermer dans la chapelle
Sixtine, sans pouvoir en sortir avant que le pape soit élu. D'où le mot
conclave, en latin «Cum clave», fermé à clé.
Cette messe votive «Pro eligendo Papa»
(«Pour l'élection du Pape») est célébrée en la basilique Saint-Pierre. Très
solennel, le cortège des prélats chante:
«Veni,
Creator Spiritus, mentes tuorum visita...» («Viens, Esprit
Créateur, visite l'âme de tes fidèles...»). «Emplis de la grâce d'En Haut les cœurs que tu as créés», poursuit
l'invocation à l'Esprit saint. Ils ont revêtu le rochet et la
mozette des grandes fêtes - surplis blanc et camail pourpre sur la soutane,
l'habit de choeur cardinalice - et sont coiffés de la barrette. À l'issue de la
célébration, en procession, ils rejoignent un autre sanctuaire, la chapelle
Sixtine, où tous auront «le droit
et le devoir d'élire le Successeur de Pierre, Chef visible de toute l'Église et
Serviteur des serviteurs de Dieu, lorsque le siège de Rome devient vacant»
(Constitution apostolique Universi
Dominici Gregis, UDG).
• Les portes scellées
Dans ce joyau peint par les Michel-Ange,
Botticelli, le Pérugin, Ghirlandaio et autres Signorelli, les prélats sont
assis selon l'ordre du collège auquel ils appartiennent et leur ancienneté dans
le cardinalat. Ils sont sous l'extraordinaire voûte qui figure la Création tout
en faisant face au célèbre Jugement dernier peint par
Michel-Ange sur le mur du maître-autel. «Ici,
ils se voient entre le Commencement et la Fin, entre le Jour de la Création et
le Jour du Jugement... Il est clair que, durant le conclave, Michel-Ange rend
les hommes conscients», avait décrit Jean-Paul II dans son
Triptyque romain. Le préfet de la Maison pontificale referme les lourdes portes
sur eux, le cadenas plombe le secret de ces jours où l'on fait les papes. Mille
ans qu'il en va ainsi.
• Les retardataires admis
La plus grande rigueur est requise, tout
comme la ponctualité. Mais si un électeur arrive en retard pour l'ouverture,
avant que l'élection soit faite, il est toutefois admis au processus de vote au
point où il se trouve. De même, si un électeur doit sortir du Vatican pour
cause de maladie ou autre motif grave reconnu comme tel, on votera sans lui,
mais il sera réadmis «après sa guérison ou même avant» dans l'enceinte du
conclave.
• Le serment des cardinaux
Les cardinaux électeurs commencent par
prêter serment. Le doyen du Sacré Collège lit la formule à haute voix: «Nous
tous et chacun de nous, cardinaux électeurs présents à cette élection du
Souverain Pontife, promettons, faisons le vœu et jurons d'observer fidèlement
et scrupuleusement toutes les prescriptions contenues dans la constitution apostolique
du Souverain Pontife Jean-Paul II, Universi Dominici Gregis, datée du 22
février 1996. De même, nous promettons, nous faisons le vœu et nous jurons que
quiconque d'entre nous sera, par disposition divine, élu Pontife romain,
s'engagera à exercer fidèlement le munus petrinum [la charge de Pierre] de
Pasteur de l'Église universelle et ne cessera d'affirmer et de défendre avec
courage les droits spirituels et temporels, ainsi que la liberté du Saint-Siège
:
«Nous promettons et nous jurons surtout de
garder avec la plus grande fidélité et avec tous, clercs et laïcs, le secret
sur tout ce qui concerne d'une manière quelconque l'élection du Pontife romain
et sur ce qui se fait dans le lieu de l'élection et qui concerne directement ou
indirectement les scrutins; de ne violer en aucune façon ce secret aussi bien
pendant qu'après l'élection du nouveau Pontife, à moins qu'une autorisation
explicite en ait été accordée par le Pape lui-même; de n'aider ou de ne
favoriser aucune ingérence, opposition ni aucune autre forme d'intervention par
lesquelles des autorités séculières, de quelque ordre et de quelque degré que
ce soit, ou n'importe quel groupe, ou des individus voudraient s'immiscer dans
l'élection du Pontife romain.»
Après quoi chacun, nommément, selon l'ordre
de préséance, s'y engage.
«Et moi, N. Cardinal N., je le
promets, j'en fais le vœu et je le jure.» Il ajoute, en posant la main sur
l'Évangile: «Que Dieu m'y aide, ainsi que ces saints Évangiles que je touche de
ma main». C'est après le serment du dernier que retentit le célèbre «Extra
omnes!» («Tous dehors!»).
Toutes les personnes étrangères au
conclave quittent la chapelle Sixtine. Des gardes suisses sont postés à toutes
ses issues.
• Un scrutin secret
Des prières prévues par l'Ordo rituum
conclavis, un ouvrage enfermant tout le rituel propre au conclave, sont
dites. Le collège inspiré les conclue par le chant à la Vierge: Sub
tuum praesidium. Le doyen demande alors aux cardinaux électeurs si l'on
peut désormais procéder à l'élection ou s'il faut éclaircir des doutes sur les
modalités. À la majorité des électeurs, si rien ne s'y oppose et si le temps
nécessaire reste disponible, ils passent immédiatement au premier vote. Le
scrutin secret est le mode de vote.
• Distribution des bulletins
Les cérémoniaires remettent à chaque
électeur deux ou trois bulletins de vote. Rectangulaires, ils portent ces mots
sur la moitié supérieure:
«Eligo in Summum Pontificem» («Je
choisis pour Souverain Pontife...»).
La moitié inférieure comporte un espace
libre pour y écrire le nom de l'élu.
Un tirage au sort parmi tous les électeurs
est effectué pour retenir trois scrutateurs, trois infirmarii pour recueillir les votes des malades, et
trois réviseurs. Puis chaque électeur inscrit clairement «d'une écriture autant
que possible non reconnaissable» (UDG 65), le nom de celui qu'il choisit. Il se
lève, selon l'ordre de préséance, tient son bulletin plié et levé, pour être vu
de tous. Sous l'œil attentif de deux scrutateurs, il le dépose sur l'autel dans
un calice faisant office d'urne, couvert d'une patène, en prononçant à haute
voix un nouveau serment: «Je prends à témoin le Christ Seigneur, qui me jugera,
que je donne ma voix à celui qui, selon Dieu, je juge devoir être élu».
Si un électeur ne peut se déplacer jusqu'à
l'autel pour des raisons de santé, il prête serment depuis sa place puis remet
son bulletin plié au troisième scrutateur, qui le porte dans l'urne. Si des
électeurs malades sont restés dans leurs chambres, les trois infirmarii se
rendent auprès d'eux avec les bulletins vierges nécessaires et une boîte, munie
d'une fente et fermée à clé par les scrutateurs après avoir fait constater par
les autres électeurs qu'elle était vide. Si un malade ne peut pas écrire, un
des infirmarii (ou un autre électeur désigné par le malade), après avoir prêté
serment de garder le secret, fait le nécessaire à sa place. De retour à la
chapelle Sixtine, ces bulletins seront comptés et glissés à leur tour dans
l'urne.
• Durant les tours de scrutin, chacun
s'occupe
Avec 115 votants et un tel cérémonial,
chaque tour de scrutin dure longtemps. Aussi, nombre de cardinaux s'occupent en
priant le bréviaire ou en lisant. C'est ainsi qu'en 1978, un archevêque de
Cracovie s'était fait reprocher par un voisin de lire des revues de philosophie
marxiste durant les votes. «J'ai ma conscience pour moi», avait répondu
sereinement le cardinal Wojtyla... futur Jean-Paul II.
• Coupés du monde extérieur
Pour maintenir le strict secret, les
cardinaux n'ont droit à aucune correspondance épistolaire, téléphonique ou
technologique avec l'extérieur, sauf en raison d'une nécessité urgente et
prouvée, jusqu'à l'annonce publique de l'élection.
Il leur est également interdit «de recevoir la presse quotidienne ou périodique,
de quelque nature que ce soit, et d'écouter des émissions radiophoniques ou de
regarder la télévision»
(UDG 57), ainsi que «d'introduire,
sous aucun prétexte, dans les lieux où se déroulent les actes de l'élection ou,
s'ils s'y trouvent déjà, que soient utilisés tout genre d'appareils techniques
qui servent à enregistrer, à reproduire ou à transmettre les voix, les images
ou les écrits» (UDG 61).
C'est à la Congrégation particulière (un
groupe de quatre cardinaux sous la responsabilité du camerlingue) qu'il
appartient de veiller à ces dispositions. Deux «techniciens de confiance»
l'épaulent dans la tâche pour s'assurer «qu'aucun moyen d'enregistrement ou de
transmission audiovisuelle ne soit introduit par quiconque dans aucun des
locaux indiqués, particulièrement dans la chapelle Sixtine» (UDG 55).
Par ailleurs, un cardinal qui
rencontrerait fortuitement toute personne travaillant au Vatican pendant
l'élection se voit «absolument
interdit d'entretenir une conversation, sous quelque forme que ce soit, avec
quelque moyen que ce soit et pour quelque motif que ce soit»
(UDG 45).
Toute infraction à ces obligations est
passible d'une excommunication latae
sententiae, immédiate (UDG 58).
Contrairement aux siècles passés où les
cardinaux étaient logés dans des boxes indignes accolés à la hâte à la Sixtine,
les conditions de cette vie recluse se sont améliorées. La maison
Sainte-Marthe, édifiée pour eux par Jean-Paul II, les accueille désormais dans
un confort simple mais décent où ils partagent leurs repas. Médecins,
infirmiers, prêtres polyglottes pour la confession, gens de ménage et de
cuisine… À l'intérieur, le personnel employé a été approuvé par le camerlingue,
devant lequel ils se sont tous engagés au secret par serment.
• Le dépouillement
Quand tout le collège de cardinaux
électeurs a voté, l'urne est agitée par le premier scrutateur pour mélanger les
bulletins. Aussitôt après, le dernier scrutateur en fait le compte, prenant
ostensiblement, un à un, chaque bulletin dans le calice avant de le déposer
dans un vase vide. On peut procéder au dépouillement, sauf si le nombre de
bulletins diffère de celui des électeurs. Alors on les brûle tous et on
effectue aussitôt un deuxième vote. Le dépouillement est lui aussi réglé au
millimètre.
Les scrutateurs sont assis à une table
devant l'autel. Le premier prend un bulletin, le déplie et regarde le nom de
l'élu. Puis il le donne au deuxième scrutateur qui, lisant à son tour le nom
inscrit, passe le bulletin au troisième: celui- là le lit à haute et
intelligible voix, pour que tous les électeurs puissent noter le suffrage sur
la feuille qu'on leur a remise à cet effet. Une fois le dépouillement achevé,
les scrutateurs font la somme des voix obtenues par les divers noms et les
notent sur une feuille séparée. Le dernier des scrutateurs, au fur et à mesure
qu'il lit les bulletins, les perfore avec une aiguille munie d'un fil à
l'endroit où se trouve le mot «Eligo», et enfile ainsi les bulletins. À la fin
de la lecture des noms, les extrémités du fil sont nouées, et tous les
bulletins, ainsi réunis, sont placés dans un vase ou sur le coin de la table.
• Une fumée blanche faite de paille humide
Les règles en vigueur établissent que «pour la validité de l'élection du Pontife romain,
sont requis les deux tiers des suffrages de la totalité des électeurs présents»
(UDG 62). Si le nombre des votants n'est pas divisible par trois, on recourt à
un suffrage supplémentaire.
Après maintes vérifications scrupuleuses
des suffrages, la fumée tant attendue par les fidèles peut enfin s'échapper du
toit de la Sixtine. Un poêle est installé au fond de la chapelle. Tous les
bulletins de vote doivent être brûlés par les scrutateurs, avec l'aide du secrétaire
du Sacré Collège et des cérémoniaires, avant que les cardinaux ne sortent de la
chapelle. De même que toutes les notes personnelles prises par les cardinaux
concernant le résultat de chaque scrutin. Selon que le vote a abouti à
l'élection ou non, la fumée est blanche ou noire. Pour obtenir la première, on
procède par adjonction de fumigènes. Pour la seconde aussi ou bien grâce à de
la paille humide.
• Une élection qui peut être très longue
Une majorité qualifiée des deux tiers
n'est pas toujours facile à obtenir, il peut arriver que l'élection prenne du
temps. Si, au bout de trois jours, les électeurs ont du mal à s'accorder sur la
personne à élire, les scrutins sont suspendus (pendant un jour au maximum). La
prière, une libre discussion, mais aussi une brève exhortation spirituelle par
le protodiacre sont engagées.
Si, après encore sept scrutins, l'élection
n'est toujours pas intervenue, on fait une autre interruption, l'exhortation
étant alors confiée au protopresbytre, premier dans l'ordre des cardinaux-prêtres.
Si une troisième série de sept scrutins reste elle aussi sans résultat, de
nouveau on suspend, on prie, on discute, et c'est le doyen en personne qui
exhorte le collège dont il est le premier dans l'ordre dit «des évêques».
En cas de nouvel «échec», les cardinaux
sont invités par le camerlingue à s'exprimer sur la manière de procéder, et
l'on fera ce que la majorité aura décidé pour parvenir à une élection valide:
soit à la majorité absolue des suffrages (et non plus des deux tiers), soit par
un scrutin sur les deux seuls noms qui ont obtenu le plus grand nombre de voix
au scrutin précédent, la seule majorité absolue étant là aussi requise. Dans ce
cas, l'élection est mathématiquement assurée. Le camerlingue devra rédiger un
compte rendu, approuvé par ses trois cardinaux assistants, où est indiqué le
résultat des votes intervenus au cours de chaque session. Un document qui sera
remis au nouveau pape puis conservé aux archives, dans une enveloppe scellée.
• Un simple prêtre pourrait être élu
Pour être élu, contrairement aux usages,
il suffit d'être prêtre. Nul besoin d'être cardinal ni même d'avoir reçu
l'ordre épiscopal, pour accéder à la charge pontificale. C'est en tout cas ce
que dit le droit canonique. Encore faudrait-il parvenir à la Sixtine où la
tradition ne fait entrer que des cardinaux… Mais selon les textes, si l'élu n'est pas évêque au moment du conclave,
il est ordonné sur-le-champ par le doyen du Sacré Collège
(canon 331). Au substitut de la Secrétairerie d'État, alors, de faire en sorte
que l'élu rejoigne Rome, s'il n'y était pas, et le Palais apostolique.
• Un élu pourrait refuser d'être pape
En tout état de cause, quand l'élection
est faite, le doyen interroge l'élu au nom de tout le collège des électeurs:
«Acceptes-tu
ton élection canonique comme Souverain Pontife?». Quoique peu probable, un
refus est possible. Aussitôt le consentement reçu, on demande à l'élu: «De quel
nom veux-tu être appelé? - Je m'appellerai N...». Le maître des célébrations
liturgiques, faisant fonction de notaire aux côtés de deux cérémoniaires
témoins, rédige le procès-verbal de l'acceptation du nouveau Pontife et du nom
qu'il a choisi (lien hypertexte avec mon papier sur le choix des noms de pape).
L'élu devient immédiatement «évêque de l'Église de Rome, vrai Pape et chef du
collège épiscopal. Il acquiert de facto et il peut exercer le pouvoir plein et
suprême sur l'Église universelle» (UDG 88).
• La Chambre des larmes
En plus de la fumée blanche, des volées de
cloches accompagnent la nouvelle. Mais le monde extérieur n'a pas encore de
nom. Le nouvel élu prend quelques instants pour lui dans une petite pièce de 9
m² attenante à la chapelle Sixtine, appelée la «chambre des larmes».
Accompagné seulement du camerlingue et du
maître des célébrations liturgiques, il peut se recueillir et prier pour être à
la hauteur de cette lourde mission. Il revient dans la Sixtine revêtu de la
soutane blanche. Trois modèles de tailles différentes l'attendaient, réalisés
par la mythique maison Gammarelli, tailleur des papes depuis des générations.
Sa calotte blanche lui est remise par le secrétaire du Sacré Collège, à qui il
donne en retour sa calotte pourpre.
On rend grâce à Dieu, et le protodiacre
proclame l'évangile de la confession de foi de Pierre, à qui le Christ répond
en lui confiant les clés du Royaume des cieux (Mt 16, 13-19). Dos à l'autel, il
voit les cardinaux qui viennent de l'élire s'avancer pour lui rendre hommage et
faire acte d'obéissance. Le nouveau pape entonne le Te Deum.
• Habemus Papam
Enfin, le moment espéré par tant de
fidèles dans le monde survient. A la loge des Bénédictions de la basilique
Saint-Pierre, le premier des cardinaux-diacres, annonce au peuple la célèbre
formule:
«Annuntio vobis gaudium magnum!
Habemus papam: Eminentissimum ac Reverendissimum Dominum, Dominum N..., Sanctae
Romanae Ecclesiae cardinalem N..., qui sibi nomen imposuit N...» («Je vous
annonce une grande joie! Nous avons un Pape: l'éminentissime et révérendissime
Monseigneur, Monseigneur... (prénom), cardinal de la sainte Église Romaine
(nom), qui a choisi pour nom...).
Le cardinal s'efface pour laisser
apparaître le «Serviteur des serviteurs de Dieu», selon l'un des nombreux
titres du pape, aussi évêque de Rome. C'est l'heure, pour lui, de la première
bénédiction urbi et orbi. Avant de prendre son bâton de pèlerin sur les chemins
d'un monde…à évangéliser.
Source ; http://lebloglaquestion.wordpress.com/
La Question
| 12 mars 2013 à 00:36 | Tags: Benoît XVI, Catholicisme, Christianisme, Conclave, Culture, Eglise, Eglise catholique, Histoire, Religion, rome, tradition, Vatican | Catégories: Catholicisme, Christianisme, Eglise catholique, papauté, Religion, Rome, sédévacantisme, Théologie, Tradition | URL: http://wp.me/pEvxA-1I2