samedi 6 juillet 2013

DES INFLUENCES SUR LES JUGEMENTS DES JUGES - Maryse DEGUERGUE



Revue Juridique de l'USEK X (2009) 339-354
DES INFLUENCES SUR LES JUGEMENTS DES JUGES
PAR
Maryse DEGUERGUE
Professeur à l'Université Paris IPanthéon - Sorbonne
Directeur de l'UFR 1 de Droit Public
Deux obstacles méthodologiques se dressent avant de pénétrer la zone d'ombre qui précède le jugement.
D'abord, si l'office du juge est essentiellement la fonction de trancher les litiges au service de la justice et du respect des règles de droit, le juge doit remplir cet office en toute neutralité. Cette neutralité est assurée, dans les régimes démocratiques, par la garantie constitutionnelle de l'indépendance des juges qui se déterminent en leur âme et conscience. Dès lors, on peut penser que les juges sont normalement soustraits à toute in­fluence, de quelque ordre qu'elle soit.
Pourtant, neutralité et indépendance, que l'on tiendra pour acquises, n'excluent pas que des influences s'exercent sur les juges, car leur statut est le fruit de l'histoire et leur office se déroule dans un monde « vivant et situé » - celui de la société dans laquelle se nouent les conflits. De sorte que voir la neutralité et l'indépendance comme des armures protégeant les juges des influences serait idéaliste. On peut même soutenir que ces influences sont nécessaires en ce qu'elles permettent une certaine adaptation du droit au fait, et assurent une adhérence des juges à la société à laquelle ils appartiennent.
Ces influences existent: elles sont plus ou moins prégnantes, et donc vi­sibles de l'extérieur, et elles sont évidemment variables selon les époques: à preuve, l'influence de l'Administration était plus forte sur les juges adminis­tratifs à l'époque de l'application de la théorie du ministre juge qu'elle ne l'est aujourd'hui, même si une certaine complicité et compétence techniques par rapport à l'Administration active assure toujours à la juridiction adminis­trative l'autonomie et la légitimité par rapport à la juridiction judiciaire. Hormis la neutralité et l'indépendance des juges, un autre obstacle méthodo­logique se dresse pour traiter des influences sur les jugements des juges.

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Envisager l'existence d'influences peut signifier que l'objectivité de leur jugement en droit est remise en cause et que leur subjectivité peut l'emporter sur l'application des règles de droit. De ce fait, l'étude des influences est un sujet qui dérange : oser évoquer la raison d'État, la défense de certaines va­leurs, l'utilité économique et sociale, voire la pression des groupes d'intérêts n'est pas de bon aloi.
Et pourtant, des influences ne peuvent pas ne pas exister dès lors que la justice est rendue par des hommes. Lorsque les juges exercent « leur capacité décisionnelle de trancher»1, ils doivent nécessairement interpréter des règles de droit et les adapter aux faits de l'espèce. Ainsi l'interprétation et l'adaptation du droit au fait constituent sans doute les lieux privilégiés du jeu des influences. Du reste, l'existence d'une politique jurisprudentielle - que les observateurs s'accordent à discerner dans l'œuvre de chacune des juridictions suprêmes - prouve bien que des influences ont pu s'exercer antérieurement à l'adoption de la solution juridictionnelle. Mais la circonstance que des in­fluences peuvent aider les juges à trancher ne remet pas en cause leur indépen­dance fonctionnelle et leur objectivité à appliquer le droit, même si l'on sait qu'ils contribuent à le construire parfois indépendamment des textes.
L'existence d'influences étant admise, la définition de ce qu'est une in­fluence reste à donner. La chose se conçoit aisément mais elle s'énonce moins clairement. C'est l'action qu'exerce une personne ou une chose sur une autre personne ou une autre chose, selon l'une de ces formules tautolo-giques qui émaillent tous les dictionnaires.
Au titre de ces actions qui peuvent s'exercer sur les juges, celle des textes applicables au litige et celle de l'argumentation des parties sont évi­demment déterminantes. Mais elles ne peuvent pas être les seules, si l'ont admet que les juges détiennent aussi - de par leur pouvoir normatif - une parcelle de souveraineté, en dehors même de toute habilitation législative ou constitutionnelle, qui leur permet de réécrire la norme ou de la construire de toutes pièces, et si l'on reconnaît qu'ils peuvent écarter le raisonnement syl-logistique et choisir une solution d'abord pour l'argumenter ensuite2.
1)            Denys de BECHILLON, De la rétroactivité de la règle jurisprudentielle en matière de responsabilité, in Mélanges F.
2)     En ce sens, B. Chenot, L'existentialisme et le droit, RFSP 1953, p. 57 ; J. Nor­mand, Office du juge, Dictionnaire de la justice (direction L. Cadiet), PUF, 2004, p. 925, voir p. 927.

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Si la définition de l'influence n'est guère éclairante, l'étymologie de l'influence est plus intéressante et ses synonymes encore davantage. In­fluence vient de « influere » et de « influentia » en latin qui désignent l'action de couler et de pénétrer, au sens figuré dans la pensée, étant observé qu'à l'origine l'influence avait mauvaise réputation, comme en témoigne « l'influenza » qui désigne une épidémie de grippe venue d'Italie en 1743.
Bonne ou mauvaise, l'influence peut être aussi consciente ou incons­ciente, subie ou voulue, avouée ou inavouée, assumée ou reniée. Il nous semble réducteur de considérer que l'influence ne peut être que subie3; elle peut, à notre sens, être aussi volontairement acceptée dans un but précis qui servira précisément une politique jurisprudentielle. Mais faute de pouvoir retracer les cheminements de la pensée, une typologie des influences en fonction de ces qualificatifs semble impossible à dresser. Plus édifiants sont les synonymes d'influence : autorité, crédit, ascendant, emprise, poids, pres­sion, prestige, tyrannie, synonymes qui conduisent à se demander à quel moment de la procédure se laissent voir les influences et s'il y en a qui sont plus déterminantes que d'autres.
La trace des influences est décelable principalement dans les travaux préparatoires de la décision juridictionnelle, pris au sens large (rapport, con­clusions, mémoires), et dans la motivation de la décision juridictionnelle quand elle est suffisamment explicite. L'indice d'une influence consciente est le revirement de jurisprudence dont les motivations peuvent être décryp­tées dans les conclusions du ministère public ou du commissaire du gouver­nement4. D'ailleurs, si l'institution du commissaire du gouvernement satis­fait aux exigences de transparence et contribue ainsi à la qualité et à l'équité du procès administratif5 c'est parce qu'il lève un coin de voile sur les in­fluences qui ont pu ont pu emporter la conviction du juge administratif.
Les influences peuvent être diverses et la question de savoir quelle in­fluence à été plus déterminante qu'une autre ne peut être résolue de façon certaine en raison du secret du délibéré et de la discrétion professionnelle à laquelle sont tenus les magistrats. L'influence déterminante ne peut qu'être
3)     Position de B. PLESSIX, L'utilisation du droit civil dans l'élaboration du droit ad­ministratif, th. Préface de Jean-Jacques Bienvenu, Éditions Panthéon-Assas, 2003, p. 49.
4)     De ce point de vue les conclusions de C. Heumann sur CE, 24 nov. 1961, Ministre des Travaux publics c/Letisserand, S. 1962, 82; D. 1962, 34 sont particulièrement éclai­rantes.
5)     D. Chauvaux et J.H. Stahl, Le commissaire, le délibéré et l'équité du procès, AJDA 2005, p. 2116, voir p. 2120.

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supposée, sauf si elle est avouée par des commentateurs autorisés issus du sérail. Quant aux influences inconscientes, elles ne peuvent faire l'objet que de spéculations. On voit donc que les influences, pour évanescentes qu'elles puissent paraître, convoquent les différentes composantes de la création du droit par les juges, car elles les aident incontestablement à trancher le litige qui leur est soumis.
En cela, les influences peuvent être considérées comme étant à la source du pouvoir normatif des juges.
Enfin, les influences sont plurielles : elles peuvent être imbriquées, elles peuvent se cumuler ou au contraire se neutraliser. Si on tente de combiner les adjectifs qui caractérisent les influences et les synonymes, une classifica­tion tripartite se dessine: il y a probablement des influences d'ordre structu­rel qui sont plus ou moins subies, il y en a d'autres d'ordre conjoncturel qui sont plus ou moins conscientes, enfin il y a des influences d'ordre rationnel qui sont plus ou moins avouées.
I.    Les influences d'ordre structurel plus ou moins subies
Deux nous semblent particulièrement topiques qui s'expliquent, l'une par l'origine du juge administratif influencé toujours, parfois à son corps défendant, par l'adage « Juger l'administration c'est encore admi­nistrer »6, l'autre par la méthode de juger qui est commune aux deux ordres de juridictions et qui se réfère aux précédents. On évoquera donc l'ascendant de l'Administration et la force du précédent.
A. L'Ascendant de L'Administration
On ne reviendra pas sur une démonstration conduite, il y a plus de trente ans et qui demeure, dans une moindre mesure, toujours valable : le juge ad­ministratif peut se montrer « protecteur de prérogatives de l'Administration » parce qu'il est plus proche d'elle et plus sensible qu'un autre juge à ses ser­vitudes7.
6)           En ce sens, F. Monnier, Justice administrative, Dictionnaire de la Culture juri­dique (dir. D. Alland et S. Riais), PUF, 2003, p. 896 qui écrit p. 899 que « c'est la conviction bien enracinée que la justice administrative existe pour défendre les intérêts de l'État avant ceux des particuliers... qu'elle ne peut subsister que dans la défense de l'administration et de ses fonctionnaires ».
7)           A. Mestre, « Le Conseil d'État protecteur des prérogatives de l'Administration », LGDJ,BDP,t. 116, 1974.

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La survivance de la catégorie des actes de gouvernement prouve bien que le juge s'auto limite par révérence envers une fonction gouvernementale qui n'est rien d'autre que politique et qui sent la raison d'État. Certes, la réduction de la catégorie des mesures d'ordre intérieur atteste d'un ascendant de l'Administration en perte d'influence, mais deux illustrations récentes sont de nature à moduler cette appréciation :
La première a trait à une limitation du droit au recours contre une décision administrative justifiée précisément par la prégnance du pouvoir hiérarchique dans l'Administration. En effet, les agents d'un service administratif ne sont toujours pas recevables à intenter un recours pour excès de pouvoir contre une décision touchant l'organisation ou le fonctionnement de leur service, alors même qu'elle peut préjudicier à leurs droits8.
La deuxième illustration concerne la faculté reconnue à l'Administration de se prévaloir d'un autre motif pour justifier a posteriori devant le juge la légalité de sa décision, menacée d'annulation, pour avoir été fondée à l'origine sur un motif entaché d'illégalité. La substitution de motifs à laquelle procédera le juge en remplaçant le motif illégal par le motif légal - poursuit deux buts jouables : d'abord l'évitement d'une annulation qui peut être mal ressentie par l'Administration ; ensuite éviter la perte de temps et d'énergie, sachant que l'Administration peut toujours reprendre le même acte assorti du bon motif.
Une telle pratique n'en demeure pas moins éminemment contestable pour deux raisons :
D'une part, elle fait fi de l'exigence de la motivation des actes contem­poraine à leur édiction, afin de garantir la véracité et la fiabilité des raisons avancées par l'Administration. D'autre part, elle prive l'administré du droit à un réexamen de son dossier, dont il aurait bénéficié si l'annulation avait été prononcée et sa demande de nouveau traitée. Certes, le juge administratif a entouré la substitution de motifs de garde-fous, notamment le respect du contradictoire et la vérification que la substitution ne prive pas l'intéressé d'une garantie essentielle9. Toutefois, même si la substitution de motifs de-
8)            CE, S., 10 juillet 1995, Mme Laplace, AJDA 1995, p. 849, note F. Mallol.
9)            CE, S., 6 février 2004, Hallal, Rec. P. 48; AJDA 2004, p. 436, Chr. F. Donnât et D. Casas; RFDA 2004, p. 740, concl. I. de Silva. Voir I. de Silva, « Substitution de motifs, deux ans d'application de la jurisprudence Hallal », AJDA 2006, n° 13, p. 690.

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mandée par l'Administration peut être refusée par le juge, elle s'analyse comme une nouvelle modalité de protection des intérêts de l'Administration. Elle témoigne peut-être d'une certaine propension du Conseil d'État « à ne pas indisposer l'administration active »10. Ne pas l'indisposer c'est aussi la conforter dans ses habitudes, ce à quoi obéit la référence aux précédents.
B. La Force du Précédent
À lire les observateurs les plus avisés, le juge administratif n'est tenu par aucun précédent jurisprudentiel11 et les juges judiciaires possèdent une « totale liberté théorique à l'égard des précédents jurispmdentiels »12. À l'appui de ces assertions, deux arguments peuvent être avancés : d'abord, Conseil d'Etat et Cour de cassation seraient pragmatiques et se défieraient de tout esprit de système, ne voulant pas au surplus se lier les mains pour l'avenir ; en outre, les revirements de jurisprudence attesteraient de la faible force du précédent dans notre système romaniste à l'opposé du système an­glo-saxon.
Toutefois la force du précédent ne nous paraît pas niable, quel que soit l'ordre de juridiction considéré, pour deux raisons : d'un côté, les juges infé­rieurs ont tendance à suivre ce qu'a décidé la Cour Suprême, « par inertie et par crainte de voir leur décision réformée »13; d'un autre côté, les Cours Su­prêmes elles-mêmes ne recourent au revirement de jurisprudence qu'avec la plus grande circonspection. L'importance qui lui est donnée, à juste titre pour l'évolution du droit, tient aussi à ce qu'il est plus visible et plus média­tisé que le respect du précédent, nécessairement feutré et débusqué par les seuls initiés de la jurisprudence.
Par ailleurs, les questionnements récents sur les menaces que font peser les revirements de jurisprudence sur la sécurité juridique faussent la perspec­tive: ce n'est pas leur fréquence qu'il faut induire de la pluralité des études qui leur sont consacrées, mais leur portée toujours perturbatrice de l'ordre juridique par leur caractère à la fois normateur et rétroactif14. En outre,
10)     F. Monnier, article précité, p. 899.
11)     Ibidem.
12)     D. TALLON, Précédent, Dictionnaire de la Culture juridique (dir. D. Alland et S. Rials), PUF, 2003, p. 1185, voir p. 1186.
13)     Ibidem.
14)     Rapport du groupe de travail présidé par N. Molfessis, Les revirements de juris­prudence, Litec, 2005, voir notamment pp. 7 et 10.

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l'imprécision du concept de revirement de jurisprudence ne permet pas tou­jours de connaître sa consistance réelle par rapport aux précédents15.
Il est vrai que la force du précédent est plus subie par les juridictions in­férieures et davantage consciente chez les juges des Cours Suprêmes. À preuve, quelques revirements de jurisprudence manques, que le législateur a parfois dû opérer par un texte qui aurait pu être un « grand arrêt » (R. Cha-pus). Ainsi, dans la jurisprudence judiciaire, le refus d'admettre le risque thérapeutique afin de ne pas faire peser sur le médecin le poids financier de l'aléa médical16 et, dans la jurisprudence administrative, le refus de simpli­fier la répartition des compétences juridictionnelles en matière de placement d'office des aliénés17. Dans le premier cas, le législateur a dû intervenir par la loi du 4 mars 2002 qui assure l'égalité de traitement des malades en ins­taurant un système d'indemnisation de l'accident médical fondé sur la soli­darité nationale, abstraction faite du caractère privé ou public de l'établissement de soins auquel ils ont eu recours. Dans le second cas, le Conseil d'État a choisi consciemment de s'en tenir à sa jurisprudence tradi­tionnelle qui réserve à la compétence administrative l'appréciation de la régularité du placement d'office d'un aliéné et à la compétence judiciaire la nécessité du placement et les responsabilités qui en découlent, alors que son commissaire du gouvernement lui avait présenté les mérites d'une évolution du partage des compétences et l'avait invité à saisir le Tribunal des Conflits. Seule une réforme législative pourra venir mettre un terme à cette répartition complexe que le juge administratif suprême maintient malgré les réserves qu'elle suscite.
D'ailleurs et à l'inverse, une des figures de rhétorique des commissaires du gouvernement peut consister à s'appuyer sur la force du précédent pour convaincre la formation de l'opportunité de maintenir la jurisprudence en l'état ou encore plus subtilement à convaincre du bien-fondé d'une évolution
15)      Voir sur cette imprécision, G. Darcy, « Le théoricien et le rêveur (réflexions sur les revirements de jurisprudence) », in Mélanges M. Troper, « L'architecture du droit », Econo­mie^ 2006, p. 329.
16)      Cass. Civ. lre, 8 novembre 2000, qui décide que «la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contrac-tuellement tenu à l'égard de son patient». Voir P. Sargos, « L'aléa thérapeutique devant le juge judiciaire », JCP 2000, I, 202, qui a plaidé pour une intervention du législateur et a été entendu.
17)      CE, S., 1er avril 2005, Mme L„ AJDA 2005, p. 1231, chr. C. Landais et F. Lenica.

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en montrant qu'elle s'écarte finalement peu du précédent18. De ce point de vue, les commissaires du gouvernement peuvent être considérés comme participant effectivement à la fonction de juger, car leurs conclusions in­fluencent nécessairement le sens du jugement finalement rendu, qu'ils soient par ailleurs présents ou non au délibéré, qu'ils y parlent ou qu'ils demeurent muets. Leur influence sur le jugement se produit bien évidemment en amont de celui-ci, mais, si cette influence se rattache aux influences d'ordre structu­rel, puisque le commissaire du gouvernement appartient à la juridiction sai­sie, elle est assurément consciente.
II.   Les Influences d'ordre conjoncturel plus ou moins cons­cientes
Deux nous semblent répondre à cette qualité : la première influence -celle de la doctrine - paraît moins forte aujourd'hui que par le passé en rai­son d'une autorité que l'on peut qualifier d'affaiblie. La deuxième influence s'avère plus importante : c'est celle des autres juges, à tel point qu'il ne pa­raît pas excessif de parler de la pression de la concurrence entre juges.
A. L 'a utorité Affaiblie de la Doctrine
Il convient de préciser que le critère de l'autorité pour identifier la doc­trine et la hisser au niveau des sources matérielles du droit est controversé dans la communauté des juristes. Les termes de la controverse ne peuvent pas être rappelés ici mais, si l'on admet que cette autorité soit théoriquement concevable, force est de reconnaître qu'elle est sensiblement affaiblie depuis une vingtaine d'années pour deux raisons au moins : d'abord cette autorité est diluée par l'extrême foisonnement des auteurs et des écrits doctrinaux, ainsi que par leur hétérogénéité. La traçabilité des idées n'est plus assurée comme du temps de Maurice Hauriou qui a inspiré Romieu pour la gestion privée des services publics ou de Georges Vedel qui se plaisait à rappeler qu'il était à l'origine de la jurisprudence Giry. Par ailleurs, la doctrine issue du Conseil d'État (« doctrine officielle »19 pour certains) tend à supplanter la
18)     E. Desmons, « La rhétorique des commissaires du gouvernement près le Conseil d'État », Droits, 2002, n° 36, p. 39, qui écrit p. 53... que « les commissaires du gouvernement s'efforcent de montrer que l'innovation qu'ils proposent est limitée dans ses effets et qu'elle ne fait que concrétiser une évolution déjà amorcée, que toute solution nouvelle possède même en vérité des racines jurisprudentielles anciennes, qu'elle s'inscrit donc dans une certaine continuité, sans verser dans l'inconnu »
19)     X. Vandendriessche, «La doctrine officielle», in G. Koubi (dir.), Doctrines et doctrine en droit public, PU, Toulouse, 1997, p. 199.

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doctrine universitaire, voire à la stériliser, parce qu'elle est placée évidem­ment à des postes d'observation privilégiée et qu'elle vient enseigner le droit administratif au sein même des universités. À cet égard, la doctrine privatiste semble être dans une meilleure posture, en ce qu'elle ressent moins l'ascendant des magistrats judiciaires et peut donc davantage les influencer20.
La deuxième raison de l'affaiblissement de la doctrine tient au fait que les grandes cathédrales, comme le service public ou la puissance publique, non seulement ne sont plus à construire, mais encore n'ont plus lieu d'être. Au contraire, les notions dominantes du droit contemporain - concurrence, privatisation, contractualisation - sont déconstructrices du droit administratif et ne suscitent plus des actes de foi et une analyse dogmatique du droit pu­blic21. Au contraire, les mutations actuelles du droit administratif se caracté­risent par une dilution de son autonomie et une pénétration croissante du droit privé qui rendent plus que jamais pertinente, mais en sens inverse, l'exclamation « on nous change notre Etat » de Maurice Hauriou, mutations qui exigent assurément une reconstruction.
Par conséquent, l'influence que la doctrine tente d'exercer sur les juge­ments des juges se borne souvent à préconiser des améliorations techniques dans l'exercice du contrôle juridictionnel: ainsi du contrôle normal sur le choix d'une sanction disciplinaire, du contrôle extrinsèque de l'utilité pu­blique d'une expropriation, de l'invocabilité directe des directives commu­nautaires ou encore, toutes juridictions confondues, de l'aménagement de dispositions transitoires dans les arrêts de revirement pour pallier la rétroac­tivité de la norme nouvelle.
Cette influence n'est certes pas négligeable, mais elle est ponctuelle, conjoncturelle, et ne ressemble plus à un grand dessein, tant il est vrai
20)  Ph. Jestaz et Ch. Jamin, La doctrine, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2004, p. 203 qui écrivent... « les professeurs de droit n'ayant ici (en droit administratif) qu'une influence limitée sur les autres auteurs et en particulier sur le juge administratif, qui tout à la fois juge, écrit et enseigne. On en connaît les causes historiques, dont les effets se font encore sentir aujourd'hui ».
21)  En ce sens, D. Truchet, « Quelques remarques sur la doctrine en droit administratif» in Mélanges P. Amselek, Bruylant, 2005, p. 769 qui écrit « L'ère des bâtisseurs semble passée, et, avec elle, celle des grandes controverses doctrinales » (p. 771). Dans le même sens, F. Melleray, « Le droit administratif doit-il redevenir jurisprudentiel ? Remarques sur le déclin paradoxal de son caractère jurisprudentiel », AJDA, 2005, p. 637 qui écrit p. 642 : « On en arrive aujourd'hui à renoncer aux critères généraux façonnés par le juge et, sous couvert d'adapter le droit aux réalités économiques, à multiplier les législations particulières sans perspective d'ensemble ».

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qu'aujourd'hui la systématisation doctrinale de la jurisprudence laisse place à une codification des textes qui est apparue plus nécessaire et plus urgente en raison de l'inflation législative et réglementaire. À tel point que l'on peut se demander si la nouvelle fonction de la doctrine dans les décennies à venir ne sera pas de retourner à l'exégèse des textes et si l'influence doctrinale n'est pas déjà plus prégnante dans la préparation des codes que dans la for­mation de la jurisprudence.
En un mot, les juges semblent plus à l'écoute des autres juges qu'à celle de la doctrine.
B. La Pression de la Concurrence entre Juges
La concurrence entre juges est aussi une idée sujette à controverse tant elle paraît étrangère à l'atmosphère feutrée des Cours Suprêmes. Des termes plus neutres, tels que l'utilisation, l'emprunt ou l'inspiration des concepts et des méthodes d'une juridiction par une autre satisfont mieux l'esprit par l'apaisement qu'ils apportent et la collaboration entre juges qu'ils supposent.
Et pourtant, il y a concurrence dès lors qu'il y a menace et nul ne peut nier que la juridiction administrative ait été attaquée, non seulement dans son identité, mais aussi dans sa légitimité, au point de devoir défendre l'une et l'autre en affermissant sa réputation de protectrice des administrés et plus généralement des citoyens.
Certes, il y a eu des emprunts dénués de toute idée de compétition: par exemple celui de la technique de l'erreur manifeste d'appréciation puisée par le Conseil d'Etat dans la jurisprudence du Tribunal de l'Organisation Inter­nationale du Travail puis reprise du Conseil d'Etat par le Conseil Constitu­tionnel. En revanche, on ne peut pas dire que l'influence qu'ont exercée les jurisprudences judiciaire et européenne sur le juge administratif ait été tota­lement fortuite: dans les deux cas, il s'est agi pour la juridiction administra­tive de lutter contre un déficit d'image: tantôt une réputation de protection des deniers publics qui la faisait engager la responsabilité de l'Administration qu'avec circonspection, mauvaise réputation qui perdure injustement auprès des praticiens, tantôt une propension à laisser se perpé­tuer l'inégalité des armes entre l'Administration et les administrés dans la procédure administrative contentieuse.
D'où les emprunts conceptuels aux juges judiciaires en matière de res­ponsabilité extra-contractuelle des personnes publiques et un alignement sur l'interprétation de l'article 6-1 de la Convention Européenne de sauvegarde

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des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales donnée par la Cour européenne des droits de l'homme.
Concernant les emprunts conceptuels à la responsabilité civile, le recours à la notion de garde d'autrui est révélateur d'une volonté d'alignement du raisonnement du juge administratif sur celui du juge civil afin d'aplanir les divergences entre jurisprudence admi­nistrative et judiciaire concernant l'indemnisation des dommages causés par les mineurs placés au titre de l'assistance éducative au­près d'un établissement dépendant d'une personne publique22.
Or, on peut se demander si le Conseil d'Etat n'a pas ouvert une boite de Pandore car le recours à la notion de garde d'autrui s'est propagé à l'indemnisation des dommages causés par les mineurs délinquants23 et la notion de garde des choses à l'indemnisation des dommages causés acciden­tellement par un ouvrage public à des tiers au motif que le maître d'ouvrage en a la garde24. Pourtant, dans tous ces cas, la garde ne constituait pas un passage obligé pour aboutir à l'application d'une responsabilité sans faute, puisque les notions habituelles de risque spécial, de risque social ou encore de charge, indue pouvaient être utilisées aux mêmes fins. A vouloir concur­rencer le juge judiciaire sur son propre terrain, le juge administratif prend le risque de donner un argument supplémentaire aux tenants de la dévolution de la responsabilité de l'Administration aux juridictions judiciaires.
concernant la soumission bien connue de la justice administrative aux règles du procès équitable, telles qu'elles sont interprétés par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il faut remarquer qu'en dehors du champ d'application de l'article 6-1, le Conseil d'État a été poussé à reconnaître l'existence de principes généraux de la
22)  CE, S., 11 février 2005, GIE Axa Courtage, RFDA 2005, p. 595, concl. Devys, p. 602, note P. Bon; Rec. Lebon, p. 45, concl. Devys; AJDA 2005, p. 663, chr. Landais et Leni-ca. Sur cette évolution, voir D. Meillon, « Un nouveau fondement pour la responsabilité sans faute des personnes publiques: la garde d'autrui », RD publ. 2006, p. 1221.
23)  CE, S., 1 février 2006, MAIF, AJDA 2006, p. 586, chr. C. Landais et F. Lenica, quoique le juge ouvre une option à la victime qui peut, soit invoquer la garde d'autrui vis-à-vis de la personne chargée d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur au moment de la commission du dommage, soit se fonder sur le risque spécial que fait courir l'État aux tiers dans la mise en œuvre de mesures de liberté surveillée prévues par l'ordonnance du 2 février 1945.
24)  CE, 3 mai 2006, Ministre de l'Écologie et du développement durable, Commune de Bollène, req. n° 261956 et 262041 et Commune de Bollène, Syndicat intercommunal pour l'aménagement et l'entretien du réseau hydraulique du Nord Vaucluse, req. n° 262046.

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procédure administrative contentieuse applicables à toutes les juri­dictions administratives, au nombre desquels l'impartialité et le res­pect des droits de la défense25. Cette démarche est révélatrice de la volonté, bien compréhensible, du juge administratif de ne pas appa­raître en retrait dans le registre de la protection des justiciables. Non seulement, il fait observer scrupuleusement les exigences du procès équitable dans le cadre d'application tracé par l'article 6-1, mais en­core il estime être lié par celles-ci en vertu des principes généraux qu'il consacre de façon prétorienne en dehors du champ d'application de cet article. On peut déceler aussi dans cette exten­sion une influence d'ordre rationnel qui veut que toute juridiction, fut-elle spécialisée, statue de façon impartiale en respectant les droits de la défense.
III. Les Influences D'ordre Rationnel plus ou moins Avouées
Si l'office du juge est aussi de trouver l'équilibre entre les intérêts en présence, l'emprise de l'équité et la pondération des intérêts est une in­fluence d'ordre rationnel qui est étrangère à tout sentimentalisme, contraire­ment à l'image d'Epinal du bon juge de Château-Thierry. Si l'équité est ou­vertement sollicitée et acceptée, reconnue, une autre influence d'ordre ra­tionnel, la modernité, l'est moins car elle révèle sans doute une autre tyran­nie des apparences.
A. L 'Emprise de l 'Équité et «La Pondération des Intérêts»26
Malgré l'adage « Dieu nous garde de l'équité des Parlements », les juges à quelque ordre qu'ils appartiennent, n'ont jamais nié prendre en con­sidération l'équité dans le but de préserver les intérêts de chacun, à la re­cherche du fameux équilibre de la balance de la justice.
25)  CE, Ass. 23 février 2000, Sté Labor Métal, Rec. Lebon, p. 82, concl Seban. La ma­tière financière, en cause dans cet arrêt, est d'ailleurs tombée depuis lors dans le champ d'application de l'article 6-1 et le principe d'impartialité est donc applicable en vertu de cet article: CE, 30 décembre 2003, Beausoleil et Mme Richard, AJDA 2004, p. 1301, note F. Rolin; CE, 27 juillet 2005, Weygand et Bernardini, Balkany, AJDA 2005, p. 2016, concl. M. Guyomar.
26)  Expression dont la paternité revient à J. Compernolle, « Vers une nouvelle défini­tion de la fonction de juger: du syllogisme à la pondération des intérêts », in Mélanges F. Rigaux, Bruylant, 1993, p. 495.

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Il est avéré que maints commissaires du gouvernement près le Conseil d'État s'y sont référés pour convaincre du bien-fondé de l'élargissement continu de la responsabilité sans faute de la puissance publique (Jean Ro-mieu dans l'affaire Cames et encore tout récemment M. Devys qui, dans ses conclusions sur l'arrêt GIE Axa Courtage, a expliqué que « l'état actuel de la jurisprudence était à double titre "inéquitable pour les victimes et incom­préhensible pour le public »). La doctrine a même parlé de «jurisprudence d'équité »27, ce qui est plus qu'un aveu, une reconnaissance et un hommage. La Cour de cassation tranche dans le même esprit. C'est par souci d'équité envers les victimes d'accidents médicaux qu'elle a fait produire un effet rétroactif à l'obligation d'information pesant sur les médecins, afin proba­blement de pallier les conséquences inéquitables de son refus de faire entrer l'aléa thérapeutique dans les rapports contractuels existant entre un médecin libéral et son patient. Cependant la justification qu'elle a apportée à cette solution et selon laquelle « l'interprétation jurisprudentielle d'une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l'époque des faits considérés » est difficile à admettre et à faire comprendre, même si elle veut signifier que la norme telle qu'elle a été interprétée en 1998 dans le sens d'une obligation d'information des médecins, même sur les risques excep­tionnels, devait être appliquée en 2001 indépendamment de l'époque à la­quelle se sont déroulés les faits reprochés au médecin. Équitable pour les victimes, la rétroactivité de la règle jurisprudentielle s'avère redoutable pour les personnes dont la responsabilité est mise en cause28.
On le voit donc, dans des rapports égalitaires comme le sont les rapports de particuliers à particuliers, l'équité présente un double tranchant: favorable aux uns, elle s'avère défavorable aux autres et c'est à ce point de rupture que « la pondération des intérêts » par le juge doit intervenir. Certes, relève de l'office du juge la mission de faire évoluer la jurisprudence tout en veillant à la sécurité juridique. Cette dernière ne saurait en effet « consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit »29. Mais la sécurité juridique impose des aménagements raisonnables comme la modulation dans le temps des effets de la chose jugée ou des mesures transitoires dans les lois.
27)  J.P. Gilli, « La responsabilité d'équité de la puissance publique », D. 1971, chr. p. 125.
28)  Sur l'obligation d'information pesant sur les médecins, Cass. Civ. lre, 7 octobre 1998, D. 1999, 145, note S. Porchy-Simon ; JCP 1999, II, 10179, concl. Sainte-Rose, note P. Sargos. Sur son application à des faits antérieurs et la justification reproduite au texte, Cass. Civ. F ; 9 octobre 2001, D. 2001, 3470, rapport P. Sargos, note D. Thouvenin.
29)  Cass. Civ. lre, 21 mars 2000, D. 2000, 593, note Ch. Atias.

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MARYSE DEGUERGUE

Le juge administratif parle dans le même ordre d'idées de conciliation des intérêts publics et des intérêts privés et, pour le cas particulier des revi­rements de jurisprudence inéquitables, a trouvé la parade en posant la règle nouvelle le plus souvent dans des arrêts de rejet qui ne l'appliquent pas. C'est encore par des considérations d'équité que le Conseil d'État a décidé de moduler l'effet rétroactif de ses annulations contentieuses, lorsque cet effet emporterait « des conséquences manifestement excessives ». Pour dé­cider de la modulation, le juge doit prendre en considération les consé­quences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et les inconvénients d'une limitation dans le temps des effets de l'annulation30. Si cet examen le conduit à considérer qu'il est plus raisonnable de limiter dans le temps les effets rétroactifs, le juge pourra pro­noncer cette limitation et même différer les effets de l'annulation à une date postérieure à sa décision.
La mise en balance des intérêts publics et privés, des avantages et des inconvénients d'une modulation de la rétroactivité montre bien que la déci­sion est orientée en fonction de paramètres qui ne sont pas tous spécifique­ment juridiques31.
B. Le Prestige de la modernité ou l'Autre Tyrannie des ap­parences
Le miroir de la modernité reflète les préoccupations manageriales de la gestion publique soumise à l'efficacité et brouille l'image d'une justice con­servatrice, lente allant son train de sénateur avec sérénité. La célérité de la justice et la rentabilité attendue des juges connaît une traduction juridique dans la multiplication des recours préalables obligatoires afin de faciliter la conciliation, dans l'instauration du juge unique dans des contentieux tou­jours plus nombreux et la suppression de l'appel dans des contentieux consi­dérés comme mineurs.
L'organisation de la justice n'est pas seule affectée, l'office du juge, sa manière de comprendre et de rendre la justice l'est aussi certainement, en­core qu'elle soit difficile à mesurer. Dans une société médiatisée et une dé­mocratie d'opinion, les juges sont aussi sensibles à l'image qu'ils donnent à voir: pragmatisme et empirisme rangent la bonne administration de la justice
30)  CE, Ass., 11 mai 2004, Association AC, AJDA 2004, p. 1183, chr. c. Landais et F. Lenica.
31)  En ce sens, J. Normand, « Office du juge, Dictionnaire de la Justice » (dir. L. Ca-diet), PUF, 2004, précité.

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parmi les moyens privilégiés par les deux ordres de juridiction pour montrer qu'ils sont attentifs aux intérêts des justiciables.
L'opportunisme n'en est pas très éloigné non plus quand des commis­saires du gouvernement se réfèrent à une triple économie de temps et de charge contentieuse pour l'Administration, le requérant et le juge32 ou se réfèrent à des arguments d'opportunité temporelle33 ou de cohérence interne de la jurisprudence34.
La modernité, est-ce aussi reconnaître le bien-fondé de la normalisation, quand ce n'est pas la labellisation? C'est poser la question de savoir si le jugement, indépendamment du traitement quantitatif des dossiers, peut faire l'objet d'une évaluation de qualité. Quant à la productivité, élément essentiel de la modernité, un Vice-président du Conseil d'État a rappelé opportuné­ment qu'il était difficile d'en demander toujours plus aux juges35.
Mais l'office du juge et les influences qui l'inspirent peuvent-ils réelle­ment faire l'objet d'une certification, comme c'est le cas pour le parquet général de la Cour des Comptes certifié ISO 9001-2000 en 2002?
La modernité n'a-t-elle pas des limites?
Intervention du Président Yves GAUDEMET
Si on ôte du mot influence ce qui peut y avoir de péjoratif, l'acte de ju­ger n'est que du droit entouré par un réseau d'influences. Si l'on veut sous­traire le juge à toutes les influences, il n'y aura jamais de jurisprudence. Avec cette communication, vous aurez certainement contribué à nous éclai­rer beaucoup sur ce point et certainement aussi contribué à alimenter le débat qui viendra tout à l'heure. Je crois que ce rôle déclinant de la doctrine a sur­pris certains d'entre nous. Quant au juge administratif qui souffrirait de défi­cit d'images, mon sentiment est qu'il se porte plutôt bien. Son image sociale, son image en tant que juge n'est pas si mauvaise aujourd'hui. Sans doute, souffre-t-il d'un déficit d'images ; toutefois, maintenant qu'existent des pro­cédures d'urgence, les choses ont changé.
32)  Concl. I. de Silva sur CE, S., 3 décembre 2003, El Bahi, AJDA 2004, p. 202, arrêt opérant une substitution de base légale pour éviter une annulation.
33)  Concl. P. Frydman sur CE, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, Rec. Lebon, p. 190.
34)  Chr. C. Landais et F. Lenica sous CE, 1er février 2006, MAIF, AJDA 2006, p. 586.
35)  Questions à Renaud Denoix de Saint Marc, AJDA 2005, p. 628.

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Mme. Sophie Harnay, je suis heureux et impatient de vous écouter. Votre sujet en effet me rafraîchit. Quand j'étais à l'Institut d'Études Poli­tiques, on nous parlait beaucoup de la rationalisation des choix budgétaires puis ce thème a disparu. Personnellement, j'avais toujours pensé que les choix budgétaires étaient rationalisés et qu'ils continueraient à l'être. Avec votre sujet sur la manière dont la rationalité économique traverse la décision judiciaire, vous allez nous rendre plus familier avec ce grand thème de l'économie du droit. Je vous en remercie.

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