samedi 8 décembre 2018

Économie et acribie

Dans quelle mesure l’application stricte de la loi canonique peut-elle être modérée par les réalités pastorales concrètes ? La tradition orthodoxe de l’économie peut susciter de nouvelles approches de la question du côté catholique. Basile de Césarée C’est à propos de la question de l’accueil dans la communion ecclésiale des hérétiques qui reviennent à la foi que Basile de Césarée, au 4e siècle, va poser des principes qui vont constituer la base de la théorie orthodoxe de l’économie. Deux lettres de Basile à Amphiloque d’Iconium sont concernées : la lettre 188, qu’on appelleracanonica prima, et la lettre 199, la canonica secunda. Ces deux lettres sont entrées dans la grande collection des sources du droit orthodoxe [1] Dans sa lettre 188, au canon 1, Basile distingue trois catégories parmi les « allodoxes » : (1) les hérétiques [αἱρέσεις] à proprement parler (pour des questions de doctrine), (2) les schismatiques [σχίσματα] (en matière disciplinaire) et (3) les conventiculaires [παρασυναγωγαί] (des communautés insubordonnées). La question se pose autour du baptême de ces allodoxes : faut-il les rebaptiser s’ils reviennent à l’Église ? Basile répond que le baptême des hérétiques est absolument nul [παντελῶς ἀθετῆσαι], on reçoit celui des schismatiques et on corrige les conventiculaires par une pénitence lourde avant de les réunir à leur rang, en réintégrant à leur rang les clercs. Les Pépuziens (Montanistes) doivent être tenus pour hérétiques. Le cas des Cathares (Novatiens), Encratites, Hydroparastates et Apotactites, qui sont des schismatiques, doit être ramené à celui des hérétiques, car, dit Basile, ils n’ont plus en eux la grâce du Saint Esprit [οὐκέτι ἔσχον τὴν χάριν τοῦ ἁγίου πνεύματος ἐφ’ ἑαυτούς]. Survient alors la phrase la plus discutée de ce canon 1 : « Cependant, comme certains dans le diocèse d’Asie ont décidé de reconnaître leur baptême [des Cathares, Encratites, Hydroparastates et Apotactites] sans faire de distinction, pour le bien d’un grand nombre, qu’il soit reconnu [2]. » La coutume asiate en question, c’est un accueil dans la communion de l’Église par l’onction chrismale, sans rebaptisation. Basile applique ici le principe de l’économie [οἰκονομίας ἔνεκα τῶν πολλῶν] pour légitimer la reconnaissance du baptême de certains hérétiques par une condescendance pour la brebis perdue qui veut revenir. C’est très clair dans le second emploi du mot οἰκονομία dans ce canon 1, à propos des Encratites. « Cependant, si cela devait constituer un obstacle à l’économie générale [Ἐὰν μέντοι μέλλῃ τῇ καθόλου οἰκονομίᾳ ἐμπόδιον ἔσεσθαι τοῦτο], il faut nous plier à la coutume et suivre les Pères qui ont géré les affaires ecclésiastiques [τοῖς οἰκονομήσασι τὰ καθ’ ὑμᾶς πατράσιν ἀκολουθητέον] ; j’ai bien peur en effet, que voulant les amener à abandonner la rebaptisation [que pratiquent les Encratites], nous ne mettions obstacle au salut par la sévérité de notre conduite. […] De toute façon, on doit observer la pratique établie [τὸ τῆς προτάσεως αὐστυρόν] d’oindre du saint chrême en présence des fidèles ceux qui ayant reçu leur baptême reviennent à nous et alors seulement les admettre à la communion des mystères. » Basile maintient qu’aucun véritable sacrement ne peut être reçu en dehors de la véritable Église, et que donc le baptême de ces hérétiques ou de ces schismatiques n’est pas valide. Pourtant, par « économie », on ne réitérera pas leur baptême et on ne suivra donc pas l’application stricte du droit, c’est-à-dire l’ » acribie » [ἀκριβεία κανόνων] pour deux motifs : (1) la pratique générale (à l’économie générale), au nom de la communion de l’Église ; (2) le souci pastoral pour l’individu, puisqu’un converti sincère pourrait être découragé par la rigueur de la loi canonique. Le régime de l’économie À partir de cette réponse de saint Basile, on va donner un sens nouveau au mot économie, déjà bien connu en théologie. À la fin du IXe siècle, le patriarche Photius de Constantinople, dans une réponse à un certain Amphiloque, va ainsi expliquer : « On parle d’économie au sens propre pour l’incarnation du Verbe, admirable au delà de toute intelligence. Et en sens contraire au droit strict, l’économie se comprend comme la suppression pour un temps donné, ou une suspension ou l’introduction de relâchements en faveur de la faiblesse des justiciés, le législateur organisant alors économiquement sa prescription [3]. » Dans le monde orthodoxe, l’économie est donc une dérogation exceptionnelle et dûment motivée d’une, ou de plusieurs normes disciplinaires, mais qui n’institue pas pour autant une dérogation générale et définitive de ces normes : c’est une suspension passagère de l’acribie en une circonstance particulière [4]. Autrement dit, c’est une façon d’apporter un adoucissement de la loi au motif d’une gestion pastorale des situations concrètes des personnes, mais toujours dans le respect de la communion ecclésiale et en s’appuyant sur les canons et la pratique des Pères. En fait, le binôme économie/acribie ne fait pas l’unanimité parmi les théologiens orthodoxes : ce sont surtout les théologiens grecs qui y font appel sans tous l’interpréter de la même façon. Le rapport plus souple et plus pastoral à la loi et à une conception fortement juridique de l’Église qu’il permet s’explique historiquement par une volonté de se démarquer du juridisme catholique, souvent perçu comme exagéré par les Orientaux. Mais le théologien russe Georges Florovsky voit justement dans cette cause historique la preuve du caractère purement conjoncturel de cette théorie et de sa faiblesse. Il écrit, sévèrement : « L’explication “économique” n’est pas un enseignement de l’Église. Elle n’est qu’une “opinion théologique” personnelle, très tardive et contestable, née au cours d’une période de décadence de la théologie, d’un désir hâtif de se distinguer nettement de la théologie romaine [5]. » Réception de l’économie dans le monde catholique Dans la troisième partie d’un article de 1972 [6], Yves Congar a rassemblé des éléments possibles d’une théorie de l’économie dans la tradition occidentale : il énumère ainsi la dispense (avec la distinction d’Hincmar de Reims en 859/860 entre jugement large d’indulgence et jugement strict [7]), l’équité canonique, l’épikie (ἐπιεικεία, qu’on traduit souvent par équité), l’application du principe Ecclesia supplet ou encore la sanatio in radice. Thomas d’Aquin, dans la Somme de théologie, explique ainsi : « Comme il a été dit plus haut quand il était traité des lois, puisque les actes humains, à propos de quoi les lois sont données, consistent en des faits singuliers et contingents, qui peuvent connaître des variations infinies, il n’est pas possible d’établir aucune règle de loi qui ne soit quelquefois prise à défaut ; mais que les législateurs regardent à ce qui se produit le plus souvent, en fonction de quoi ils proposent une loi qu’en de certains cas il est pourtant contraire à une justice équitable d’observer, ainsi qu’au bien commun, qui est le propos visé par la loi. Ainsi la loi stipule qu’on restitue les dépôts, puisque c’est ce qui est juste dans la plupart des cas. Mais il arrive parfois que cela soit préjudiciable, comme lorsqu’un fou a laissé son épée en dépôt et la réclame alors qu’il connaît un accès de folie, ou si on la réclame pour combattre contre le pays. Dans ces cas-là et dans d’autres semblables il est mauvais de suivre la loi établie, et il est bon au contraire, passant outre aux termes de la loi, de suivre ce que réclame l’esprit de la justice et l’utilité commune. C’est à cela que s’ordonne l’epieikeia, qu’on nomme chez nous équité. Il apparaît clairement de là que l’epieikeia est une vertu [8]. » Mais on trouve une réception directe de la première lettre canonique de Basile par le magistère le plus solennel de l’Église catholique dans le document conciliaire Orientalium Ecclesiarum, à propos de lacommunicatio in sacris entre catholiques et orientaux : « […] La pratique pastorale montre, cependant, en ce qui concerne les frères orientaux que l’on pourrait et devrait considérer les multiples circonstances relatives à chacune des personnes, circonstances dans lesquelles ni l’unité de l’Église ne se trouve blessée, ni les périls à éviter ne se présentent, mais dans lesquelles au contraire la nécessité du salut et le bien spirituel des âmes constituent un besoin urgent. C’est pourquoi l’Église catholique, en raison des circonstances de temps, de lieux et de personnes, a souvent adopté et adopte une manière d’agir plus douce, offrant à tous les moyens de salut et présentant le témoignage de la charité entre les chrétiens, par la participation aux sacrements et aux autres célébrations et choses sacrées. En cette considération, le Saint Concile, “afin que nous ne soyons pas un obstacle par la sévérité d’une sentence envers ceux qui sont sauvés” [en note : S. Basile, Epistula canonica ad Amphilochium, PG. 32, 669 B], en vue de favoriser toujours davantage l’union avec les Églises orientales séparées de nous, a fixé la manière d’agir suivante. […] [9] » Il semble donc possible, dans certaines circonstances particulières et par souci pastoral, d’adoucir la rigueur de la loi, sans la remettre en cause. En tout cas, le magistère le plus solennel de l’Église le revendique. Le dernier canon du Code de droit canonique de 1983 s’achève avec un appel à l’équité canonique [10] à propos du transfert d’un curé : « Can. 1752. Dans les causes de transfert, les dispositions du can. 1747 seront appliquées, en observant l’équité canonique et sans perdre de vue le salut des âmes qui doit toujours être dans l’Église la loi suprême. » Cette dernière maxime, « le salut des âmes doit toujours être dans l’Église la loi suprême » ne conclut-elle pas de façon résolument « économique » les textes de lois de l’Église ? ------------- [1] Les sources de la discipline canonique antique sont éditées par Périclès-Pierre Joannou, Fonti. Fascicolo IX. Discipline générale antique (IVe–IXe s.), t. II : Les Canons des Pères grecs, Grottaferrata : Tipografia Italo-Orientale, 1963 (Pontificia Commissione per la redazione del Codice di Diritto Canonico Orientale). [2] Ἐπειδὴ δὲ ὃλως ἔδοξέ τισι τῶν κατὰ τὴν Ἀσίαν οἰκονομίας ἓνεκα τῶν πολλῶν δεχθῆναι αὐτῶν τὸ βάπτισμα, ἔστω δεκτόν. [3] Ad Amphilochiam quæstio I, 14 = PG 101, 64–65. [4] Voir par exemple la définition qu’en donne Jérôme Kotsonis, Problèmes de l’économie ecclésiastique, (Recherches et synthèses. Section de dogme, 2), Duculot, Gembloux, 1971 (1ère éd. : 1957), p. 182 : « L’Économie existe lorsque par nécessité ou pour le plus grand bien de certains ou de l’Église entière, avec compétence et à certaines conditions, une dérogation de l’Akrivie [= l’acribie] a été permise, temporairement ou de façon permanente, pour autant qu’en même temps la piété et la pureté du dogme demeurent inaltérées. » [5] « Les limites de l’Église », Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale 10/37 (1961) 28-40, 1ère éd. : 1934, p. 35. P. 33, il estime que l’économie est une « capitulation devant l’équivoque et le vague ». Voir aussi sa note 1, p. 31. [6] Yves Congar, « Propos en vue d’une théologie de l’“Économie” dans la tradition latine », Irénikon 45 (1972) 155-206 [7] Hincmar de Reims, de prædestinatione. Dissertatio posterior, c. 37, n. XI [PL 125,411D] : hæ sententiæ [sur la réception des clercs hérétiques] ad illam canonum formam pertinent, qua secundum rationis et temporis qualitatem aut propter ecclesiæ utilitatem, aut propter pacis et concordiæ unitatem, non præiudicatis maiorum statutis, quædam aliquando indulgentur, non ad illam qua pro lege irrefragabiliter tenenda constituuntur. [8] Summa theologiæ, IIa IIæ, q. 120, c. [9] Orientalium Ecclesiarum, 26 § 1. [10] Sur l’équité canonique, on consultera en particulier le can. 19 et les commentaires qui en sont faits. Rémi CHENO

mardi 27 novembre 2018

THEOLOGIE ET QUESTIONS DISPUTEES: Il aura déchiré la tunique sans couture Texte révi...

THEOLOGIE ET QUESTIONS DISPUTEES: Il aura déchiré la tunique sans couture Texte révi...: Les événements tragiques qui assombrissent l’Eglise Byzantine dans la décision prise unilatéralement, par l’évêque de Constantinople, d’ac...

THEOLOGIE ET QUESTIONS DISPUTEES: Errare humanum est, perseverare diabolicum Jusqu’...

THEOLOGIE ET QUESTIONS DISPUTEES: Errare humanum est, perseverare diabolicum Jusqu’...: Qu’attendent les Eglises Byzantines pour réagir face aux agissements de celui qui sous prétexte de disposer d’une préséance d’honneur, agit...

Errare humanum est, perseverare diabolicum Jusqu’où va aller la destruction de l’Eglise Byzantine par Constantinople ?

Qu’attendent les Eglises Byzantines pour réagir face aux agissements de celui qui sous prétexte de disposer d’une préséance d’honneur, agit – contrairement aux canons de la tradition byzantine – à la manière d’un Pape. Il n’aura pas suffi à cet évêque de provoquer de graves remous dans l’Eglise orthodoxe en voulant reconnaître des mouvements schismatiques contre une Eglise canonique reconnue par ses sœurs dans ce litige ukrainien : https://theologie-et-questions-disputeses.blogspot.com/2018/10/il-aura-dechire-la-robe-sans-couture.html il lui faut maintenant dissoudre l’Archevêché des églises orthodoxes russes en europe occidentale : https://orthodoxie.com/le-patriarcat-oecumenique-vient-de-dissoudre-larcheveche-des-eglises-orthodoxes-russes-en-europe-occidentale/ Ces agissements qui ne sont que les prémices sans doute d’autres actions, détruisent non pas seulement le principe de collégialité propre à la tradition byzantine, mais aussi, si j’ose dire, l’âme de l’Eglise Orthodoxe au plan spirituel, et sa structure au plan visible. Il est une urgence pour les Eglises Byzantines de réagir, il leur échet de dire et juger si l’évêque de Constantinople doit être déposé, faisant droit notamment au 51° canon de Saint Basile le Grand (troisième lettre) énonçant : « De ce que tout clerc qui a fauté subira la déposition :A propos des clercs, les canons parlent d'une manière indéterminée, ordonnant que les clercs fautifs ne subiront qu'une seule peine, la suspense de leurs fonctions, soit qu'ils occupent un grade dans la hiérarchie, ou qu'ils accomplissent un service qui ne comporte pas l'imposition des mains. » Toutefois, l’Eglise Byzantine en sa collégialité, envisagera-t-elle de se prononcer face à l’attitude « césaro-papiste » de l’actuel évêque de Constantinople, ne pas le faire sera entériner une modification fondamentale de la tradition byzantine, mais c’est l’Histoire qui apportera sa réponse. Jean-Pierre BONNEROT

mardi 23 octobre 2018

Il aura déchiré la tunique sans couture Texte révisé

Les événements tragiques qui assombrissent l’Eglise Byzantine dans la décision prise unilatéralement, par l’évêque de Constantinople, d’accorder l’autocéphalie à deux mouvements schismatiques ukrainiens, voulant ignorer de surcroît la légalité de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine reconnue par l’ensemble des Eglises Orthodoxes, conduisent à déstabiliser – par la volonté d’un seul homme – l’unité dans la collégialité des Eglises dites Byzantines. Ce fait au regard de l’Histoire est d’une particulière gravité et semble ne s’être encore jamais produit (1). La gravité qui résulte donc de cet événement, tient à l’irrespect et la négation de l’ecclésiologie particulière qui unit l’ensemble des Eglises Byzantines dans une Foi les amenant à penser qu’elles représentent seules la véritable Eglise. L’Apôtre nous prévient : «que tout se fasse convenablement et avec ordre. » (I Cor. XIV, 40) Or, comme il sera examiné, l’ordre ne prévalait pas dans les actes qui conduisirent l’évêque de Constantinople à la décision critiquée, et s’avère patent l’irrespect des règles les plus élémentaires de l’ecclésiologie et du droit canonique. L’Eglise est durant le premier millénaire une pentarchie. La séparation opérée à l’initiative de Rome en 1054 conduira les Eglises locales d’Orient à se référer à des dispositions énoncées par le Concile de Chalcédoine selon ses canons 9 et 17 qui énoncent, de première part : «9. Que les clercs ne doivent pas recourir à un tribunal civil, mais avoir leur évêque pour juge. Si un clerc a quelque chose contre un autre clerc, il ne doit pas laisser son évêque pour recourir à des tribunaux civils; qu'il soumette d'abord l'affaire au tribunal de son évêque, ou, de l'avis de l'évêque, à ceux que les deux parties agréeront; si quelqu'un agit contre cette prescription, qu'il soit frappé des peines canoniques. Si un clerc a quelque chose contre son évêque ou contre un évêque étranger, il doit porter le différend devant le synode de la province. Enfin, si un évêque ou un clerc a quelque chose contre le métropolitain de la province, il doit porter l'affaire devant le primat du diocèse ou bien devant le siège de la ville impériale de Constantinople, et s'y faire rendre justice. », et de seconde part : «17. Que l'administration de trente années assure la possession, et au sujet des villes récemment fondées. Les paroisses de campagne ou de village appartenant à une Église doivent rester sans changement aux évêques qui les possèdent, surtout s'ils les ont administrées sans conteste depuis trente ans. Si pendant ces trente ans il a éclaté ou s'il éclate un différend, ceux qui se croient lésés peuvent porter l'affaire devant le synode de la province. Si en pareil cas l'évêque pense que son propre métropolitain l'a desservi, qu'il porte l'affaire devant l'exarque du diocèse ou bien devant le siège de Constantinople comme il a été dit plus haut. Si par ordre de l'empereur une ville a été ou sera fondée, le rang hiérarchique des églises devra se conformer à l'ordre civil et public des cités. » (2), au motif que selon le canon 3 du Concile de Constantinople : « 3. Que l'évêque de Constantinople est le second après celui de Rome. Cependant l'évêque de Constantinople aura la préséance d'honneur après l'évêque de Rome, puisque cette ville est la nouvelle Rome » Avant d’aller plus outre, il sera fait observation que les dispositions rappelées touchant Chalcédoine, le canon 9 est inopérant au motif – ainsi,celui qui prétendait porter l’affaire touchant la reconnaissance de son Eglise avec demande de son élévation au rang de Patriarcat n’était plus clerc vu son excommunication qui sera discutée, le canon 17 est tout aussi inopérant au motif que cela fait bien plus de trente ans que l’évêché de Kiev est sous la juridiction du Patriarcat de Moscou à savoir depuis plusieurs siècles (3). Les tenants d’une sorte de juridiction suprême, s’apparentant à celle du Pape de Rome, invoquent le canon 28 du concile de Chalcédoine qui énonce : «28. Vœux pour la primauté du siège de Constantinople. Suivant en tous les décrets des saints pères et reconnaissant le canon lu récemment des cent cinquante évêques aimés de Dieu, réunis dans la ville impériale de Constantinople, la nouvelle Rome, sous Théodose le grand, de pieuse mémoire, nous approuvons et prenons la même décision au sujet de la préséance de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mû par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'église, tout en étant la seconde après elle; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'église de Constantinople; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci. » (2) Face à cette approche « papiste » de l’ecclésiologie byzantine, la tradition insiste sur la collégialité où rien ne doit être décidé sans l’avis de tous. Ainsi, le canon 34 des Saints Apôtres énonce : « 34. Que les évêques doivent reconnaître l'autorité de leur primat. Les évêques de chaque nation doivent reconnaître leur primat et le considérer comme chef ; ne rien faire de trop sans son avis et que chacun ne s'occupe que de ce qui regarde son diocèse et les campagnes dépendant de son diocèse. Mais lui aussi, qu'il ne fasse rien sans l'avis de tous ; car la concorde règnera ainsi et sera glorifié le Père et le Fils et le saint Esprit. » (2) Il sera fait observation que nombreuses furent les Eglises locales à s’opposer à l’attitude de l’évêque de Constantinople (4), invoquant le devoir de collégialité devant précéder toute décision, au point de demander comme le Patriarcat de Bulgarie, la tenue d’un concile (5), ou celui d’Antioche la réunion des Primats des Eglises autocéphales (6) afin de réfléchir sur la demande formée d’autocéphalie par le schismatique ancien évêque et clerc de l’Eglise de Kiev, excommunié par Moscou pour s’être autoproclamé Patriarche de Kiev. . La question d’une sorte de souveraineté de la part de Constantinople, au motif de sa capacité à recevoir des Appels selon les cas prévus par les canons, ne donne pas pour autant une supériorité à cette Eglise car alors le concept de « premier parmi les égaux » n’aurait plus aucun sens et dénaturerait le tronc byzantin où la préséance reconnue par les autres Eglises byzantines, ne donne pas autorité à Constantinople pour intervenir et pire se substituer, dans l’administration des autres Eglises. Cette ingérence dans les affaires du Patriarcat de Moscou est particulièrement grave, au point d’autoriser l’historien, le théologien et le canoniste à s’interroger sur la voie ainsi délibérément ouverte par Constantinople, à générer la destruction de ce que fut la tradition byzantine. Constantinople n’est pas Rome, l’ecclésiologie est différente et en tous les cas qu’il s’agisse de l’Eglise Latine ou de l’Eglise Byzantine, contrairement à ce que font les évêques de Rome et de Constantinople aujourd’hui, l’Eglise n’a pas à s’occuper du politique, ce temporel qui relève de l’Etat, mais uniquement du champ spirituel, tâche suffisamment lourde pour que l’Eglise ne dispose pas même de temps pour envisager même de s »occuper de ce qui ne relève pas de sa mission. Que viennent donc faire tout à la fois et le Président de l’Ukraine (7) et les USA (8) dans cet appui près de Constantinople pour la reconnaissance d’une autocéphalie à deux mouvements schismatiques non reconnus par l’Eglise Orthodoxe ? La Tradition de l’Eglise Indivise est claire et ferme sur la séparation entre l’Eglise et l’Etat, à cet égard nous ne choisirons cet exemple, reprenant la Lettre de Saint Grégoire II rappelant à Léon Isaurien : «Vous savez, Prince, que la décision des dogmes de foi n'appartient pas aux empereurs, mais aux pontifes, qui veulent eu conséquence les enseigner librement. C'est pourquoi, comme les pontifes, qui sont préposés au gouvernement de l'Église, ne se mêlent point des affaires de l'Etat, les empereurs doivent pareillement ne se point mêler des affaires ecclésiastiques, et se borner à celles qui leur sont confiées. Souffrez donc, Seigneur, que je vous exprime la différence qui se trouve entre les palais et les églises, entre les empereurs et les pontifes. Apprenez-le pour votre salut, et cessez toute dispute sur cela. Comme le pontife n'a pas le droit d'étendre son inspection sur les palais, ni de donner les dignités royales, ainsi l'empereur ne doit point étendre la sienne sur les églises, ni s'ingérer de faire les élections dans le clergé, de consacrer ou d'administrer les sacrements, ni même d'y participer sans le ministère des prêtres. Il faut que chacun de nous demeure dans l'état auquel Dieu l'a appelé. » (9) Que répond NSJ+C interrogé ? «Ma royauté n'est pas de ce monde. » (Jean XVIII, 26). L’Eglise fondée au soir de La Résurrection (Jean XX, 19-23) a pour base l’Esprit Saint, et la tradition byzantine ne pourra aujourd‘hui ou demain contester cette base, qui est sans cesse rappelée par elle, sauf à se détruire elle-même. Dans ces conditions, et sans faire appel aux conciles et aux canons, comment l’Eglise Byzantine peut-elle admettre une ingérence du politique, de l’Etat dans sa mission, sa fonction ? Il convient d’examiner les faits au plan canonique. Préalablement il sera fait observation que celui que l’évêque de Constantinople entend reconnaître et replacer dans ses anciennes fonctions, est un ancien clerc puisqu’excommunié par le Patriarcat de Moscou et déposé. La levée de l’excommunication ne fut pas accomplie au motif déjà que, préalablement à tout examen, cet ancien clerc (excommunié et déposé selon le rappel des faits suivants : «Le métropolite Philarète (Denissenko) a été déposé et réduit à l’état laïcs par une décision du Concile épiscopal de l’Église orthodoxe ukrainienne de Kharkov, en date du 27 mai 1992, pour n’avoir pas tenu les serments jurés sur la croix et l’Évangile lors du précédent Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe. Le Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe, par un décret du 11 juin 1992, a confirmé la décision du Concile de Kharkov, et déposé Philarète Denissenko, le privant de tous ses rangs ecclésiastiques selon les chefs d’accusation suivants : « Traitement cruel et hautain envers le clergé subordonné, autoritarisme et chantage (Tit 1, 7-8 ; canon apostolique 27) ; a introduit le scandale parmi les fidèles par sa conduite et sa vie privée (Mt 18, 7 ; 3e canon du Ier Concile œcuménique ; 5e canon du VIe Concile œcuménique) ; parjure (25e canon apostolique) ; calomnie publique et blasphème contre le Concile épiscopal (6e canon du IIe Concile œcuménique) ; célébrations de rites, y compris d’ordinations sacerdotales, en état d’interdiction (28e canon apostolique) ; formation d’un schisme dans l’Église (15ecanon du Concile de prime-second). » Toutes les ordinations célébrées par Philarète après sa réduction à l’état laïc, à compter du 27 mai 1992, ainsi que les pénitences qu’il a imposées, sont reconnues comme invalides. Malgré les appels constants au repentir, après avoir été déchu de sa dignité archiépiscopale, Philarète Denissenko a poursuivi son activité schismatique, notamment sur le territoire d’autres Églises locales. Il a été frappé d’anathème par un décret du concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe de 1997. Ces décisions ont été reconnues par toutes les Églises orthodoxes locales, y compris par l’Église constantinopolitaine. » (10) La levée d’une excommunication suppose - dès lors que la sentence est maintenue par celui qui l’a prononcée – que celui qui en est frappé fasse pénitence, et sollicite de qui a prononcé la décision, une demande de levée de cette dernière. Non seulement l’ancien clerc est demeuré dans ses erreurs et a aggravé celles-ci notamment en prétendant ordonner des clercs et se déclarer Patriarche de Kiev, mais jamais il ne semble avoir fait pénitence, regretté ses fautes, pire, maintenu un orgueil dans sa simple demande exposée de manière anodine – vingt-six ans plus tard – à savoir par sa lettre au Patriarche de Moscou écrivant notamment : « Je m’adresse à vous en vous appelant à prendre les décisions appropriées, grâce auxquelles sera mis fin à la confrontation existante. À savoir : considérer nulles et non avenues toutes les décisions, dont les sanctions et les excommunications, » (11). Une levée d’excommunication, une absolution ne peut se faire par courrier, mais suppose dans l’Eglise Indivise et de tout temps, que le pécheur, conscient de ses erreurs, ait le ferme propos de ne pas recommencer et fasse pénitence. Ces conditions sont obligatoires, car la sanction est médicinale et a pour but non pas de condamner pour toujours un être mais de lui permettre, face à cette excommunication, de réfléchir, prier et revenir sur ses erreurs. Force est de constater que dans le cas d’espèce, la vertu médicinale est totalement méconnue par cet ancien clerc. Il sera fait observation que la demande de levée des sanctions près le Patriarche de Moscou est sans fondement et sera déclarée inexistante. Comment un Appel peut-il être formé dans ces conditions près de Constantinople si déjà ne sont pas avérés et le ferme propos de ne pas recommencer les erreurs, et de faire pénitence, par la conscience de celles-ci ? Alors qu’en aucun cas Constantinople n’agissait selon les règles canoniques pour ouvrir et délibérer sur un possible Appel (12), et décidait si l’on peut dire « à brûle pourpoint » de la levée et du rétablissement dans son état ecclésiastique de cet ancien clerc, sans contester de surcroît vingt-six années d’irrégularités notoires. Une telle attitude revient à cautionner pour Constantinople l’indiscipline et le schisme, au détriment de l’unité, de la sagesse et de l’ordre. Sagesse et Ordre ne furent pas respectés par Constantinople, car l’Appel de surcroît ne peut concerner toutes les causes. Ainsi ce dernier est impossible pour l’ancien clerc ayant été évêque, au regard du canon 15 du concile d’Antioche qui expose : «15. Des évêques condamnés unanimement par ceux de la province. Lorsqu'un évêque a été accusé de diverses fautes et que tous les évêques de la province ont été unanimes à porter sur lui un jugement défavorable, il ne pourra plus se présenter devant un autre tribunal, mais la décision des évêques de la province restera irrévocable. » (2) Constantinople a violé les dispositions des canons des saints conciles et des Pères, lorsque tant spirituellement (ferme propos et pénitence) que canoniquement (canon 15 d’Antioche), il a enfreint de surcroît à son devoir de ne point mêler Eglise et Etat, et s’est immiscé dans les affaires d’une autre Eglise, violant ainsi les saint canons. Sur la question de l’indépendance des Eglises dans l’administration de leurs propres affaires, cet aspect fut et demeure largement débattu dans la presse spécialisée notamment byzantine, sans qu’il soit nécessaire de s’y attarder particulièrement. Ce qui importe dans cette réflexion c’est le constat d’une Eglise Byzantine formée par l’association d’Eglises locales autonomes, régie par des canons , et aujourd‘hui ces derniers sont violés par un « patriarcat d’honneur » mais sans supériorité face à ses Eglises sœurs pour agir tel un Pontife Romain sur l’ensemble des dites Eglises : l’avenir qui se pose est de savoir si ces Eglises locales entérineront le « césaro-papisme » de Constantinople au point de dénaturer la particularité de la tradition byzantine, ou bien si certaines Eglises voulant rester fidèles à la Tradition Byzantine se sépareront du tronc commun : en tous les cas en préférant cautionner les schismatiques, Constantinople agissait pour que l’Eglise Byzantine ne sorte pas indemne de cette confrontation. Jean-Pierre BONNEROT Notes 1 jusqu’alors, comme le souligne Jean MEYENDRORFF, « il est impossible de trouver dans l’histoire entière de l’Eglise un seul exemple où le principe de territorialité ait été enfreint. » J. MEYENDORFF Orthodoxie et Catholicité, Ed du Seuil, Paris, 1964, page 107 2 On se reportera à notre édition de l’ensemble des Canons Byzantins, aisément accessible sur notre site http://www.theologica.fr/ >>> http://www.theologica.fr/Pg_DroitCanonique.htm >> http://www.theologica.fr/Pg_DroitCanonByzantin.htm 3 https://orthodoxie.com/le-corpus-de-documents-concernant-la-reunion-de-la-metropole-de-kiev-a-leglise-orthodoxe-russe-est-publie-en-russie-et-disponible-sur-internet/ 4Eglise de Grèce, Eglise de Biélorussie, Eglise Orthodoxe Polonaise, Eglise Russe Hors Frontière, Métropole des terres Tchèques et Slovaques, le Mont Athos, le Patriarcat d’Antioche, le Patriarcat de Bulgarie, bien évidemment le Patriarcat de Moscou, le Patriarcat de Serbie et il échet de signaler la mise ne garde du Patriarcat Copte Orthodoxe d’Alexandrie, par exemple. Ces éléments sont livrés sur le site https://orthodoxie.com/ 5 https://orthodoxie.com/le-patriarcat-de-bulgarie-renvoie-en-commission-la-proposition-du-patriarcat-de-moscou-de-reunir-une-synaxe-panorthodoxe-au-sujet-de-lukraine/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769 6 : https://orthodoxie.com/decision-du-saint-synode-du-patriarcat-dantioche-3-octobre-2018/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769 7 : https://orthodoxie.com/declaration-du-president-dukraine-au-sujet-de-la-decision-du-saint-synode-du-patriarcat-oecumenique/?goal=0_9357f9bbb5-7f3d72d827-54679795&mc_cid=7f3d72d827&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/lepresident-de-la-rada-supreme-dukraine-invite-le-patriarche-bartholomee-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769 : https://orthodoxie.com/porochenko-a-annonce-vouloir-mettre-fin-a-la-relation-contre-nature-entre-les-eglises-dukraine-et-de-russie/?goal=0_9357f9bbb5-039cef8146-54679795&mc_cid=039cef8146&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/les-militaires-ukrainiens-ont-empeche-aux-orthodoxes-de-leglise-canonique-lacces-a-leur-eglise-a-odessa/?goal=0_9357f9bbb5-7196701ca9-54679795&mc_cid=7196701ca9&mc_eid=58454b2769 8 https://orthodoxie.com/communique-de-presse-du-departement-detat-americain-au-sujet-de-lautocephalie-ukrainienne/?goal=0_9357f9bbb5-9e9b9fbe18-54679795&mc_cid=9e9b9fbe18&mc_eid=58454b2769 ; : https://orthodoxie.com/lancien-vice-president-americain-joe-biden-a-rencontre-le-patriarche-philarete-et-a-exprime-son-soutien-a-la-creation-dune-eglise-orthodoxe-autocephale-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-0e0ccfb2bc-54679795&mc_cid=0e0ccfb2bc&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/suite-a-la-decision-de-constantinople-le-representant-des-etats-unis-en-ukraine-declare-que-son-pays-soutient-lautocephalie-tandis-que-le-president-porochenko-parle-dune-gra/?goal=0_9357f9bbb5-555d812ce8-54679795&mc_cid=555d812ce8&mc_eid=58454b2769 9 Epist. LXXXVI. Patrol .lat, tom CXIX. col; 960, éd. française in L’Eglise et l’Etat ou les deux puissances par Mr le Chanoine MOULART, Louvain, 1878, pages 141 et 142. 10 https://orthodoxie.com/declaration-du-saint-synode-de-leglise-orthodoxe-russe-a-la-suite-des-empietements-du-patriarcat-de-constantinople-sur-le-territoire-canonique-de-leglise-russe/?goal=0_9357f9bbb5-7f3d72d827-54679795&mc_cid=7f3d72d827&mc_eid=58454b2769 11 https://orthodoxie.com/lettre-de-metropolite-de-kiev/ 12 Aucune procédure ne semble avoir été actée pour expliquer cette prétendue levée.

lundi 22 octobre 2018

Il aura déchiré la robe sans couture

Les événements tragiques qui assombrissent l’Eglise Byzantine dans la décision prise unilatéralement, par l’évêque de Constantinople, d’accorder l’autocéphalie à deux mouvements schismatiques ukrainiens, voulant ignorer de surcroît la légalité de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine reconnue par l’ensemble des Eglises Orthodoxes, conduisent à déstabiliser – par la volonté d’un seul homme – l’unité dans la collégialité des Eglises dites Byzantines. Ce fait au regard de l’Histoire est d’une particulière gravité et semble ne s’être encore jamais produit (1). La gravité qui résulte donc de cet événement, tient à l’irrespect et la négation de l’ecclésiologie particulière qui unit l’ensemble des Eglises Byzantines dans une Foi les amenant à penser qu’elles représentent seules la véritable Eglise. L’Apôtre nous prévient : «que tout se fasse convenablement et avec ordre. » (I Cor. XIV, 40) Or, comme il sera examiné, l’ordre ne prévalait pas dans les actes qui conduisirent l’évêque de Constantinople à la décision critiquée, et l’irrespect des règles les plus élémentaires de l’ecclésiologie et du droit canonique. L’Eglise est durant le premier millénaire une pentarchie. La séparation opérée à l’initiative de Rome en 1054 conduira les Eglises locales d’Orient à se référer à des dispositions énoncées par le Concile de Chalcédoine selon ses canons 9 et 17 qui énoncent, de première part : «9. Que les clercs ne doivent pas recourir à un tribunal civil, mais avoir leur évêque pour juge. Si un clerc a quelque chose contre un autre clerc, il ne doit pas laisser son évêque pour recourir à des tribunaux civils; qu'il soumette d'abord l'affaire au tribunal de son évêque, ou, de l'avis de l'évêque, à ceux que les deux parties agréeront; si quelqu'un agit contre cette prescription, qu'il soit frappé des peines canoniques. Si un clerc a quelque chose contre son évêque ou contre un évêque étranger, il doit porter le différend devant le synode de la province. Enfin, si un évêque ou un clerc a quelque chose contre le métropolitain de la province, il doit porter l'affaire devant le primat du diocèse ou bien devant le siège de la ville impériale de Constantinople, et s'y faire rendre justice. », et de seconde part : «17. Que l'administration de trente années assure la possession, et au sujet des villes récemment fondées. Les paroisses de campagne ou de village appartenant à une Église doivent rester sans changement aux évêques qui les possèdent, surtout s'ils les ont administrées sans conteste depuis trente ans. Si pendant ces trente ans il a éclaté ou s'il éclate un différend, ceux qui se croient lésés peuvent porter l'affaire devant le synode de la province. Si en pareil cas l'évêque pense que son propre métropolitain l'a desservi, qu'il porte l'affaire devant l'exarque du diocèse ou bien devant le siège de Constantinople comme il a été dit plus haut. Si par ordre de l'empereur une ville a été ou sera fondée, le rang hiérarchique des églises devra se conformer à l'ordre civil et public des cités. » (2), au motif que selon le canon 3 du Concile de Constantinople : « 3. Que l'évêque de Constantinople est le second après celui de Rome. Cependant l'évêque de Constantinople aura la préséance d'honneur après l'évêque de Rome, puisque cette ville est la nouvelle Rome » Avant d’aller plus outre, il sera fait observation que les dispositions rappelées touchant Chalcédoine, le canon 9 est inopérant au motif – nous le verrons que celui qui prétendait porter l’affaire touchant la reconnaissance de son Eglise avec demande de son élévation au rang de Patriarcat n’était plus clerc vu son excommunication qui sera discutée, le canon 17 est tout aussi inopérant au motif que cela fait bien plus de trente ans que le Kiev est sous la juridiction du Patriarcat de Moscou à savoir depuis plusieurs siècles (3). Les tenants d’une sorte de juridiction suprême, s’apparentant à celle du Pape de Rome, invoquent le canon 28 du concile de Chalcédoine qui énonce : «28. Vœux pour la primauté du siège de Constantinople. Suivant en tous les décrets des saints pères et reconnaissant le canon lu récemment des cent cinquante évêques aimés de Dieu, réunis dans la ville impériale de Constantinople, la nouvelle Rome, sous Théodose le grand, de pieuse mémoire, nous approuvons et prenons la même décision au sujet de la préséance de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mû par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'église, tout en étant la seconde après elle; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'église de Constantinople; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci. » (2) Face à cette approche « papiste » de l’ecclésiologie byzantine, la tradition insiste sur la collégialité où rien ne doit être décidé sans l’avis de tous. Ainsi, le canon 34 des Saints Apôtres énonce : « 34. Que les évêques doivent reconnaître l'autorité de leur primat. Les évêques de chaque nation doivent reconnaître leur primat et le considérer comme chef ; ne rien faire de trop sans son avis et que chacun ne s'occupe que de ce qui regarde son diocèse et les campagnes dépendant de son diocèse. Mais lui aussi, qu'il ne fasse rien sans l'avis de tous ; car la concorde règnera ainsi et sera glorifié le Père et le Fils et le saint Esprit. » (2) Il sera fait observation que nombreuses furent les Eglises locales à s’opposer à l’attitude de l’évêque de Constantinople (4), invoquant le devoir de collégialité devant précéder toute décision, au point de demander comme le Patriarcat de Bulgarie, la tenue d’un concile (5), ou celui d’Antioche la réunion des Primats des Eglises autocéphales (6) afin de réfléchir sur la demande formée d’autocéphalie par le schismatique ancien évêque et clerc de l’Eglise de Kiev, excommunié par Moscou pour s’être autoproclamé Patriarche de Kiev. . La question d’une sorte de souveraineté de la part de Constantinople, au motif de sa capacité à recevoir des Appels selon les cas prévus par les canons, ne donne pas pour autant une supériorité à cette Eglise car alors le concept de « premier parmi les égaux » n’aurait plus aucun sens et dénaturerait le tronc byzantin où la préséance reconnue par les autres Eglises byzantines, ne donne pas autorité à Constantinople pour intervenir et pire se substituer, dans l’administration des autres Eglises. Cette ingérence dans les affaires du Patriarcat de Moscou est particulièrement grave, au point d’autoriser l’historien, le théologien et le canoniste à s’interroger sur la voie ainsi délibérément ouverte par Constantinople, à générer la destruction de ce que fut la tradition byzantine. Constantinople n’est pas Rome, l’ecclésiologie est différente et en tous les cas qu’il s’agisse de l’Eglise Latine ou de l’Eglise Byzantine, contrairement à ce que font les évêques de Rome et de Constantinople aujourd’hui, l’Eglise n’a pas à s’occuper du politique, ce temporel qui relève de l’Etat, mais uniquement du champ spirituel, tâche suffisamment lourde pour que l’Eglise ne dispose pas même de temps pour envisager même de s »occuper de ce qui ne relève pas de sa mission. Que viennent donc faire tout à la fois et le Président de l’Ukraine (7) et les USA (8) dans cet appui près de Constantinople pour la reconnaissance d’une autocéphalie à deux mouvements schismatiques non reconnus par l’Eglise Orthodoxe ? La Tradition de l’Eglise Indivise est claire et ferme sur la séparation entre l’Eglise et l’Etat, à cet égard nous ne choisirons cet exemple, reprenant la Lettre de Saint Grégoire II rappelant à Léon Isaurien : «Vous savez, Prince, que la décision des dogmes de foi n'appartient pas aux empereurs, mais aux pontifes, qui veulent eu conséquence les enseigner librement. C'est pourquoi, comme les pontifes, qui sont préposés au gouvernement de l'Église, ne se mêlent point des affaires de l'Etat, les empereurs doivent pareillement ne se point mêler des affaires ecclésiastiques, et se borner à celles qui leur sont confiées. Souffrez donc, Seigneur, que je vous exprime la différence qui se trouve entre les palais et les églises, entre les empereurs et les pontifes. Apprenez-le pour votre salut, et cessez toute dispute sur cela. Comme le pontife n'a pas le droit d'étendre son inspection sur les palais, ni de donner les dignités royales, ainsi l'empereur ne doit point étendre la sienne sur les églises, ni s'ingérer de faire les élections dans le clergé, de consacrer ou d'administrer les sacrements, ni même d'y participer sans le ministère des prêtres. Il faut que chacun de nous demeure dans l'état auquel Dieu l'a appelé. » (9) Que répond NSJ+C interrogé ? «Ma royauté n'est pas de ce monde. » (Jean XVIII, 26). L’Eglise fondée au soir de La Résurrection (Jean XX, 19-23) a pour base l’Esprit Saint, et la tradition byzantine ne pourra aujourd‘hui ou demain contester cette base, qui est sans cesse rappelée par elle, sauf à se détruire elle-même. Dans ces conditions, et sans faire appel aux conciles et aux canons, comment l’Eglise Byzantine peut-elle admettre une ingérence du politique, de l’Etat dans sa mission, sa fonction ? Il convient d’examiner les faits au plan canonique. Préalablement il sera fait observation que celui que l’évêque de Constantinople entend reconnaître et le replacer dans ses anciennes fonctions, est un ancien clerc puisqu’excommunié par le Patriarcat de Moscou et déposé. La levée de l’excommunication ne fut pas accomplie au motif déjà que, préalablement à tout examen, cet ancien clerc (excommunié et déposé selon le rappel des faits suivants : «Le métropolite Philarète (Denissenko) a été déposé et réduit à l’état laïcs par une décision du Concile épiscopal de l’Église orthodoxe ukrainienne de Kharkov, en date du 27 mai 1992, pour n’avoir pas tenu les serments jurés sur la croix et l’Évangile lors du précédent Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe. Le Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe, par un décret du 11 juin 1992, a confirmé la décision du Concile de Kharkov, et déposé Philarète Denissenko, le privant de tous ses rangs ecclésiastiques selon les chefs d’accusation suivants : « Traitement cruel et hautain envers le clergé subordonné, autoritarisme et chantage (Tit 1, 7-8 ; canon apostolique 27) ; a introduit le scandale parmi les fidèles par sa conduite et sa vie privée (Mt 18, 7 ; 3e canon du Ier Concile œcuménique ; 5e canon du VIe Concile œcuménique) ; parjure (25e canon apostolique) ; calomnie publique et blasphème contre le Concile épiscopal (6e canon du IIe Concile œcuménique) ; célébrations de rites, y compris d’ordinations sacerdotales, en état d’interdiction (28e canon apostolique) ; formation d’un schisme dans l’Église (15ecanon du Concile de prime-second). » Toutes les ordinations célébrées par Philarète après sa réduction à l’état laïc, à compter du 27 mai 1992, ainsi que les pénitences qu’il a imposées, sont reconnues comme invalides. Malgré les appels constants au repentir, après avoir été déchu de sa dignité archiépiscopale, Philarète Denissenko a poursuivi son activité schismatique, notamment sur le territoire d’autres Églises locales. Il a été frappé d’anathème par un décret du concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe de 1997. Ces décisions ont été reconnues par toutes les Églises orthodoxes locales, y compris par l’Église constantinopolitaine. » (10) La levée d’une excommunication suppose - dès lors que la sentence est maintenue est maintenue – que celui qui en est frappé fasse pénitence, et sollicite de qui a prononcé la décision, une demande de levée de cette dernière. Non seulement l’ancien clerc est demeuré dans ses erreurs et aggravé celles-ci notamment en prétendant ordonner des clercs et se déclarer Patriarche de Kiev, mais jamais il ne semble avoir fait pénitence, regretté ses fautes, pire, maintenu un orgueil dans sa simple demande exposée de manière anodine – vingt-six ans plus tard – à savoir par sa lettre au Patriarche de Moscou écrivant notamment : « Je m’adresse à vous en vous appelant à prendre les décisions appropriées, grâce auxquelles sera mis fin à la confrontation existante. À savoir : considérer nulles et non avenues toutes les décisions, dont les sanctions et les excommunications, » (11). Une levée d’excommunication, une absolution ne peut se faire par courrier, mais suppose dans l’Eglise Indivise et de tout temps, que le pécheur, conscient de ses erreurs, ait le ferme propos de ne pas recommencer et fasse pénitence. Ces conditions sont obligatoires, car la sanction est médicinale et a pour but non pas de condamner pour toujours un être mais de lui permettre, face à cette excommunication, de réfléchir, prier et revenir sur ses erreurs. Force est de constater que dans le cas d’espèce, la vertu médicinale est totalement méconnue par cet ancien clerc. Il sera fait observation que la demande de levée des sanctions près le Patriarche de Moscou est sans fondement et sera déclarée inexistante. Comment un Appel peut-il être formé dans ces conditions près de Constantinople si déjà ne sont pas avérés et le ferme propos de ne pas recommencer les erreurs, et de faire pénitence, par la conscience de celles-ci ? Alors qu’en aucun cas Constantinople n’agissait selon les règles canoniques pour ouvrir et délibérer sur un possible Appel (12), décider si l’on peut dire « à brûle pourpoint » de la levée et du rétablissement dans son état ecclésiastique de cet ancien clerc, sans contester de surcroît vingt-six années d’irrégularités notoires, revient à cautionner pour Constantinople l’indiscipline et le schisme, au détriment de l’unité, de la sagesse et de l’ordre. Sagesse et Ordre ne furent pas respectés par Constantinople, car l’Appel de surcroît ne peut concerner toutes les causes. Ainsi ce dernier est impossible pour l’ancien clerc ayant été évêque, au regard du canon 15 du concile d’Antioche qui expose : «15. Des évêques condamnés unanimement par ceux de la province. Lorsqu'un évêque a été accusé de diverses fautes et que tous les évêques de la province ont été unanimes à porter sur lui un jugement défavorable, il ne pourra plus se présenter devant un autre tribunal, mais la décision des évêques de la province restera irrévocable. » (2) Constantinople a violé les dispositions des canons des saints conciles et des Pères, lorsque tant spirituellement (ferme propos et pénitence) que canoniquement (canon 15 d’Antioche), il a enfreint de surcroît à son devoir de ne point mêler Eglise et Etat, et s’est immiscé dans les affaires d’une autre Eglise, violant ainsi les saint canons. Sur la question de l’indépendance des Eglises dans l’administration de leurs propres affaires, cet aspect fut et demeure largement débattu dans la presse spécialisée notamment byzantine, sans qu’il soit nécessaire de s’y attarder particulièrement. Ce qui importe dans cette réflexion c’est le constat d’une Eglise Byzantine formée par l’association d’Eglises locales autonomes, régie par des canons , et aujourd‘hui ces derniers sont violés par un patriarcat d’honneur mais sans supériorité face à ses Eglises sœurs pour agir tel un Pontife Romain sur l’ensemble des dites Eglises : l’avenir qui se pose est de savoir si ces Eglises locales entérineront le « césaro-papisme » de Constantinople au point de dénaturer la particularité de la tradition byzantine, ou bien si certaines Eglises voulant rester fidèles à la Tradition Byzantine se sépareront du tronc commun, en tous les cas en préférant cautionner les schismatiques, Constantinople agissait pour que l’Eglise Byzantine ne sorte pas indemne de cette confrontation. Jean-Pierre BONNEROT Notes 1 jusqu’alors, comme le souligne Jean MEYENDRORFF, « il est impossible de trouver dans l’histoire entière de l’Eglise un seul exemple où le principe de territorialité ait été enfreint. » J. MEYENDORFF Orthodoxie et Catholicité, Ed du Seuil, Paris, 1964, page 107 2 On se reportera à notre édition de l’ensemble des Canons Byzantins, aisément accessible sur notre site http://www.theologica.fr/ >>> http://www.theologica.fr/Pg_DroitCanonique.htm >> http://www.theologica.fr/Pg_DroitCanonByzantin.htm 3 https://orthodoxie.com/le-corpus-de-documents-concernant-la-reunion-de-la-metropole-de-kiev-a-leglise-orthodoxe-russe-est-publie-en-russie-et-disponible-sur-internet/ 4Eglise de Grèce, Eglise de Biélorussie, Eglise Orthodoxe Polonaise, Eglise Russe Hors Frontière, Métropole des terres Tchèques et Slovaques, le Mont Athos, le Patriarcat d’Antioche, le Patriarcat de Bulgarie, bien évidemment le Patriarcat de Moscou, le Patriarcat de Serbie et il échet de signaler la mise ne garde du Patriarcat Copte Orthodoxe d’Alexandrie, par exemple. Ces éléments sont livrés sur le site https://orthodoxie.com/ 5 https://orthodoxie.com/le-patriarcat-de-bulgarie-renvoie-en-commission-la-proposition-du-patriarcat-de-moscou-de-reunir-une-synaxe-panorthodoxe-au-sujet-de-lukraine/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769 6 : https://orthodoxie.com/decision-du-saint-synode-du-patriarcat-dantioche-3-octobre-2018/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769 7 : https://orthodoxie.com/declaration-du-president-dukraine-au-sujet-de-la-decision-du-saint-synode-du-patriarcat-oecumenique/?goal=0_9357f9bbb5-7f3d72d827-54679795&mc_cid=7f3d72d827&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/lepresident-de-la-rada-supreme-dukraine-invite-le-patriarche-bartholomee-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769 : https://orthodoxie.com/porochenko-a-annonce-vouloir-mettre-fin-a-la-relation-contre-nature-entre-les-eglises-dukraine-et-de-russie/?goal=0_9357f9bbb5-039cef8146-54679795&mc_cid=039cef8146&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/les-militaires-ukrainiens-ont-empeche-aux-orthodoxes-de-leglise-canonique-lacces-a-leur-eglise-a-odessa/?goal=0_9357f9bbb5-7196701ca9-54679795&mc_cid=7196701ca9&mc_eid=58454b2769 8 https://orthodoxie.com/communique-de-presse-du-departement-detat-americain-au-sujet-de-lautocephalie-ukrainienne/?goal=0_9357f9bbb5-9e9b9fbe18-54679795&mc_cid=9e9b9fbe18&mc_eid=58454b2769 ; : https://orthodoxie.com/lancien-vice-president-americain-joe-biden-a-rencontre-le-patriarche-philarete-et-a-exprime-son-soutien-a-la-creation-dune-eglise-orthodoxe-autocephale-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-0e0ccfb2bc-54679795&mc_cid=0e0ccfb2bc&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/suite-a-la-decision-de-constantinople-le-representant-des-etats-unis-en-ukraine-declare-que-son-pays-soutient-lautocephalie-tandis-que-le-president-porochenko-parle-dune-gra/?goal=0_9357f9bbb5-555d812ce8-54679795&mc_cid=555d812ce8&mc_eid=58454b2769 9 Epist. LXXXVI. Patrol .lat, tom CXIX. col; 960, éd. française in L’Eglise et l’Etat ou les deux puissances par Mr le Chanoine MOULART, Louvain, 1878, pages 141 et 142. 10 https://orthodoxie.com/declaration-du-saint-synode-de-leglise-orthodoxe-russe-a-la-suite-des-empietements-du-patriarcat-de-constantinople-sur-le-territoire-canonique-de-leglise-russe/?goal=0_9357f9bbb5-7f3d72d827-54679795&mc_cid=7f3d72d827&mc_eid=58454b2769 11 https://orthodoxie.com/lettre-de-metropolite-de-kiev/ 12 Aucune procédure ne semble avoir été actée pour expliquer cette prétendue levée.

lundi 15 octobre 2018

Constantinople aura voulu le schisme

Au plan du Droit canonique Byzantin et des règles régissant l’Eglise Orthodoxe, nous ne pouvons que donner raison au Patriarcat de Moscou. http://www.oltr.fr/documents/publications/196-editorial-de-octobre-2018-preserver-l-eglise-orthodoxe-d-ukraine-et-sauver-l-eglise-orthodoxe

dimanche 23 septembre 2018

LE PATRIARCAT DE CONNSTANTINOPLE EST-IL ENCORE ORTHODOXE ?

Les choix du Patriarcat de Constantinople de reconnaître le mouvement ukrainien se disant Patriarcat de Kiev et de surcroît en accordant sans doute prochainement l’autocéphalie, contredit toutes les dispositions canoniques de l’Eglise Byzantine. De première part, le responsable de cette « Eglise » Mgr Philarète, fut excommunié par le Patriarcat de Moscou lorsqu’il était – avant son schisme - métropolite de Kiev sous la juridiction du Patriarcat de Moscou et qui, après la chute de l’URSS en 1992, s’est autoproclamé patriarche et a été excommunié. • Il sera pris acte que celui qui fut métropolite de Kiev et qui se proclamant patriarche a fait l’objet d’une excommunication qui n’est pas levée (1). • cette excommunication n’est pas levée comme le reconnaît d’ailleurs l’ancien métropolite demandant au Patriarche de Moscou de «considérer nulles et non avenues toutes les décisions, dont les sanctions et les excommunications, qui entravent ce qui précède. » (2) De seconde part, il n’échappera pas aux historiens que le projet de Constantinople à reconnaître ce mouvement schismatique et dirigé par un évêque excommunié ce qui implique par voie de conséquence sa déposition, répond à une attente affirmée et autoritaire tant de la part du Président de l’Ukraine (3) que des Etats-Unis (4) I Au plan canonique, Constantinople viole les dispositions qui régissent l’Eglise Byzantine qui énoncent en ses canons : • Saint Cyrille ? Archevêque d’Alexandrie énonce que l’évêque déposé doit cesser de même de célébrer (5) • le 5° canon de Nicée expose «Pour ce qui est des excommuniés clercs ou laïcs, la sentence portée par les évêques de chaque province doit avoir force de loi, conformément à la règle prescrivant que celui qui a été excommunié par l'un ne doit pas être admis par les autres. » (6) Force est de constater que l’ancien métropolite se déclarant patriarche, ne saurait même célébrer, et de surcroît ordonner des clercs, lorsque par ailleurs il ne peut être admis et donc reconnu par les autres Eglises. Il importe de réfléchir sur la validité des ordres conférés par ce mouvement schismatique, lorsque la Tradition Byzantine, à l’inverse de la Tradition Latine, ne distingue pas licéité et validité, considérant que toute ordination prétendument faite dans l’esprit espéré de l’Eglise Byzantine en dehors de l’une de ces Eglises unies à Constantinople, sera considérée comme invalide. La Tradition Byzantine insistera sans cesse pour clamer haut et fort que son ecclésiologie est totalement différente du principe Latin, le Patriarche de Constantinople, à l’inverse de l’évêque de Rome, n’est pas le chef des Eglises Byzantines, elles sont indépendantes et Constantinople ne peut agir qu’en cause d’appel d’une décision canonique rendue par une Eglise locale, sans pouvoir s’immiscer dans les affaires internes des Eglises rattachées à son siège (7). II Sur le plan politique, il conviendra de se souvenir des règles qui exposent la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’Etat n’ayant pas à intervenir dans les affaires de l’Eglise(8). En conclusion, Vu que les canons cités exposent que l’ancien métropolite n’a aucun droit pour célébrer et de fait encore moins pour ordonner des clercs, qu’il ne peut en aucun cas du fait de son excommunication être accueilli ou reconnu par une Eglise reliée à Constantinople, que dans ces conditions toutes ses actions seront déclarées nulles et invalides, Qu’il échet de prendre acte de l’intervention de deux Etats dans les affaires d’une Eglise locale indépendante, dont c’est à tort que le Patriarcat de Constantinople s’est permis d’intervenir, alors qu’en l’espèce il n’en avait pas le droit, Par voie de conséquence, peut-on considérer que le Patriarcat de Constantinople, aujourd’hui s’avère fidèle à cette orthodoxie qu’il prétend représenter ? Jean-Pierre BONNEROT ------------------------------- 1 - https://www.cath.ch/newsf/apres-lingerence-de-constantinople-en-ukraine-fort-risque-de-schisme-dans-lorthodoxie/ 2 - https://orthodoxie.com/lettre-de-metropolite-de-kiev/ 3 - : https://orthodoxie.com/porochenko-a-annonce-vouloir-mettre-fin-a-la-relation-contre-nature-entre-les-eglises-dukraine-et-de-russie/?goal=0_9357f9bbb5-039cef8146-54679795&mc_cid=039cef8146&mc_eid=58454b2769 4 - https://orthodoxie.com/les-etats-unis-soutiennent-officiellement-lautocephalie-de-leglise-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-f06724d00b-54679795&mc_cid=f06724d00b&mc_eid=58454b2769 5http://www.theologica.fr/!_Droit_Canonique_Byzantin/3/CANONS%20BYZANTINS.pdf Cf. notre édition des canons, page 254 6 - id. du même site http://www.theologica.fr/ page 2 7 – id. 4° Concile Chalcédoine, canon 9, id page 12 8 – Echo d’Orient N° 91, 1911 : les rapports de l’Eglise et de l’Etat selon un canoniste orthodoxe, pages 352 – 355, http://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-9447_1911_num_14_91_3945

mercredi 4 juillet 2018

Mise à jour du site theologicia.fr

La mise à jour du site http://www.theologica.fr/ offre plusieurs centaines de fichiers nouveaux enrichissant les anciennes rubriques, il en propose aussi de nouvelles qu’il reviendra aux chercheurs et aux curieux de découvrir. http://www.theologica.fr/ demeure encore, malgré ses milliers de fichiers, très incomplet, ainsi les dissertations et réflexions d’un Dom CALMET ou d’un Chevalier DRACH ne sauraient remplacer une rubrique à venir consacrée à l’exégèse, et la richesse des Eglises d’Orient fait encore figure de parent pauvre quant à notre devoir d’exposer la richesse de leur théologie, de leur liturgie, présenter leur histoire notamment. Certes des revues sont proposées afin de tenter de pallier à ces manques provisoires. Enfin et autre exemple, si l’Histoire générale de l’Eglise est relativement bien exposée par de nombreux travaux, rien n’est encore offert sur la vie des saints et de ceux qui l’ont construite sous la dépendance de l’Esprit Saint. Que le curieux, que le chercheur, n’hésite pas à proposer ses travaux en vue d’enrichir ce site, et lorsqu’il est des manques dans des collections, merci à qui possèderait les fichiers PDF correspondants de ne pas hésiter à les transmettre. Alors ce site sera devenu lieu de partage, et n’étant plus une simple bibliothèque offrant une documentation la plus exhaustive souhaitée, ce partage sera l’expression d’une communion. Jean-Pierre BONNEROT

mardi 27 mars 2018

PEUT-ON EXCOMMUNIER UN MORT ?



« Non-seulement l'on condamna dans le V* Concile général les écrits de Théodore de Mopsueste, ainsi que ceux de Théodoret, mais l'on y condamna encore la personne même de Théodore de Mopsueste, qui avait été le maître de Nestorius, bien qu'environ cent ans se fussent déjà écoulés depuis la mort de cet Evêque. Une vive controverse s'éleva au sujet de cette condamnation, car il fut objecté, dans le Concile, que l'autorité de l'Eglise ne pouvait plus s'exercer au-delà du tombeau, surtout lorsqu'il s'agissait de quelqu'un qui était mort dans la communion catholique. » (1)
 La condamnation ainsi posée provoqua une vive controverse qui justifie que l’on puisse s’interroger sur la valeur de cette dernière.
L’excommunication, puisqu’il s’agit de cette peine, doit être analysée quant à son sens, par voie de conséquence sa portée et dès lors ses éventuelles limites.


I
L’Apôtre déclare I Cor. V, 1-6: « On entend dire partout qu'il y a chez vous un cas d'inconduite, et d'inconduite telle qu'on ne la trouve même pas chez les païens : l'un de vous vit avec la femme de son père.]Et vous êtes enflés d'orgueil ! Et vous n'avez pas plutôt pris le deuil afin que l'auteur de cette action soit ôté du milieu de vous ? Pour moi, absent de corps, mais présent d'esprit, j'ai déjà jugé comme si j'étais présent celui qui a commis une telle action : au nom du Seigneur Jésus, et avec son pouvoir, lors d'une assemblée où je serai spirituellement parmi vous, qu'un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de sa chair, afin que l'esprit soit sauvé au jour du Seigneur »
Si donc l’homme est livré à Satan pour la destruction de sa chair, le verset explique cette sentence par ces mots afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur.

 L’apôtre énonce une punition relevant du domaine physique, par voie de conséquence à ce qui est transitoire, afin  et dans l’espoir que l’esprit, c'est-à-dire notre entendement, notre capacité à nous reprendre, nous conduise à revenir à une juste conduite : ainsi nous serons-nous lavés de nos erreurs au jour du Seigneur.

 Cette considération selon laquelle l’excommunication est une situation transitoire, souhaitée donc comme provisoire, amena les théologiens et les canonistes à considérer cette peine comme médicinale.

 La Tradition de l’Eglise est toujours restée fidèle à cette considération selon laquelle l’excommunication ne saurait être qu’une peine provisoire, médicinale quant à son but,  amener l’être à la repentance et au changement.

 Le 1er concile de Lyon  tenu en 1245, en sa Constitution § 19, relativement à la sentence d’excommunication énonce : « L’excommunication visant à porter un remède et non la mort, une correction et non une destruction, aussi longtemps que celui contre lequel elle a été porté ne la méprise pas, le juge ecclésiastique qui veillera avec soin à montrer qu’en la portant il cherche à corriger et à guérir. »

Le concile de Trente (1563) en sa session 25, et au chapitre 3 de son Décret de réforme générale, rappelle : « Bien que le glaive de l’excommunication soit le nerf de la discipline ecclésiastique, fort salutaire pour maintenir les peuples dans leurs devoirs, il faut cependant y  recourir avec sobriété et grande circonspection. L’expérience,  en effet, nous renseignent que,  si l’on en frappe à la légère et pour des choses peu importantes, il est plus méprisé que redouté et  est davantage à l’origine  du mal que du bien.  {Et ajoute} : «Comme quiconque a été excommunié, et ne revient pas à résipiscence après les monitions légitimes, non seulement sera exclu des sacrements, ainsi que de la communion et de la fréquentation des fidèles, mais si, le cœur endurci,  lié par des censures il vit pendant un an dans les souillures, condamnées par celles –ci, on pourra même procéder contre lui en tant que suspect d’hérésie. »


II 
L’excommunication se trouve dans sa forme, accompagnée d’un Devoir, celui par l’Eglise, d’aider « le condamné provisoire » à corriger ses erreurs, ce n’est donc que si l’être après des monitions ne vient pas à résipiscence, qu’il se trouvera exclu des sacrements.
Le reproche d’hérésie tel que suggéré par le concile de Trente s’explique selon les bases de la théologie dogmatique, par le fait que celui qui aurait commis une faute qui s’oppose dès lors à ce que prône l’Eglise, abandonne certaines vérités qui sont partie intégrante de l’ensemble de la Révélation et du Magistère de l’Eglise. De ce fait aux yeux de l’Eglise, il devient Apostat. Dès lors que le sujet est apostat, il est en situation de schisme à l’égard de l’Eglise, Schismatique, il se sépare d’une ou plusieurs vérités de foi du contexte organique constituant le Magistère et tombe alors dans l’hérésie.
L’Eglise ne cherche pas à maintenir une partie de son troupeau dans l’hérésie, bien au contraire, elle cherchera à ramener le baptisé en son sein, d’où cette pensée selon laquelle la peine d’excommunication est une action médicinale parce qu’une telle condamnation  a pour but d’engager le fidèle à s’amender et revenir sur ses erreurs.

L’Eglise n’a en rien modifié cet espoir de résipiscence puisque le Code de 1917 expose en son canon 2340 : « § 1 Si quelqu’un par endurcissement, croupit pendant un an dans son excommunication, il est suspect d’hérésie. » 

Le Code de droit canonique de 1983 expose en son canon 1312 : «§ 1. Les sanctions pénales ans l'Église sont: 1 les peines médicinales ou censures énumérées aux  canons. 1331-1333 »
Attendu que le canon 1331 évoque la situation de l’excommunié,  il s’agit bien quant à cette censure d’une mesure médicinale, médicinale parce que transitoire dans l’espoir pour l’Eglise de voir le délinquant s’amender de son erreur. Ainsi le canon 1358 du nouveau Code expose : « 1. La remise d'une censure ne peut être accordée si ce n'est au délinquant qui a mis fin à sa contumace, selon le can. 1347, § 2; mais elle ne peut être refusée à qui y a mis fin. § 2. Celui qui remet la censure peut prendre des mesures selon le canon. 1348, ou même imposer une pénitence. » Et le canon 1347 expose : « § 1. Une censure ne peut être infligée validement à moins qu'auparavant le coupable n'ait été averti au moins une fois d'avoir à mettre fin à sa contumace, et qu'un temps convenable ne lui ait été donné pour venir à résipiscence. § 2. Doit être dit avoir purgé sa contumace le coupable qui se serait vraiment repenti de son délit et qui, de plus, aurait réparé d'une façon appropriée les dommages et le scandale, ou qui, du moins, aurait promis sérieusement de le faire. »


III
Peut-on excommunier un mort ? La réponse apparaît immédiatement, cette censure étant médicinale, elle ne saurait s’appliquer qu’à des baptisés non décédés, d’autant que l’objectif de cette censure est d’amener à résipiscence celui qui est délinquant aux yeux de l’Eglise : ne pouvoir agir de la sorte et pour ce motif, constitue une violation des règles de l’Eglise par elle fixées.


Jean-Pierre BONNEROT


(1)   Mgr Vincent TIZZANI, Arch. De Nisibe, Les conciles généraux, tome 1, page 326, Rome, YPOGRAPHIE  SALY1UCCÏ, 1857

Treize études sur le mauvais procès fait à NSJ+C et quatre compléments
















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